FOIRE PAPIER14

Le Québec vu par Cartier-Bresson

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Un Québec à redécouvrir, ou à réinventer ?

Le jeune homme n’a pas peur d’afficher ses couleurs : « Je suis séparatiste », lit-on sur son dos, au premier plan de l’image captée, visiblement, lors d’une assemblée militante. On est loin du Parti québécois de 2014, vous en conviendrez. On est dans les années 1960, tel que le confirme cette autre photo où l’on voit une femme âgée, promenant son chien, insouciante, malgré une borne d’incendie marquée des lettres du FLQ.

Ces deux images, ainsi qu’une dizaine d’autres, trônent au milieu du kiosque de la Stephen Bulger Gallery, à la foire Papier 14, qui s’ouvre ce vendredi. Elles sont signées Henri Cartier-Bresson, le pape de la photographie documentaire décédé il y a dix ans. S’il est connu que le cofondateur de l’agence Magnum, avec Robert Capa et d’autres, a séjourné plus d’une fois aux États-Unis et au Mexique, ses présences de ce côté de la frontière sont plutôt passées inaperçues.

Cartier-Bresson a visité le Québec en mai 1965, ses grandes villes comme ses régions, sur invitation de l’ONF. De ce séjour est né un film « sonore sans commentaire » de 10 minutes, Le Québec vu par Cartier-Bresson (1969), réalisé par Wolff Koenig. Ce sont ces images à la base du documentaire de l’ONF, des tirages noir et blanc à l’argentique, que la galerie torontoise met sur le marché.

« Il y a cinq ou six ans, j’ai reçu un appel d’un collectionneur américain qui disait posséder des photos que Cartier-Bresson avait réalisées au Canada. J’ai raccroché et suis parti le voir »,raconte Stephen Bulger, féru de ce type de photographie. « Les photos sont source d’information, dit-il, sur les lieux, sur les gens, sur les événements. La mémoire passe par l’image. »

Les clichés de Cartier-Bresson montrent un Québec pas si lointain, entre une vue générale de Montréal d’où surgit l’hôtel Reine Élizabeth et une marche qui s’ouvre par une pancarte clamant « 1837 Rébellion 1967 Révolution ». Après la réalisation du film, l’ONF aurait renvoyé ses clichés, selon Stephen Bulger, à son auteur, qui, lui, les aurait vendues à un ami photographe de mode. C’est de lui que le collectionneur américain les aurait acquises, vers 2009. « Il m’a appelé aussitôt », dit le galeriste.

Authenticité et copie

Il n’a pas été possible de confirmer la validité de ces images par la Fondation Cartier-Bresson, qui livre gratuitement ses certificats d’authenticité après évaluation. Par courriel, la personne responsable des collections, Aude Raimbault, s’est seulement montrée vigilante. « Il faut être très prudent avec les tirages d’Henri Cartier-Bresson. Seuls les tirages signés sont autorisés à la vente, mais il existe également des faux. »

Stephen Bulger se fait rassurant. « Ma galerie garantit leur authenticité », dit-il. Il manipule sans problème certaines images pour montrer au verso l’estampille bleue « Henri Cartier-Bresson. Mention obligatoire ». Une autre estampille, à l’encre noire, identifie le lieu — « Canada. Québec. Régions », par exemple — qui proviendrait, selon lui, de l’ONF.

C’est la deuxième fois que le marchand torontois présente ses Cartier-Bresson, lui qui vend aussi des oeuvres d’André Kertész et de Robert Frank, parmi d’autres. La première fois, il y a « trois ou quatre ans », il a vendu « quelques photos » dans une des foires de Miami. Il a en sa possession une cinquantaine, d’une valeur variant entre 7500 et 12 000 $ — soit trois fois moins cher que celles du corpus parisien du photographe.


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