Le Québec peine à retenir les non-francophones

«Le solde migratoire négatif du Québec existe parce qu'il y a plus d'anglophones et d'allophones qui quittent le Québec qu'il n'en arrive»

Anglicisation du Québec

Une étude du démographe Éric Forgues, de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques au Nouveau-Brunswick, montre que le solde migratoire négatif du Québec existe parce qu'il y a plus d'anglophones et d'allophones qui quittent le Québec qu'il n'en arrive, accentuant davantage la dualité linguistique canadienne. Photo: Archives PC

Mathieu Perreault - Les anglophones et les allophones sont les principaux responsables de la diminution de la population du Québec, selon une nouvelle étude qui sera dévoilée ce matin au 78e congrès de l'Association francophone pour le savoir. Les francophones hors Québec contrebalancent le départ des francophones, concentrant davantage la dualité linguistique canadienne.
«Le solde migratoire négatif du Québec existe parce qu'il y a plus d'anglophones et d'allophones qui quittent le Québec qu'il n'en arrive», explique Éric Forgues, de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques au Nouveau-Brunswick, qui présentera ses analyses ce matin. «Il y a un processus de consolidation linguistique. Les francophones du Canada se concentrent au Québec et les anglophones vont dans les provinces anglophones. Il y a même une consolidation régionale au Québec: les anglophones quittent les régions pour se rendre à Montréal. Le Saguenay, par exemple, perd lentement ses derniers anglophones.»

Au total, le Québec a perdu 0,2% de sa population entre les recensements de 2001 et de 2006. C'est la plus faible baisse depuis au moins 40 ans. Mais quand on y regarde de plus près, le Québec francophone n'est pas celui qui en souffre: il a gagné 0,5% de population de 2001 à 2006, alors que les anglophones ont perdu 1,4% de leur population. Les allophones ont une perte absolue aussi grande que les anglophones, environ 8000 personnes, mais M. Forgues n'a pu calculer cette perte en proportion à cause de questions méthodologiques. «Le Québec retient difficilement ses allophones», dit le démographe néo-brunswickois.
Par contre, le saignement de la communauté anglophone s'amenuise. «Chez les plus jeunes, les 20 à 29 ans, il y a même une légère augmentation de 0,3%», dit M. Forgues. Cela se compare à une baisse à peine perceptible chez les francophones du même âge, pour un solde provincial négatif de 0,1%.
Plus d'immigrants américains
Par ailleurs, d'autres données démographiques dévoilées au congrès de l'ACFAS montrent que la quantité d'Américains émigrant au Canada a doublé au début du millénaire. «Je ne crois pas que ce soit dû à l'opposition aux politiques de Bush», explique l'auteur de l'étude sur la migration américaine, Jack Jedwab, directeur de l'Association pour les études canadiennes à Montréal. «Ça montre plutôt que le Canada est maintenant aussi bien vu au point de vue des possibilités de carrière que les États-Unis, avec un avantage sur le plan de la qualité de vie.»
De 1991 à 2000, 43 000 Américains ont émigré au Canada. Le taux a doublé entre 2001 et 2006, atteignant presque le même nombre en moitié moins de temps: 39 000 entre 2001 et 2006. La moitié d'entre eux choisissent l'Ontario et seulement 10% le Québec. Ce chiffre est deux fois plus élevé que le nombre de Canadiens émigrant aux États-Unis. Selon Bruno Ramirez, historien à l'Université de Montréal, les migrations entre les deux pays concernent essentiellement des travailleurs extrêmement qualifiés, par exemple en finances ou en informatique, qui profitent de visas dans le cadre de l'ALENA. La presque totalité des visas accordés par les États-Unis en vertu de l'ALENA va à des Canadiens, les Mexicains ne remportant que 2% du total.
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Solde migratoire du Québec
Nombre d'habitants perdus:
1966-1971: 70 720
1971-1976: 59 805
1976-1981: 141 725
1981-1986: 63 300
1986-1991: 25 550
1991-1996: 37 440
1996-2001: 57 310
2001-2006: 11 645
Source: Statistique Canada
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Le congrès de l'ACFAS
Le 78e congrès de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS), qui s'ouvre ce matin sur le campus de l'Université de Montréal, de HEC Montréal et de l'École polytechnique, réunit 6000 chercheurs qui participeront à 200 colloques. D'ici jeudi, on y traitera notamment des 60 ans du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, des 50 ans de la pilule anticonceptionnelle, des risques de la pollution pour la fertilité humaine, des troubles de santé mentale chez les personnes âgées, de l'impact de l'affirmation religieuse sur l'égalité des sexes et des progrès dans la gestion des résidus miniers.


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