Les présidents américain et russe ne se sont jusqu’ici rencontrés qu’en marge de sommets internationaux. Ils ont choisi un terrain neutre, à Helsinki, en Finlande, ce lundi 16 juillet. « Il y aura beaucoup de théâtre, peu d'avancées significatives sur les gros dossiers, sauf peut-être sur l'arsenal nucléaire », analyse le politologue canadien Yann Bréault, pour Ouest-France.
Les conseillers de Vladimir Poutine et de Donald Trump préparent le premier sommet russo-américain. Il aura lieu à Helsinki, en Finlande, ce lundi 16 juillet. Les dossiers syrien et ukrainien seront sur la table, ainsi que l’ingérence supposée de la Russie dans l’élection américaine de 2016, puisque l’enquête se poursuit aux États-Unis.
La plupart des politologues ne s’attendent pas à des avancées spectaculaires. C’est le cas deYann Bréault, co-directeur de l’Observatoire de l’Eurasie, à l’université du Québec, à Montréal.
Entretien
Comment ce sommet avec Donald Trump est-il perçu en Russie ? Qu’en attend Vladimir Poutine ?
Sur le fond, le président Poutine n’en attend pas grand-chose. Il comprend que la marge de manœuvre du président américain est très limitée par la loi qui a été votée l’année dernière par le Congrès. Elle l’empêche de revoir le régime de sanctions économiques qui a été mis en place, en réaction à l’annexion de la Crimée.
Cette rencontre va surtout être un spectacle. Il va faire paraître M. Poutine sous un très bon éclairage auprès de sa population, en le montrant comme quelqu’un d’indispensable dans le contexte géopolitique actuel. La volonté du Trump de venir immédiatement après ce sommet de l’Otan si particulier, reproduit un peu l’image du retour de la Russie sur le grand échiquier international.
Lors du sommet de l’Otan, jeudi, Trump a surtout égratigné ses alliés européens. Cela fait-il les affaires de Poutine ?
C’est sûr, à Moscou, on constate avec un certain amusement la désorganisation actuelle du bloc occidental, avec un président Trump qui raconte que sa rencontre avec Poutine risque de mieux se passer que celle (vendredi) avec la Première ministre Theresa May, l’alliée historique. Les Russes fantasment sur ces relations transatlantiques très tendues. Trump qui accuse ses partenaires européens de sous-financer leur armement, qui déclare l’Allemagne captive de son importation gazière russe… Il y a quelque chose de satisfaisant, pour la Russie, là-dedans.
Et Trump, l’imprévisible, que peut-il bien venir chercher, auprès de Poutine ?
Il va probablement se servir de cette visite pour faire un pied de nez à ses adversaires - les démocrates, les journalistes -, sur la scène intérieure. Il faut se souvenir qu’au début, dès la campagne électorale, la vision géopolitique que Trump mettait en avant concordait davantage avec celle des Russes. Il a eu toutes sortes de déclarations sympathiques envers Poutine. Après l’enquête du procureur Mueller sur l’ingérence éventuelle des Russes dans l’élection présidentielle américaine, on a senti M. Trump très menotté dans ses capacités à donner suite à cet espoir de renouer des liens avec Moscou.
Avec cette rencontre-là, il adresse un message : « Voilà, vos racontars, vos fausses nouvelles sur cette collusion entre la Russie et les États-Unis, je n’en ai finalement rien à cirer. Je vais rencontrer en personne, en tête à tête, mon ami Vladimir ». C’est une façon de ridiculiser ses adversaires.
Trump peut-il infléchir une politique étrangère américaine qui a toujours été hostile envers la Russie ?
Les hauts fonctionnaires, les appareils d’État américains sont irrités par la politique étrangère, disons interventionniste, menée depuis bientôt une vingtaine d’années. C’est un ressentiment qui n’en finit pas de grandir depuis les diverses interventions en Yougoslavie, en Irak, en Libye, qui ont souvent montré leurs limites… Est-ce Trump que peut modifier la donne ? Je ne le pense pas. Bien sûr, la tendance isolationniste et protectionniste, présente dans son discours, commence vraiment à se matérialiser par des mesures très protectionnistes. Nous sommes peut-être à l’aube d’une transformation radicale de la politique étrangère qui consacrera cette tendance… Mais Trump peut être renversé à la prochaine élection dans deux ans et demi…
Poutine vient de rencontrer des Israéliens, des Iraniens… Certains dossiers, comme le conflit syrien, pourraient avancer ?
Les Russes n’ont pas la capacité de contraindre les Iraniens à quitter complètement le théâtre syrien. Par contre, ils peuvent peut-être obtenir le retrait des troupes iraniennes les plus proches d’Israël, avec un espoir de désescalade. Des éléments positifs peuvent sortir de cette rencontre, mais il ne faut pas attendre d’avancées significatives sur des dossiers comme la Corée du Nord ou l’Ukraine.Les deux pays pourraient toutefois profiter de l’effet médiatique de ce rendez-vous pour annoncer une renégociation du Traité de réduction des armes stratégiques (les ogives nucléaires), le New START, négocié par Obama et Medvedev, en 2010. Il arrive à échéance en 2021. Ce n’était pas un accord très satisfaisant, mais l’annonce d’une reprise du dialogue, sur la nécessité de limiter la course aux armements, pourrait amener une certaine accalmie dans le contexte de tensions géopolitiques qui règne actuellement.
Vous nous promettez donc une rencontre très détendue…
Oui (rires). Cela va être une belle rencontre, gagnante-gagnante, des deux côtés. C’est pour cela que l’ambiance va être très amicale. On sera dans la politique spectacle, le théâtre. Pas du tout dans une logique de réparation des relations.