On savait que Philippe Couillard voulait rompre avec l’ère Charest. Dans plusieurs domaines, cela est certainement souhaitable. Ce ne l’est toutefois pas en matière internationale, où la continuité s’avère essentielle au développement du Québec.
Le projet de rétrograder le ministère des Relations internationales du Québec (MRI) au rang de pur secrétariat, dévoilé par Le Devoir jeudi, semble cher à ceux qui manient la scie à chaîne dans les officines gouvernementales ces temps-ci. Mercredi, l’idée avait été rejetée sans ménagement par la ministre Christine St-Pierre, en entrevue au Devoir. L’ancienne correspondante à Washington garantissait que « son » premier ministre était d’accord avec elle. Jeudi, total changement de ton : Mme St-Pierre n’excluait plus rien. Encore une fois, la ministre — issue du camp Bachand lors de la course à la chefferie du PLQ — semble avoir été « recadrée » par son patron. M. Couillard, jeudi, a en effet contredit sa ministre en ouvrant grand la porte au projet de ratatinement du MRI que promouvraient le président du Conseil du trésor Martin Coiteux, ainsi que le secrétaire général du conseil exécutif, Roberto Iglesias. « Le changement n’est jamais agréable… surtout quand on est soi-même touché », a soutenu en substance le premier ministre.
Le MRI, qui aura 50 ans en 2017, ne coûte pas très cher, autour de 100 millions, si on le compare ; même à certaines commissions scolaires. On rétorquera qu’en ces temps difficiles, il n’y a pas de petites économies. Mais lesquelles, au juste ? Le MRI disparu ou « secrétariatisé » serait suivi de la création en série de « directions internationales » dans les ministères. Car en cette ère de mondialisation, toutes les compétences de l’État ont des dimensions internationales. Une erreur comparable a été commise par Lucien Bouchard dans l’opération du déficit zéro : la fermeture de près d’une vingtaine de délégations… rouvertes moins de cinq ans plus tard. On s’était rendu compte de l’importance des représentations à l’étranger : balance commerciale, électricité verte, diversité culturelle, rayonnement culturel, il y a tant à défendre.
Mme St-Pierre avait raison mercredi : un ou une « secrétaire » aux relations internationales aurait moins de poids aux yeux des gouvernements étrangers. Les démagogues mettent rapidement les rieurs de leur côté lorsqu’ils réduisent nos relations internationales aux cocktails sans suite. Ceux-là font bien peu de cas des intérêts propres à notre petit et fragile État, intérêts souvent négligés par Ottawa. De nombreux fédéralistes québécois libéraux, de Jean Lesage à Jean Charest, l’avaient compris. Ça ne semble pas être le cas des fédéralistes actuels comme les Coiteux et Couillard ; canadiens d’abord, le Québec, à leurs yeux, n’a rien à faire sur la scène internationale. Ce n’est pourtant pas un souverainiste, Paul Gérin-Lajoie, qui a défendu, en avril 1965, la doctrine qui porte son nom ; laquelle fut reformulée de belle manière par Jean Charest et son ministre Benoît Pelletier : « Ce qui est de compétence québécoise chez nous est de compétence québécoise partout. » Grâce à cette affirmation nationale et dans un esprit proprement fédéral (contrairement à l’unitarisme de ceux qui souhaitent « secrétariatiser »), Ottawa a par exemple été obligé d’accepter que les provinces soient parties prenantes des négociations ayant conduit à l’Accord entre le Canada et l’Union européenne (AECG), bientôt ratifié. Dans cet esprit d’ailleurs, le gouvernement aurait dû, en mai, laisser la responsabilité du commerce extérieur à la ministre des Relations internationales, qu’il avait brièvement récupéré sous Jean-François Lisée. C’était là une première amputation (qui a bien dû coûter quelques dollars en déménagements et cartes professionnelles…) avant le ratatinement possiblement à venir.
LIQUIDATION DU MRI
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