Le quatrième larron

La chef péquiste a déclaré hier que les démissionnaires pourraient rentrer au bercail s’ils acceptent le programme adopté au congrès d’avril. Le problème est qu’ils ne croient pas plus au programme qu’à la chef. Et, contrairement à d’autres, ils ne veulent plus faire semblant.

Pacte électoral - gauche et souverainiste


L'ancien président du PQ Jonathan Valois est un inconditionnel de Pauline Marois et, en bon scout, il est toujours prêt à rendre service. Il la sert cependant très mal en tentant de ramener la crise des dernières semaines à une soudaine inflammation de quelques ego surdimensionnés qui ont exprimé leur frustration en traitant Pauline Marois comme une «femme de ménage».
Je ne doute pas un seul instant que Pierre Curzi soit capable de faire une crise de vedette. Quel que soit le parti, les gros ego sont légion en politique et il en reste encore plusieurs autour de Mme Marois. Une grande estime de soi est d'ailleurs indispensable pour survivre en politique.
À entendre M. Valois mardi, sur les ondes du 98,5, tout baignait dans l'huile au PQ depuis l'arrivée de Mme Marois. Tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil. Jusqu'à ce que ces divas piquent une crise, on voguait harmonieusement vers la souveraineté, comme en avait témoigné le congrès d'avril dernier.
C'était là une dangereuse illusion. Il est vrai qu'un vote de confiance de 93 % était impressionnant, mais on aurait tort d'y voir un chèque en blanc. Pour de nombreux délégués, il s'agissait surtout d'éviter une répétition du psychodrame de juin 2005, quand Bernard Landry avait jugé qu'un appui de 76,2 % ne lui permettait pas de demeurer chef. Les années de cauchemar qui ont suivi restent gravées dans les mémoires. En pleine campagne fédérale, une crise de leadership au PQ aurait également été très embarrassante pour Gilles Duceppe.
Depuis la présentation de la «proposition principale» en juin 2010, alors que les délégués au conseil national n'avaient pas eu la possibilité de lire le texte ou de poser la moindre question, le congrès d'avril a plutôt été un chef-d'oeuvre d'organisation. Ceux qui, comme Lisette Lapointe, auraient voulu que Mme Marois soit tenue de rendre compte de ses efforts pour promouvoir la souveraineté ont été habilement neutralisés.
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Incapable de mettre Louise Beaudoin et Jean-Martin Aussant dans le même sac que Mme Lapointe et Pierre Curzi, M. Valois a bien dû admettre qu'un «malaise profond» subsiste. Celui-ci risque malheureusement d'aller en s'aggravant.
Pour les spin doctors péquistes, il était toujours possible de présenter les trois premiers démissionnaires comme des has been aigris, mais le quatrième larron ne peut pas entrer dans cette catégorie. M. Aussant était au contraire un brillant représentant de la relève. C'est pourquoi son départ est sans doute celui qui fait le plus mal à Mme Marois, même s'il a eu moins d'impact sur l'opinion publique.
Mardi, le député de Nicolet-Yamaska a simplement dit publiquement ce qu'il confiait privément depuis longtemps. Contrairement à d'autres de ses collègues, une limousine ministérielle ne présentait aucun intérêt pour lui s'il s'agissait de gouverner une province.
Dans son esprit, Mme Marois n'a tout simplement pas assez de «tirant» pour vendre la souveraineté à la population. Et le triste épisode de l'amphithéâtre n'est pas de nature à renforcer son autorité morale.
La chef péquiste a déclaré hier que les démissionnaires pourraient rentrer au bercail s'ils acceptent le programme adopté au congrès d'avril. Le problème est qu'ils ne croient pas plus au programme qu'à la chef. Et, contrairement à d'autres, ils ne veulent plus faire semblant.
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De toute évidence, quelque chose échappe toujours à Mme Marois. Son seul regret semble être la façon dont elle a géré le dossier de l'amphithéâtre à l'interne. Sur le fond, elle semble toujours penser qu'elle avait raison de vouloir bétonner l'entente entre Quebecor et la Ville de Québec, dont l'éthique et la légalité sont également discutables. Elle en est même rendue à accuser le premier ministre Charest de «trahison» parce qu'il refuse d'imposer le bâillon pour forcer l'adoption du projet de loi du maire Labeaume. Trouvez l'erreur!
Le sondage CROP-Gesca dont les résultats ont été publiés hier donne un premier aperçu des dommages. Le PQ a perdu huit points dans les intentions de vote et se retrouve maintenant à égalité avec le PLQ. Un autre sondage, effectué par Angus Reid, indique pourtant que Jean Charest est actuellement le premier ministre le plus impopulaire au Canada. C'est dire!
Il serait très étonnant que les électeurs déçus du PQ se tournent en grand nombre vers les libéraux. Ces derniers ont admirablement joué les Ponce Pilate dans le dossier de l'amphithéâtre, mais ils pourront difficilement faire oublier leur turpitude des dernières années.
Amir Khadir est peut-être devenu l'ennemi public numéro 1 à Québec, mais la progression de cinq points de Québec solidaire indique bien de quel côté les péquistes de gauche désabusés pourraient se tourner.
Quant aux autres... Le nom de François Legault n'apparaissait pas dans le sondage, mais la perspective d'un nouveau parti hante aussi bien les péquistes que les libéraux. L'ancien ministre dit maintenant à qui veut l'entendre qu'il se prépare à des élections dès cet automne. Finalement, le drame pourrait se dénouer très vite.


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