Encore une fois, Lise Thibault a tenté de faire avorter les procédures judiciaires liées à son tristement célèbre « règne » comme lieutenante-gouverneure. Encore une fois, elle a échoué. Heureusement rejetée par le tribunal, son argumentation empreinte d’arrogance monarchique nous en dit toutefois long sur le régime politique qui est le nôtre.
Si on additionnait les coûts occasionnés par les innombrables procédures engagées par Lise Thibault pour faire avorter le procès qu’on lui fait pour des dépenses injustifiées, on a sans doute déjà dépassé le montant de quelque 700 000 dollars que les vérificateurs généraux du Québec et du Canada lui ont reproché il y a déjà près d’une décennie. Évidemment, la justice n’a pas de prix, et une accusée, même vice-royale, a droit à une défense pleine et entière.
Au moins, si, pendant ce temps, l’on saisissait l’occasion pour réfléchir à notre régime politique… Car à son égard, la cause sans précédent de Thibault met en relief bien des caractéristiques.
D’une part, Lise Thibault, dans les requêtes présentées lundi, soutenait qu’elle n’était point une « fonctionnaire ». On ne pouvait l’accuser d’abus de confiance à l’égard du gouvernement du Québec. D’une certaine façon, son avocat a-t-il soutenu, elle « incarnait » l’exécutif ; l’État, c’est moi. Et la reine, comme on le sait, ne peut rien se faire reprocher par les procureurs de la… Couronne. Le juge Carol St-Cyr a heureusement répondu à Mme Thibault que reine, elle n’était pas, mais seulement une représentante ; donc une fonctionnaire au sens du Code criminel.
Dans une seconde requête, Mme Thibault a fait valoir qu’elle était en fonction 24 heures sur 24 et 365 jours par année. Pour cette raison, elle n’avait pas à justifier même dix dépenses des plus douteuses pour lesquelles elle a pourtant obtenu remboursement, et dont le juge a fait lecture sans rire. Car parmi celles-ci, on trouvait : le salaire payé en extra à son garde du corps ; les 34 000 dollars versés à son REER ; l’achat de terrains à même les fonds fournis par le fédéral et… l’achat de sous-vêtements.
Cet autre type d’arrogance monarchique a aussi été rejeté par le juge. On peut parier qu’il y a quelques décennies, plusieurs magistrats auraient donné raison à celle-ci. Et quand il s’agit de la véritable reine du Canada, cette logique s’applique évidemment. Elle n’a pas à justifier ses dépenses car le peuple n’est pas souverain ; c’est elle, la souveraine. Le Parlement aussi est souverain… car on est en monarchie constitutionnelle. Mais le peuple, non. Les référendums n’y sont que consultatifs, rappelons-nous.
Les Québécois acceptent-ils le fait qu’ils ne sont pas souverains, comme peuple ? Dans les sondages, de fortes majorités favorisent l’abolition de la monarchie. Sans pour autant définir un autre régime en particulier. Il existe au Québec « une pratique sociale républicaine fort répandue et enracinée », constate Danic Parenteau dans Précis républicain à l’usage des Québécois (Fidès) ; mais elle est peu revendiquée. Même par les souverainistes, la plupart du temps concentrés sur le projet de souveraineté de l’État et non du peuple.
Peut-être est-ce le mot même de « république » qui fait référence ici à des expressions péjoratives : « république bananière » ? Ou est-ce l’écho d’une épreuve douloureuse, l’épisode des patriotes de 1837-1838, selon la thèse du politologue Marc Chevrier ?
Ce dernier, du reste, soutient que la monarchie constitutionnelle ici « tourne à vide » : « Faute de véritable famille dynastique nationale au pays, il est demandé à de pâlots personnages, nommés par la volonté du premier ministre fédéral, de singer la dignité d’un souverain étranger. » Vice royal ?
LISE THIBAULT AU TRIBUNAL
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