Le temps n'est pas venu

Une ronde constitutionnelle prématurée nuirait aux visées autonomistes du Québec

ADQ - De l'identité à l'autonomisme - La souveraineté confuse

Stephen Harper, Jean Charest et Stéphane Dion ont tôt fait de refermer la boîte de Pandore ouverte par Mario Dumont, qui réclamait une nouvelle ronde constitutionnelle pour réparer "l'erreur de 1982". Et ils ont eu raison de procéder de la sorte. D'abord, parce que le Québec réussit déjà bien à acquérir une autonomie grandissante dans le contexte constitutionnel actuel. Mais aussi et surtout parce que l'échec appréhendé d'une ronde de négociations prématurée affaiblirait le Québec vis-à-vis des autres provinces. Pour l'heure, le Québec n'a rien à gagner à relancer le train de la mésentente constitutionnelle.
L'arrivée des conservateurs à Ottawa, en janvier 2006, a marqué l'adoption d'une nouvelle attitude du gouvernement fédéral envers les provinces. Depuis, le fédéralisme d'ouverture de Stephen Harper ne cesse de prouver qu'il est possible pour le Québec, si ce n'est pour l'ensemble des provinces, d'améliorer sa position au sein de la fédération canadienne, sans pour autant devoir lancer le pays dans un mélodrame constitutionnel. La reconnaissance de la nation québécoise, la place du Québec à l'UNESCO, le règlement du déséquilibre fiscal et la révision de la péréquation n'en sont que les exemples les plus récents et démontrent bien toute la souplesse de la formule. Tout porte à croire que des avancées sont toujours possibles à cet égard, notamment en ce qui a trait à l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser auquel le premier ministre semble ouvert.
Dans ce contexte, appuyer sur le "bouton nucléaire" de la négociation constitutionnelle n'est pas seulement prématuré; ce serait tout simplement irresponsable. Non seulement le Québec sortirait-il affaibli d'un échec constitutionnel face à ses partenaires provinciaux qui ont déjà accusé le gouvernement fédéral de "balkaniser" le Canada, mais le déclenchement de telles négociations compromettrait des gains concrets possibles à brève échéance en faveur d'une négociation dont la finalité demeure pour le moins nébuleuse.
Une fuite vers l'avant?
Il y a quelque chose de franchement surprenant à ce qu'un parti qui a fait élire des députés sur la promesse de briser le carcan fédéralisme-souverainisme propose maintenant de revenir aux querelles d'antan. Jumelée à la promesse adéquiste de se retirer du Conseil de la fédération, qui laisserait le Québec complètement isolé à l'aube d'une hypothétique ronde de négociation, cette dernière requête de Mario Dumont ressemble fort à une fuite en avant pour éviter de définir ce qu'est l'autonomisme dont l'ADQ se veut le porte-étendard. Le parti de Mario Dumont avait le beau jeu, en campagne électorale, de capitaliser sur le flou artistique qui entourait alors sa nouvelle option. Il importe désormais de connaître toute l'ampleur de l'autonomie supplémentaire dont il veut doter le Québec. Si celle-ci ne s'articulait qu'autour d'une ronde constitutionnelle et du retrait du Conseil de la fédération, ce serait une grande déception pour les quelque 1,2 million d'électeurs qui ont fait confiance à l'ADQ lors de la dernière élection générale.
Les Québécois avaient un choix à faire entre le fédéralisme d'ouverture et la souveraineté. Ils l'ont fait à la faveur des élections du 26 mars dernier. Les résultats électoraux ne laissent aucun doute quant à la volonté des électeurs québécois de travailler à faire prospérer le Québec au sein du Canada. Rien n'exclut toutefois qu'ils ne changeraient pas d'idée s'il devenait clair que le développement social, culturel et politique du Québec était freiné par le cadre fédéral actuel. Il serait alors temps de rouvrir la Constitution et de corriger les erreurs du passé, quitte à ce que le Québec mette aussi de l'ordre dans ses exigences traditionnelles. Bref, il faudra traverser le pont une fois rendus à la rivière. D'ici là, l'ADQ a le devoir de clarifier à quelle enseigne elle loge, ne serait-ce que par respect envers ses électeurs.


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