Depuis de nombreuses années, je ne compte plus les jours où, couvrant l’actualité québécoise, je ne suis pas frappée par les quantités astronomiques de fonds publics dont les gouvernements se privent pour les services publics. Ou qui sont gaspillés, détournés dans les mauvaises poches ou tout simplement mal administrés. Et ce, aux trois ordres de gouvernement.
Les fonds dont on se prive, on ne les compte plus: évasion fiscale, contribution insuffisante de la grande entreprise à l’assiette fiscale globale des trésors publics. Etc.
Les fonds qui sont gaspillés, non plus: mauvaise administration, surbureaucratisation, structures de plus en plus «centralisées» mais de plus en plus inefficaces et toujours aussi coûteuses. Etc.
Quant aux fonds publics détournés dans les mauvaises poches, on n’a qu’à penser aux révélations des commissions Gomery et Charbonneau, aux coûts pharaoniques de la collusion et de la corruption. Y compris dans le «bordel informatique» qui s’est installé à demeure depuis des années dans la plupart des ministères, grands ou petits. Etc.
Bref, pour que nos élus jettent autant de notre argent par les fenêtres, une seule conclusion s’impose: le Québec est nettement plus riche qu’on nous le dit! Et après ça, les mêmes élus ont l’audace de venir crier famine. Le déficit zéro ou l’austérité servant de prétexte pour affamer des services publics qu’on aurait pourtant peut-être les moyens de se payer si moins de fonds publics leur glissaient autant entre les mains.
En 2009, j’en faisais d’ailleurs déjà le titre d’une chronique: «Le Québec est riche!». Cette fois-là, la perte de fonds publics se comptait à plus de 600 millions de dollars seulement pour les allègements fiscaux consentis aux compagnies minières entre 2002 et 2008. En même temps, on nous privait de plus de 2 milliards de dollars si les gouvernements avaient imposé des redevances plus équitables aux mêmes minières au lieu des 259 millions dont ils s’étaient contentés. Et ce, pendant que 14 minières sur 22 n’en payaient même aucune. Et encore, ce n’était là qu’un exemple très pointu parmi d’autres de pertes injustifiables de fonds publics.
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Quand les pharmaceutiques nous coûtent la peau des dents
Une autre illustration de nos gouvernements qui, on ne s'en sort pas, privent le Trésor public de revenus adéquats tout en criant famine est celle des médicaments.
Dans une société vieillissante comme la nôtre, l’urgence devrait pourtant être à trouver des manières justes de réduire les coûts des médicaments, du moins, le plus possible. Justes, dans le sens où on ne priverait pas les patients des médicaments dont ils ont besoin tout en s’assurant que l’État paie le prix le plus équitable possible.
Cette semaine, le ministre de la Santé annonçait une économie potentielle de 40 millions de dollars en permettant aux pharmaciens de substituer un médicament générique au médicament d’origine – à moins que le médecin n’explique la nécessité de conserver le médicament d’origine pour sa ou son patient. La somme est une goutte dans l’océan des coûts toujours grimpants imposés par les puissantes pharmaceutiques.
Mais comme l’explique le Dr Alain Vadeboncoeur sur son blogue, c’est «peu de chose quand on compare aux dépenses de médicaments de plusieurs milliards de dollars annuellement (qui représentent plus de 20 % des coûts en santé actuellement, contre 6 % en 1975), mais c’est déjà ça de pris». Un billet fort éclairant sur le sujet. Il y souligne d’ailleurs aussi le fait que cette nouvelle mesure ne s’appliquera pas aux assureurs privés.
Et le Dr Vadeboncoeur de noter également ceci:
«On paie beaucoup trop cher les médicaments au Québec – c’est-à-dire 30 % plus que la moyenne canadienne –, alors que le Canada est au second rang mondial pour ces coûts. Le Bureau des enquêtes du Journal de Montréal révélait d’ailleurs récemment que les Québécois assurés au privé paient leurs médicaments jusqu’à 72 % plus cher que les Ontariens. C’est énorme. Permettre aux pharmaciens de substituer, malgré l’annotation du médecin sur la prescription, est donc une mesure intéressante. Mais c’est une goutte d’eau dans la mer des actions possibles pour établir une vraie politique du médicament au Québec – et au Canada –, semblable à celle de beaucoup de pays «normaux», beaucoup plus habiles que nous pour contrôler les coûts.»
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Le fruit est mûr, mais nos gouvernements n’en veulent pas...
Encore cette semaine, le député de Québec solidaire et médecin lui-même, Amir Khadir, ramenait à l’avant-scène son projet de loi pour la création de Pharma-Québec. En pleine «austérité», faire la sourde oreille à la possibilité d’économiser ainsi plus d’un milliard de dollars par année en dit long sur ceux qui nous gouvernent. Qu’ils soient bleus ou rouges. Pour le détail de la proposition de QS, c’est ici.
Dans son communiqué de presse, Québec solidaire explique son projet en ces mots:
«Le député de Québec solidaire, le Dr Amir Khadir, a présenté aujourd’hui à l’Assemblée nationale son projet de loi visant à réduire les coûts d’approvisionnement en médicaments au Québec. «Les plaques tectoniques ont commencé à bouger. Je sens que cette fois la conjoncture est favorable pour l’adoption des mesures proposées par cette loi qui permettra d’économiser annuellement 1,3 milliard [de dollars] versés inutilement à des grandes pharmaceutiques. D’autres juridictions, comme l’Ontario, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Zélande et la Suède l’ont fait et ont sauvé beaucoup d’argent. Pourquoi pas nous?», se demande le député de Mercier qui a préparé un projet de loi adapté à la réalité québécoise.
Le projet de loi 197 vise à créer un organisme public dont la mission est de réduire les coûts d’approvisionnement en médicaments pour la population et l’ensemble des établissements de santé au Québec. Le pôle d’achat groupé de médicaments permettra de négocier de meilleurs prix et de renverser le rapport de force qui se trouve présentement du côté des pharmaceutiques. Les études démontrent que le Québec pourrait épargner près du tiers du montant actuellement payé pour l’achat de médicaments.
Le projet de loi prévoit aussi la possibilité pour la nouvelle entreprise de produire des médicaments en cas de pénurie ou lorsque les génériques sont trop dispendieux. Une partie de ces fonds sera aussi consacrée à la recherche sur de nouvelles molécules, notamment pour des maladies qui intéressent peu les pharmaceutiques privées.
«Dernièrement, le ministre Barrette a admis publiquement qu’il y avait des centaines de millions d’économies à faire sur le prix des médicaments. Je lui tends la main pour l’appuyer dans ses démarches. Québec solidaire travaille sur ce dossier depuis 2006 et nous avons développé une expertise en la matière. Ce projet de loi est en quelque sorte un outil que j’offre au ministre de la Santé pour atteindre ses objectifs de réduction de dépenses», poursuit M. Khadir.
«M. Barrette a déjà annoncé des mesures partielles pour aller chercher 40 millions$, mais il nous faut plus que quelques mesures fragmentaires, il nous faut une nouvelle politique globale du médicament pour aller chercher plus d’un milliard qui sera utile en première ligne, pour traiter adéquatement nos patients cancéreux, pour faire marcher nos salles d’opération, pour des soins palliatifs de qualité, et pourquoi pas, contribuer à équilibrer le budget autrement qu’en coupant dans les services et le financement des régions», conclut le député solidaire.
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Et vous? Que pensez-vous du refus des gouvernements du Québec de se doter d’un organisme apte à nous épargner plus d’un milliard de dollars par année en fonds publics? Et ce, pendant qu’ils multiplient les compressions?
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