Le nationalisme québécois de la CAQ

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Il faudra que les mesures de la CAQ soient plus que des effets d'annonce


(Québec) Dès ses premières interventions comme premier ministre, François Legault n’avait pas caché son souhait, devenu une quasi-obsession : s’assurer que les Québécois retrouvent leur fierté, qu’ils renouent avec ce qui les galvanisait à l’époque de la Révolution tranquille.


Encore hier, le gouvernement caquiste montrait sa détermination à incarner le nationalisme québécois, à occuper tout le terrain qui dans le passé avait permis aux libéraux comme aux péquistes de se rapprocher de l’électorat. Certains gestes sont anecdotiques : un immense fleurdelysé en fond de scène en conférence de presse, et, répété comme un mantra, l’espoir qu’un jour le Québec parvienne à ne plus faire appel à la péréquation. La question identitaire, nourrie par la crainte d’être submergé par les immigrants, fait vibrer la même corde.





PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE


Même si François Legault n’écarte pas la possibilité de rouvrir la loi 101, c’est avant tout par des mesures incitatives que Québec veut favoriser la francisation des nouveaux arrivants.





L’avenir de la langue française est un enjeu encore plus carrément rivé à l’identité québécoise. Après la Loi sur la laïcité et la diminution des seuils d’immigration, Simon Jolin-Barrette aura la responsabilité du dossier linguistique. Et à voir l’efficacité avec laquelle il s’est acquitté de ses missions jusqu’ici, on peut penser qu’après l’année des signes religieux, l’automne de la francisation est à nos portes.




 



 

En confiant la langue à son tireur d’élite, François Legault réalise du même coup un autre objectif : réduire la visibilité de sa ministre de la Culture, Nathalie Roy, qui paraît souvent fragile à l’Assemblée nationale.


Pour atténuer la gifle, hier, on avait invité Mme Roy à participer au point de presse. Elle avait promis une politique linguistique pour cet automne, son collègue Jolin-Barrette n’a pas repris cet échéancier.


Francisation des nouveaux arrivants


Au-delà des engagements solennels sur l’avenir du français, quand on y regarde de plus près, on ne doit pas s’attendre à un chambardement du côté linguistique. Même si François Legault n’écarte pas la possibilité de rouvrir la loi 101 – ce que n’avait pas réussi le gouvernement de Pauline Marois –, c’est avant tout par des mesures incitatives que Québec veut favoriser la francisation des nouveaux arrivants.


Sous Philippe Couillard, un rapport percutant de la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, avait montré que les programmes de francisation rataient lamentablement la cible. En campagne électorale, la CAQ avait annoncé son intention d’imposer des tests de connaissance du français aux nouveaux arrivants. Rapidement, on avait édulcoré la mesure, en soulignant que les candidats recalés auraient droit à des examens de reprise, sans limites précises.




 



En fait, on ne peut imposer ces tests aux immigrants sans l’aval du gouvernement fédéral, qui, on s’en doute, est loin d’être acquis. Tout au plus, on peut les rendre obligatoires pour les travailleurs temporaires qui voudraient s’installer à demeure, par la filière du programme Expérience Québec, une fraction marginale de la cohorte des nouveaux arrivants.


La création d’un poste de Commissaire à la langue française, fonction qui existe déjà à Ottawa, faisait partie des recommandations de la députée Claire Samson, en 2016. Son rapport était resté lettre morte, la députée d’Iberville n’ayant pas été invitée à faire partie du gouvernement en octobre dernier. Hier M. Legault, encore vague, promettait que le gouvernement allait étudier cette proposition.


Mais on retiendra surtout une impression générale : le gouvernement de la CAQ se porte à la défense du français, voulant assurer la pérennité de la langue officielle au Québec. Du même coup, il tire le tapis sous les pieds de ses principaux adversaires, les libéraux et les péquistes.


Du côté du PLQ, deux ou trois députés seulement martelaient l’importance de rester en conversation avec l’électorat francophone. Sébastien Proulx, Gaétan Barrette et Hélène David insistaient pour qu’on garde le cap. Avec le départ de Proulx, ce courant perdra encore de l’influence, si c’est possible. Le PLQ de Robert Bourassa a déjà été celui de la souveraineté culturelle, c’est lui qui a fait du français la langue officielle du Québec. Bien des militants libéraux francophones s’interrogent sur le manque de détermination de leur parti sur cette question en ce moment.




 



Le PQ sera toujours le parti qui a fait adopter la loi 101, un geste déterminant pour la pérennité du français. La montée prévisible de l’immigration dans les prochaines années montrera l’importance des dispositions de la Charte de la langue pour les néo-Québécois et leurs enfants. Mais l’élan de 1977 s’est vite essoufflé. Sous Lucien Bouchard, on a mis sur une voie de garage cette question primordiale pour les militants péquistes de Montréal, avec une vaste consultation sans suite, des « États généraux ».


Sous Pauline Marois, les visées de la ministre Diane De Courcy, avec le projet de loi 14, n’ont pas résisté aux tirs croisés des libéraux et de la CAQ. Le gouvernement était minoritaire, le projet de loi n’a jamais été adopté, un autre sur les écoles passerelles est carrément resté dans les cartons.


Imposer le français aux entreprises comptant de 25 à 49 employés les aurait fait crouler sous la paperasse, soutenait alors avec ferveur la critique caquiste dans le dossier linguistique, Nathalie Roy.




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