Identité nationale

Le Québec, pour un débat sur l'identité nationale

L’identité d’un peuple n’est pas figée, elle évolue toujours et n’est jamais définitivement acquise.

Tribune libre


Dans un récent article sur le « Québec, un pays? » j’affirmais qu’il ne serait jamais un pays s’il ne construisait pas lui-même son identité nationale. Je vais tenter d’approfondir cette notion d’identité nationale.
Il est important de bien comprendre les deux termes d’ « identité » et « nationale ». En accolant les deux termes, on laisse entendre que l’identité (la conscience nationale) peut se décréter et se définir dans une loi, et qu’elle peut remédier à la crise du "vivre-ensemble". Or, le vivre-ensemble n’est pas simplement un problème d’identité de ses citoyens. Il dépasse le simple contrat social des nouveaux arrivants pour signifier leur désir d’intégration. Rien n’est plus réducteur et trompeur.
La ligne de fracture se situe à l’intérieur de chaque citoyen et en aucun cas dans la séparation entre les immigrants et les nationalistes (c'est-à-dire les Québécois de souche). Dans leur désir de vivre-ensemble, tous les citoyens sont confrontés à un combat intérieur entre deux visions:

- l’une insiste sur ce qui rassemble (l’identité nationale)
- l’autre sur le droit à la différence (l’identité individuelle)
L’approche multiculturaliste, qui insiste sur les droits individuels à la différence et les droits communs collectifs, s’est surtout développée de manière harmonieuse au Québec. Depuis la révolution tranquille et l’arrivée massive d’immigrants, ce multiculturalisme est aujourd’hui critiqué au Québec:
- Les différentes cultures remettent en question l’égalité entre les hommes et les femmes.
- Un bon nombre d’immigrants ont de la difficulté à comprendre la démocratie et l’État de droits civils
- La ghettoïsation des ethnies menace l’unité nationale et la sécurité.
- les accommodements raisonnables au nom de la culture et de la religion favorisent un communautarisme qui résiste mal à l’intégrisme.
- Le français comme langue officielle de travail et de communication est menacé.
- Les valeurs citoyennes communes (intégratrices, égalitaires et démocratiques) doivent être renforcées pour créer un sentiment d’appartenance (une fierté québécoise) pour éviter tout éclatement social.
Au Québec, le principal problème n’est pas l’immigration, mais la vision « canadianisante ou fédéralisante » des gouvernements qui empêchent le Québec de construire son projet de société.
Quelles sont les éléments constitutifs de notre identité québécoise? Qu’est-ce qu’être Québécois? Quelles sont les valeurs citoyennes et laïques qui nous relient? Quel est le lien national qui fait que nous sommes Québécois et que nous sommes fiers de l’être? Comment les paroles de René Lévesque, ce patriote remarquable, peuvent-elles retentir encore en nos cœurs : « Je n'ai jamais pensé que je pourrais être aussi fier d'être québécois. » le soir du 15 novembre 1976 où il a été élu pour la première fois comme Premier Ministre du Québec. Et après le référendum du 20 mai 1980, où il déclara : «Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire: à la prochaine fois». Et en dénonçant les méthodes bien peu reluisantes de ses adversaires, il ajouta «J'ai confiance qu'un jour, il y ait un rendez-vous normal avec l'histoire que le Québec tiendra et j'ai confiance qu'on sera là, ensemble, pour y assister.»
Devons-nous faire un débat sur l’identité nationale?
L’identité d’un peuple n’est pas figée, elle évolue toujours et n’est jamais définitivement acquise. C’est son histoire, c’est son évolution, c’est sa politique, c’est sa langue, c’est sa culture, c’est sa gouvernance, c’est sa démocratie, c’est son vivre-ensemble. Il y a donc des définitions différentes et divergentes de l’identité nationale. Tout dépend du moment et sous quel angle on regarde son histoire. Pour moi, il y a deux façons de concevoir l’identité. Celle d’avant la révolution tranquille et celle d’aujourd’hui. Celle de l’identité du sang, de la race, de la langue et de la religion, et l’autre, celle de la multiethnicité ouverte à partager valeurs et cultures dans un vivre-ensemble en français qui fait preuve de dynamisme, de solidarité et de fraternité.
Je ne crois pas que ce soit aux Partis politiques de construire l’identité nationale. Cependant il est de leur devoir d’organiser un débat ouvert sur l’identité nationale, si débat public il y a. C’est aux citoyens, aux philosophes, aux intellectuels, aux sociologues, aux groupes sociaux de faire le grand débat sur l’identité nationale. Il ne s’agit pas d’un débat populiste où tout un chacun vomit ses préjugés racistes, religieux et xénophobes. Au contraire, je crois qu’il existe au Québec le sentiment d’un vécu collectif qui évolue constamment et que l’arrivée des immigrants est en train de modifier. Nous devons en prendre conscience et en définir les contours.
Remettre à l’ordre du jour notre devise « Je me souviens »
Il n’y a pas que le présent que nous inventons ensemble. L’héritage du passé aussi doit être engendré tous les jours. Nous sommes enracinés dans une histoire. Les immigrants se valoriseront par rapport au Québec, seulement s’ils se constituent un passé commun avec nous. La réalité d’une nation repose à la fois sur un héritage passé et sur sa volonté présente de le perpétuer. Comme projet de société, nous sommes en train de nous constituer un passé et un avenir communs. Cet héritage, c’est ce que nous nous souvenons et ce que nous construisons en commun. Il faut savoir tourner la page ensemble sur certains événements de notre histoire, sans jamais oublier d’où nous venons et qui nous sommes. Seulement ainsi nous pourrons nous projeter dans l’avenir. Les aliénés de l’actualité croient pouvoir réinventer la roue de la société et du monde, mais nous condamnent à la stagnation et au statut quo.
C’est en s’impliquant dans l’éducation, en reproduisant des événements culturels, en s’engageant politiquement, en participant aux fêtes de quartiers et nationales, en œuvrant et travaillant ensemble avec civisme et respect que se forge la conscience nationale.
Le Québec doit mener à terme son combat pour un pays. La souveraineté d’un peuple n’est pas une idée dépassée, mais une question de vie, de dignité et d’épanouissement. Soyons fiers d’être maîtres chez nous. C’est cette espérance prométhéenne, immortelle en l’homme, qui est le fondement de toute politique nationale digne de ce nom et qui se transmet d’être humain en être humain et de génération en génération.
***
Marius Morin

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Citoyen du Québec, Laval, Formation universitaire, Retraité toujours
interpellé par l'actualité socio-politique

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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 novembre 2009

    Excellente suggestion Monsieur Morin! Ça ferait beaucoup évoluer la cause de
    l'indépendance, j'en suis sûr. Si nous pouvions réussir seulement à prendre conscience
    de l'ambivalence Québec-Ottawa dans laquelle le peuple québécois est empêtré, ce
    serait déjà un grand pas en avant. Pour moi, c'est aussi primordial que notre histoire nationale devienne
    obligatoire dans toutes nos écoles. Comment voulez-vous savoir où vous vous en allez
    si vous ne savez pas d'où vous venez? Un individu comme la collectivité dans laquelle
    il vit ont besoin de points de repères pour savoir où se diriger, c'est simple comme
    bonjour, n'est-ce-pas?
    Si la France sent actuellement le besoin de faire ce débat d'identité nationale, pourquoi
    pas nous qui avons un besoin beaucoup plus urgent de le faire si nous ne voulons pas disparaître comme seul peuple de langue française en Amérique du Nord.
    En devenant de plus en plus conscient de notre identité
    nationale, le gouvernement fédéral aura de plus en plus de difficultés à nous embrigader et à nous influencer avec sa propagande multiculturaliste, c'est mon avis. Plus vous êtes conscient de vous-même, de votre moi personnel, moins on peut
    vous passer des petites vites comme on dit en Québécois. Il en va de même du côté
    collectif, tout est interrelié. Félicitations pour votre excellente idée et j'espère qu'un
    organisme public s'en chargera parce que j'y contribuerais, c'est sûr!

    André Gignac le 5-11-09

  • Archives de Vigile Répondre

    5 novembre 2009

    Une autre intervention très pertinente de M. Morin. Beaucoup de questions y sont soulevées, mais aussi des avenues nouvelles y sont ouvertes. Je partage complètement son idée à l’effet que le débat sur l’identité nationale, laquelle n’a rien de statique, doit être portée par les diverses composantes de la société. Il ne peut être le monopole d’aucun parti politique, bien que ces derniers puissent en favoriser l’émergence et participer à son développement. En ce qui a trait aux immigrants, je trouve dommageable qu’ils soient pris en otage par le Gouvernement fédéral qui n’a guère pour priorité d’en faire des citoyens pleinement adaptés et intégrés à la Nation québécoise. Ce n’est pas l’actuel gouvernement que nous avons au Québec qui va changer leur situation. Il fait plutôt figure de succursale du
    gouvernemen fédéral.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 novembre 2009

    Pour en finir avec la naïveté et l’absence de perspectives politiques
    La naïveté « bonasse » ou l’absence de perspectives politiques font assumer et considérer (avec le plus grand tort) qu’au Québec, « … le principal problème n’est pas l’immigration » quand l’on sait que cette même immigration est/sera à 95% pro-fédéraliste. C’est-à-dire, des ressortissants choisis par le régime d’Ottawa visant à assurer « au plus sacrant » le réductionnisme des Canadiens français afin d’accélérer la destruction de leur identité nationale. Montréal est l’exemple le plus clair de dérive socioéconomique et de réductionnisme politico-culturel.
    Rappelons cette citation de Cicéron qui pourrait aider à faire réfléchir un peut plus si l’on est réceptif à la vérité : « Il est humain de se tromper, mais seuls les stupides persévèrent dans l'erreur », et ce passage, afin de nous rendre conscients de la grave situation dans laquelle se trouve la nation canadienne-française :
    « Cette relation positive entre dynamique sociale endogène et nationalisme politico-économique et culturel intensément vécue au Québec, s’inscrit aujourd’hui, malheureusement, dans un cercle vicieux où le développement de ces paramètres socio-économique politique et culturel est soumis aux forces de désintégration exercées par le marché international et les mouvements démographiques qui agissent constamment contre les structures de l’État québécois. Ainsi, dans ce cadre politico-économique et culturel la croissance sociale endogène est étroitement délimitée et porte des germes de division dans les rapports d‘interaction nationale québécoise. Il en résulte que par cette action exogène l’identité culturelle est fragmentée, provoquant ainsi un état de dépendance et réduisant la génération de capital social. Sous cette optique, le défi pour le Québec est de tout mettre en action afin d’en arriver à contrôler la situation de ces paramètres de développement contraire à ses intérêts nationaux. Situation inquiétante qui s’accroît présentement et s’accroîtra exponentiellement dans un futur immédiat ( la projection en matière d’immigration de 55 000 nouveaux ressortissants par année au Québec que PLQ, en connivence avec Ottawa, veut entreprendre dans les prochaines années ) sur son territoire en raison du déséquilibre existant entre son propre poids démographique d’identité culturelle canadienne-française et ces mouvements démographico-ethnopolitiques qui lui échappent(1). C’est dans ce contexte de désintégration sociopolitique, économique et culturelle que l’indépendance du Québec peut arriver à solutionner les problèmes occasionnés par cet expansionnisme désintégrateur et darwinisme social provoqués par le multiculturalisme implanté dans la société québécoise démunie de sa pleine indépendance nationale »(2).
    JLP
    ______________________________
    1. Un exemple de cette progression des mouvements démographiques ethnopolitiques « incontrôlables » des ressortissants pro-anglophones : pour chaque unité sociale reçue au Québec, celle-ci se multiplie en moyenne par 25 (comprenant le rassemblement familial), dans un laps d‘une génération.
    2. Extrait de « Québec, la destruction d’une nation. Racisme, ethnopolitique et corruption contre les Canadiens français et leur indépendance nationale » (article publié à Vigile.net le 29 mai 2008).