Le mouvement indépendantiste a des adversaires redoutables. Alors qu'il relève historiquement de la volonté populaire, pour ses effectifs militants comme pour son financement, ses adversaires s'abreuvent à une source presque intarissable. Nous pouvons maintenant affirmer sans l'ombre d'un doute que le financement des fédéralistes, pour le dernier référendum du moins, a été fourni illégalement par les instances fédérales et par des chefs de grandes corporations. De même, une des responsables de ce financement subversif était une agente de haut rang du SCRS. Le combat pour l'indépendance, malgré tous ceux qui voudraient nous faire croire le contraire, n'a jamais été le combat d'un peuple contre lui-même. L'adversaire a toujours été un système érigé il y a très longtemps pour stabiliser les situations politiques des francophones sous l'égide britannique, et qui perdurent aujourd'hui sous un couvert nouveau, mais avec les mêmes intérêts et conséquences.
Je ne doute pas que l'ambition de la très grande majorité des Canadiens, et même celle d'une bonne partie de l'establishment canadien n'est pas de s'ingérer culturellement, économiquement ou politiquement au sein de la nation québécoise. Malheureusement, ces descendants de conquérants se sont échafaudé une nouvelle nation, autant par rejet de l'influence britannique que par rejet des Etats-Unis. À preuve, la francophonie est citée sur toutes les tribunes comme un exemple de la réussite canadienne. Malheureusement, ils se nourrissent d'un symbole dont la présence deviendra justement symbolique hors Québec dans un futur très proche.
Problème majeur, ils ont transformé le lien paternaliste et contrôlant qui existait entre les anglophones du Canada et les francophones du Québec en nourriture pour un nationalisme en manque de particularisme. Ils ont subitement imaginé un lien de cohabitation pacifique et symbiotique avec le Québec, mais sans changer une structure qui ne représente pas cet état de fait et sans réellement prendre en compte notre avis. Quand des divergences surviennent entre les deux nations, ils auront tôt fait de jouer de leur majorité pour faire pencher la balance de leur côté. Ce fut le cas pour le rapatriement de la constitution par exemple. Ils ont souverainement ignoré une nation qui existait déjà sous leur contrôle pour tenter de l'associer symboliquement à la leur. Pourtant, le Canada tel qu'il est conçu actuellement sert le but pour lequel il a été mis en place, mettre en minorité une enclave culturelle gênante, en attendant de pouvoir tout simplement la diluer suffisamment pour qu'elle se confonde sur ses intérêts et appartenances. Dans la plus pure tradition de l'impérialisme britannique.
C'est sans conteste ce qui arrive aujourd'hui. Le poids démographique et l'influence politique du Québec décroissent de manière rapide, alors que celui du Canada croit. À moyenne ou longue échéance, la nation québécoise s'étiolera dans l'ombre canadienne et s'isolera, se retournant vers le passé pour survivre en se folklorisant graduellement, un peu comme le fond actuellement les Acadiens (maintenant reconnus comme nation par le Canada !).
Tout ce processus n'est pas nécessairement souhaité par le Canada et ses figurants actuels, mais en voulant protéger à tout prix la pérennité des institutions qui le constituent et son identité chimérique, cet état va graduellement éroder le nôtre. La modification de la structure canadienne est théoriquement faisable, mais encore faudrait-il que les canadiens jettent un regard nouveau sur nous, en nous voyant plutôt comme des partenaires que comme des composants de leur nation. Les canadiens ne changeront pas, parce qu'ils n'ont pas intérêt à changer.
Ce qui rend si difficile la séparation du Québec du Canada, c'est qu'une partie du peuple québécois, par intérêt, méprise ou naïveté, s'est intégrée dans ce fantasme politique de la nation canadienne. Paradoxalement, il se reconnaît dans la nation québécoise et dans la nation qui lui nie une existence réelle. Personne n'a deux têtes, un jour, ils devront choisir.
Les éléments militants du groupe pression fédéraliste tirent souvent un avantage monétaire ou d'influence à leur militantisme, ce qui est rarement le cas pour les militants indépendantistes. De même, les fédéralistes ont généralement orienté leurs actions vers une réponse réactionnaire systématique aux tentatives des indépendantistes de débloquer la situation politique de la nation québécoise. Pour eux, la situation constitutionnelle est certe problématique, mais se réglera dans le futur. Comment, par qui, quand, personne n'ose le dire. Pire, personne ne le leur demande. Cette position est généralement l'apanage des carpettes provinciales, qui servent généralement alternativement d'essuies pieds aux fédéraux et d'appât pour les quelques spécimens de nationalistes mêlés qui s'illusionnent encore hors de la sphère d'influence indépendantiste.
Le peuple québécois est actuellement paralysé, non pas par la peur, comme on peut le penser au premier abord, mais par la honte. Notre histoire de peuple vaincu, soumis et jugulé par une trop longue période de replis défensifs nous a marqués profondément. Le Québec a été traumatisé à de multiples reprises et, à force d'avoir trop longtemps refoulé les échecs, a honte d'en parler et détourne le regard de ses sentiments. Les Québécois refusent maintenant de se regarder en face, et préfèrent se retourner vers des défis qui n'impliquent aucun risque de défaites supplémentaires. L'environnement, la paix, la solidarité, ce sont tous des sujets qui n'impliquent aucune remise en question, qui ne peuvent soulever qu'un accord béat.
Pour faire débloquer le débat, pour faire avancer la cause indépendantiste, il faudra que les Québécois acceptent de refaire le pas vers eux mêmes. Qu'ils assument leur histoire, et prennent en main leur avenir. Il faut que nous arrêtions de nous excuser d'exister. Il ne faut pas les convaincre d'être indépendants, il faut leur rendre leur fierté. Une fois la honte dépassée et la fierté retrouvée.
« Le pancanadianisme est l'opium de la nation canadienne-française. »
_ Raymond Barbeau, fondateur de l'alliance Laurentienne
Julien Gaudreau
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