Le Québec, toujours incompris

Élection fédérale 2008 - les résultats



Le Québec demeure incompris. C'est l'une des nombreuses conclusions qu'il faut tirer du scrutin du 14 octobre. Trois phénomènes sous-tendent cette conclusion malheureuse, alors que la Belle Province cherche toujours à trouver la place qui lui revient au sein de la Confédération. Ou à l'extérieur, si l'option souverainiste devait prévaloir un jour.
La sélection de Stéphane Dion à la direction du Parti libéral du Canada a été saluée par plusieurs, en décembre 2007, comme un geste qui redorerait le blason libéral au Québec. C'était bien mal connaître le Québec et la relation que les Québécois entretiennent envers M. Dion.
Ils lui reconnaissent son intelligence, son intégrité, entre autres qualités, mais son absence de charisme laisse froid. C'est sans compter sa position constitutionnelle face au Québec qui rappelait celles de Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien. Mais bien des Canadiens anglais pensaient que Stéphane Dion serait en mesure de «livrer» le Québec à son parti, et mettre fin à l'hégémonie du Bloc québécois. Si le score de M. Dion au Québec a été marginalement supérieur à celui de Paul Martin en 2006, il n'y a certainement pas de quoi espérer une relance du PLC d'ici la prochaine élection, par exemple.
Pour ces raisons, la défaite de mardi sonne le glas de M. Dion, au moins du point de vue du Québec.
La seconde incompréhension est celle de Stephen Harper envers le Québec. Souvent, au cours de la campagne électorale, le chef du Parti conservateur a rappelé ce qu'il croyait être des avancées pour le Québec. Il parlait plus spécifiquement de la reconnaissance de la nation, du règlement sur le déséquilibre fiscal et du siège consenti au Québec à l'Unesco. M. Harper s'est peut-être avancé autant qu'il le sentait possible sans trop agresser sa base conservatrice-réformiste de l'Ouest canadien. Mais le Québec lui a tourné le dos en ne lui envoyant pas plus de députés qu'en 2006 : même son lieutenant pour Montréal, Michael Fortier, a mordu la poussière. Il faut voir dans ce message électoral un questionnement sur le sens réel de la reconnaissance de la nation - consentie «aux Québécois», sans que M. Harper n'ait défini ce que cela voulait dire, et qui était reconnu. Il faut aussi y voir un rappel que les finances publiques autres que fédérales sont toujours aussi périlleuses, surtout au niveau des municipalités. Et enfin, que le siège à l'Unesco ne change absolument rien dans la vie des Québécois au quotidien. Un geste peut-être significatif à un niveau diplomatique mais que les citoyens ne peuvent réellement apprécier.
La troisième incompréhension touche la réélection d'une députation majoritairement bloquiste pour une sixième fois d'affilée. Cela demeure une énigme pour une majorité de Canadiens-anglais. Pour eux qui se définissent d'abord et avant tout en tant que Canadiens, sans grande appartenance à une province quelle qu'elle soit, le fait que les Québécois s'identifient d'abord à leur province leur échappe totalement.
Il faut avoir séjourné au Canada anglais, et discuté avec eux, pour réaliser le fossé d'incompréhension qui existe à ce chapitre. Et encore, si ce n'était qu'une question d'attachement idéologique ! Mais ce lien entre les Québécois et le Québec va beaucoup plus loin, jusqu'à considérer sérieusement une souveraineté plus ou moins complète du reste du Canada. Ce sentiment est associé à une destruction pure et simple du Canada comme il existe depuis 1867 et le fossé prend ici des airs de canyon infranchissable. Il faut de la bonne volonté de part et d'autre pour rebâtir les ponts entre le Québec et le Canada anglais - les Canadiens-français hors-Québec étant ici totalement abandonnés à leur sort - et ce n'est pas le résultat électoral du 14 octobre 2008 qui préparera le terrain vers un dialogue plus serré entre les communautés linguistiques et géographiques du Canada.
Il incombe au premier ministre, Stephen Harper en l'occurrence, de tenter de combler l'écart. Sinon, les prochaines élections risquent bien de ressembler aux six dernières, avec un Bloc québécois qui persiste à placer le Québec sur la touche.
pjury@ledroit.com


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