Le message d'espoir de SYRIZA

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Fortes tensions en perspective avant la rupture, désormais inévitable

Syriza a donc vaincu et obtient 149 sièges. Alexis Tsipras, son charismatique dirigeant, est le grand triomphateur des élections de ce dimanche 25 janvier. Beaucoup de gens se sont réjouis, dont chez certains avec une impudeur outrancière. On a vu ainsi des dirigeants du PS français, n’est-ce pas MM. Cambadélis et Désir, qui il y a deux ans encore établissaient un véritable blocus à l’égard de Syriza voler au secours de la victoire. Il y a des gens « sans vergogne » comme l’on dit dans le midi de la France… Il est vrai que la défaite des « socialistes » grecs du PASOK est exemplaire (moins de 5% des suffrages) tout comme est clair la gifle donné à la droite libérale de la Nouvelle Démocratie (deux mensonges pour un seul titre). Mais, cette victoire ouvre surtout une nouvelle séquence politique pour la zone Euro.
Que fera Syriza ?
Le programme de Syriza n’est nullement révolutionnaire. Mais dans le contexte de la Grèce aujourd’hui il marque une véritable rupture. Dans le domaine social, il prévoit, une hausse du salaire minimum à 750 euros (contre moins de 600 actuellement), un 13e mois pour les retraites de moins de 700 euros et un relèvement du seuil annuel de revenus imposables pour les particuliers, abaissé à 5 000 euros, et qui s’établirait désormais à 12 000 euros. Le coût de cet ensemble de mesures est estimé par Syriza à un peu moins de 12 milliards d’euros. Mais, le point essentiel est que Syriza se déclare opposé à payer environ les deux tiers de la dette publique grecque. C’est là que le conflit potentiel avec les institutions européennes pourrait se concentrer. Car, les autorités européennes sont en fait plus sensibles à la question de la dette grecque qu’à celle de mesures macroéconomiques, mesures qui apparaissent largement inévitable.
Il est évident que la Grèce ne peut porter sa dette publique, qui ne cesse de s’accroître non pas en raison du déficit budgétaire (hors dette) mais du fait du poids des intérêts. Ceci est connu des économistes depuis la fin de 2009. Il convient donc d’annuler une large partie de cette dette, ce que de nombreux économistes disent. Mais, cette annulation va poser problème par rapport aux institutions européennes qui détiennent de fait (via la BCE, le Fond Européen de Stabilité Financière ou FESF et le Mécanisme Européen de Stabilité ou MES) une large partie de cette dette. Si la Grèce faisait défaut (ou répudiait tout ou partie de sa dette) cela imposerait une contribution financière aux contribuables de la zone Euro, sauf si la BCE acceptait de reprendre ces titre, et devenait dans les faits ce que l’on appelle une « bad bank » ou une structure chargée de porter des titres qui n’ont plus aucune valeur (ce que l’on appelle une « structure de défaisance »). Mais, une telle solution compromettrait gravement l’existence de la zone Euro. On comprend alors pourquoi les différents gouvernements, et les gouvernements allemand et français, sont contre une telle solution. Ils proposeront sans doute au gouvernement grec de surseoir aux paiements, tant du principal que des intérêts, pour une période pouvant aller de 5 ans à 20 ans. Mais le gouvernement grec n’a aucun intérêt à accepter ce « moratoire » pour une période de moins de trente ans.
Le conflit entre la Grèce et les pays de la zone Euro apparaît inévitable. La volonté du gouvernement Grec de refuser le plan « d’aide » (qui porte mal son nom puisqu’une grande part des sommes – 77% - est allée aux banques européennes) ainsi que la tutelle de la « Troïka » (la BCE, le Fond Monétaire International et la Commission Européenne) constituent ici une position de principe pour Athènes. On voit mal Alexis Tsipras transiger sur cette question.
De la discorde chez l’adversaire.
Dans ce conflit, il est clair que l’ennemi (ici les pays de la zone Euro) est divisé. Les français veulent éviter un choc budgétaire (par la matérialisation des procédures fédérales sur le FESF et le MES) et seraient partisans de transformer la BCE en une structure de défaisance. L’Allemagne s’y oppose absolument. La France et l’Italie pourraient soutenir une certaine expansion de la politique budgétaire grecque, ce qui est une autre pomme de discorde avec l’Allemagne. Sur le fond, l’Allemagne, mais on l’oublie souvent, la Finlande et l’Autriche, campe sur la position qu’un accord ne peut être renégocié, même si des arrangements sont possibles sur les conditions de cet accord. En réalité, le problème dépasse la Grèce. Si cette dernière obtient de nouvelles conditions, cela validera la stratégie de Podemos en Espagne, parti nouvellement crée qui est en pleine ascension, mais aussi celle du Movimente 5 Stelle de Beppe Grillo, en Italie. C’est surtout cela qui effraie les dirigeants allemands.
La politique qui sera adoptée en définitive tiendra plus compte des effets induits par le succès de Syriza (sur l’Espagne et l’Italie) que des mesures concrètes qui pourraient être prises à Athènes. Or, si l’Allemagne (et ses alliés) veulent stopper la contagion, elle doit faire preuve de fermeté. Mais, cette fermeté peut justement précipiter la crise entre la Grèce et la zone Euro.
Le choix de Tsipras
Tout ceci se résume en réalité au choix d’Alexis Tsipras. Il peut décider d’aller à l’affrontement avec les institutions européennes, fort de sa légitimité, comme il peut décider de commencer dès à présent à transiger. Cette seconde hypothèse le condamne à mort politiquement. C’est pourquoi, en dépit des espoirs de nombre d’européistes, elle n’apparaît pas très réaliste. On a dit, dans ce blog, qu’une trahison de plus serait une trahison de trop. Alexis Tsipras le sait parfaitement. Il a choisi le lundi 26 de s’allier avec les « Grecs Indépendants », et non avec « To Potami », petit parti centriste né de la décomposition du PASOK. Les « Grecs Indépendants » sont un parti souverainiste de droite, correspondant peu ou prou aux positions exprimées en France par Nicolas Dupont-Aignan. Il a donc une majorité au Parlement grec et surtout il affiche un choix très clair d’une politique de fermeté dans ses relations futures avec les institutions européennes.
C’est un choix important. En acceptant de transiger sur des réformes sociétales pour mettre au premier plan la question de l’affrontement avec les institutions européennes, Alexis Tsipras montre quelles sont ses priorités, prouve son absence de sectarisme, et envoie un message clair aux peuples européens. La question fondamentale est donc bien celle de la souveraineté et cela conditionne les alliances qui peuvent être passées.
Ce message est un message d’espoir.
Un message digne d’émulation.

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Jacques Sapir142 articles

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Jacques Sapir est un économiste français, il enseigne à l'EHESS-Paris et au Collège d'économie de Moscou (MSE-MGU). Spécialiste des problèmes de la transition en Russie, il est aussi un expert reconnu des problèmes financiers et commerciaux internationaux.

Il est l'auteur de nombreux livres dont le plus récent est La Démondialisation (Paris, Le Seuil, 2011).

_ Zone Euro : une crise sans fin ?
_ Zone Euro : le bateau coule…
_ Marine le Pen, arbitre de la vie politique française
_ L’Euro, un fantôme dans la campagne présidentielle française
_ Euro : la fin de la récréation
_ Zone Euro : un optimisme en trompe l’œil?
_ La restructuration de la dette grecque et ses conséquences
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_ La Russie face à la crise de l’euro
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