L'opinion de Bernard Landry #28

Le mur

D'où vient une telle inquiétude? D'une réalité implacable et très difficile à contrer: le vieillissement de la population.

L'opinion de Bernard Landry


De plusieurs horizons responsables, de droite comme de gauche, on entend répéter depuis quelques années la sinistre phrase suivante: "Le Québec s'en va dans le mur". Je n'aime pas cette façon de voir les choses, je ne voudrais pas y croire et j'ai toujours été optimiste quant à notre destin. Je le suis encore, mais à certains égards je suis inquiet comme bien d'autres. D'où vient une telle inquiétude?
D'une réalité implacable et très difficile à contrer: le vieillissement de la population. En soi ce n'est pas une mauvaise nouvelle. L'espérance de vie augmente, on vit plus vieux, globalement plus en santé et l'on profite de la vie plus longtemps.
Naguère plusieurs travailleurs, dans les métiers physiquement difficiles en particulier, prenaient leur retraite à soixante-cinq ans et mouraient avant soixante-dix ans. Comme disent les actuaires, cela rendait les fonds de pension plus faciles à gérer! On dit que les petites filles qui naissent aujourd'hui ont une chance sur deux de vivre jusqu'à cent ans. La courbe pour les hommes tend peu à peu à s'ajuster à celle des femmes. Alors, où est alors le problème?
C'est tout simplement que la proportion de ceux et celles en âge de travailler diminue par rapport à celle des retraités. Il y a actuellement au Québec environ 15% de la population qui est âgée de soixante-cinq ans et plus. Elle est toujours moins élevée que dans les autres pays développés, en raison des extraordinaires performances antérieures de notre natalité.
Au cours des âges, la démographie au Québec a été une des plus dynamiques de l'espèce humaine. Il est venu ici environ dix mille Français il y a quatre siècles. Leurs descendants, qui se sont fortement métissés il est vrai aux amérindiens, sont aujourd'hui autour de quinze millions. Sept million et demi ici, et autant ailleurs, principalement aux États-Unis où ils forment notamment 40% de la population du New-Hampshire. Aussi bien Madonna qu'Hillary Clinton ont des racines chez nous. Quant à l'organisateur de la campagne d'Obama, il s'appelait Plouffe...
Si les Français de France s'étaient reproduits au même rythme que nous, il y aurait aujourd'hui plus de Français que de Chinois! J'ai assisté, il y a quelques années, aux funérailles de Gérard Filion, un Québécois éminent et ancien directeur du Devoir. Il était né dans une famille d'une vingtaine d'enfants et il y avait une dizaine de ses propres enfants dans l'église. Ne pensons plus évidemment à de tels chiffres de nos jours.
Jusqu'après la deuxième guerre mondiale, notre taux de natalité était encore supérieur à celui de la plupart des nations développées. Entre 1946 et 1966. ceux que l'on appelle les "baby-boomers" naquirent en très grand nombre. Puis, pour diverses raisons, les naissances passèrent de 140 000 par année à moins de la moitié par la suite. Nous sommes autour de 80 000 par année maintenant, grâce à une légère reprise. Nous avons maintenant 1,5 enfant par femme, alors que la France en a plus de 2, et est en passe de devenir le pays le plus peuplé de l'Union Européenne.
Les conséquences économiques et sociales de tout cela sont potentiellement très dangereuses. Dans moins de vingt ans, le quart des habitants du Québec aura plus de soixante-cinq ans. Il y aura donc plus d'inactifs et ils payeront moins d'impôts, pendant que leurs coûts de santé bondiront vers le haut.
Comment les travailleurs et les travailleuses d'alors feront-ils pour s'occuper solidairement des retraités sans être fiscalement écrasés et continuer à accroître leur propre niveau de vie. Adieu "liberté 55", c'est évident . Mais même l'allongement des années de travail et l'accueil des immigrants ne suffiront pas à nous tirer d'affaire.
Il n'y a qu'une seule vraie solution: l'éducation poussée à l'extrême. Cela nous permettra de faire avancer notre économie encore plus vers des secteurs à haute valeur ajoutée qui recoupent aussi bien l'aérospatiale que l'informatique ou la création artistique rayonnante.
En s'éloignant des salaires à douze, quinze dollars l'heure pour aller vers ceux à trente et quarante, nous pouvons vaincre le problème et vivre encore mieux que les générations antérieures. Nous avons affronté victorieusement un défi plus grand encore en modifiant notre économie de façon spectaculaire de 1960 à nos jours. Ce n'est donc pas le temps de décrocher. Il faut s'instruire et s'accrocher au savoir qui, seul, peut nous conduire à une société plus juste, plus riche, et encore plus agréable à vivre. Oui nous le pouvons!
Bernard Landry


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