L’entreprise de recyclage Paprec a adopté, avec le soutien de ses 4000 employés, une «charte de la laïcité» qui interdit le port de signes religieux, son PDG revendiquant cette première en France comme un acte «militant» après la controverse «Baby-Loup».
Le groupe privé basé en Seine-Saint-Denis, régulièrement salué comme un modèle en terme de diversité et de promotion sociale, notamment d’employés d’origine étrangère, va officialiser mardi l’entrée en vigueur d’un texte de huit articles dans son règlement intérieur.
«J’applique le modèle qui prévaut dans la sphère publique et je l’applique à l’entreprise. J’applique le modèle de la République», a déclaré lors d’un entretien à l’AFP le patron de Paprec, Jean-Luc Petithuguenin.
Si l’essentiel du contenu de cette «charte» ne fait que rappeler des principes en vigueur du droit français, il reprend le «devoir de neutralité» religieuse ayant cours dans la sphère publique et prévoit aussi que «le port de signes ou tenues par lesquels les collaborateurs manifestent ostensiblement une appartenance religieuse n’est pas autorisé».
Le fait religieux dans une entreprise privée relève de lignes juridiquement plus floues que dans l’espace public, autour du principe général de liberté de conscience.
«S’il s’agit de reconnaître que c’est militant, la réponse est oui», assume M. Petithuguenin. «On compte défendre notre point de vue, défendre qu’on l’a voté tous ensemble. Mais effectivement, on prend le risque que les tribunaux nous disent vous avez tort», a-t-il reconnu. «Je suis prêt à endosser ce risque et j’espère pour mon pays que je ne serai pas condamné, qu’on verra une évolution et que le législateur fera peut-être bouger les lignes», dit le PDG.
Jean-Luc Petithuguenin espère d’autant plus convaincre «qu’il est bien connu que je suis un militant antiraciste, pas un militant d’extrême droite».
Le débat sur la question est agité depuis la cassation, en mars dernier, du licenciement d’une salariée voilée de la crèche privée Baby-Loup, à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), qui avait entraîné des appels à légiférer, à droite comme à gauche. Fait rare, ce licenciement a ensuite été confirmé en appel, en novembre.
«UN VRAI SUJET»
Chez Paprec, l’idée de la charte est née «en septembre» et son adoption s’est faite en quatre mois, avec l’aval unanime de l’ensemble du personnel et des comités d’entreprise.
Miroslav Rancic, un élu ayant lui-même fui la guerre civile en ex-Yougoslavie, a expliqué à l’AFP comment il s’est «réjoui» de voir le texte adopté par son comité, constitué de «deux chrétiens et trois musulmans».
«La laïcité, durablement, c’est un atout formidable pour promouvoir la diversité, même si en instantané, on va peut être avoir des gens qui vont trouver ceci ou cela», a fait valoir M. Petithuguenin. «Je vois très bien que si on laisse dériver les choses, les antagonismes vont monter. Or ce pays de la défiance, de la montée des intégrismes et de l’extrême droite, je n’en veux pas. Je veux une République pacifiée, des gens qui vivent ensemble et qui se respectent. Et ce n’est pas un petit sujet, c’est un vrai sujet», dit-il.
«L’essentiel des patrons est sur une position qui est: "évitons d’en parler, il n’y a pas de vrai sujet en France et que chacun se débrouille dans son coin". Moi, je ne le pense pas», tranche le patron de Paprec.
Même si les litiges restent peu nombreux - Paprec lui-même dit n’avoir actuellement «aucun problème» lié à la religion en entreprise -, certains groupes (La Poste, EDF, Orange, IBM, Casino, RATP...) ont adopté des guides internes destinés à respecter la jurisprudence en vigueur.
L’Observatoire (gouvernemental) de la laïcité, qui a lui aussi publié son propre guide en décembre, a refusé de s’exprimer avant la présentation officielle de la charte par Paprec.
Si l’adoption à l’unanimité laisse à penser qu’aucun litige ne se produira dans l’immédiat chez Paprec, l’initiative n’est «à ce stade pas juridiquement sécurisée, parce qu’un problème peut se poser après», si un employé change d’avis ou via un recrutement, a toutefois observé un bon connaisseur du dossier.
AFP
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