[Monsieur->27030],
Je me doutais bien qu’un jour ou l’autre l’affaire du référendum de 1995 remonterait à la surface. Vous ne me prenez donc pas au dépourvu. Si j’ai pu me montrer naïf dans le passé, je le suis beaucoup moins aujourd’hui. Il faut bien que l’expérience serve à quelque chose.
Vous me reprochez tout d’abord d’avoir démontré dans le dossier qui m’avait été confié toute la grâce d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il est donc nécessaire que je vous précise ceci :
1. Lorsque Jacques Parizeau m’a demandé d’accepter cette responsabilité, je lui ai tout de suite dit que je n’étais pas l’homme de la situation. Je n’avais ni l’expérience politique, ni les racines dans le parti qui m’apparaissaient nécessaires pour relever ce défi. Ce à quoi M. Parizeau m’avait répondu, « Ne vous inquiétez pas, vous serez bien entouré ». Et effectivement, je le fus. On m’imposa un chef de cabinet, et mes activités furent rattachées au Ministère du Conseil exécutif, le ministère du premier ministre.
2. Je n’ai eu aucune responsabilité dans le choix des études ni dans celui de leurs auteurs, à deux exceptions près :
- l’étude réalisée par un bureau d’avocats de Washington avec qui j’avais des contacts sur la possibilité pour le Québec de succéder au gouvernement canadien pour ce qui le concernait dans le Traité de libre de libre-échange avec les États-Unis;
- l’étude sur la portion de la dette canadienne qui échoirait au Québec que j’avais décidé de confier à une firme d’actuaires-conseils après avoir d’abord reçu une première étude qui m’apparaissait inacceptable à la fois pour des raisons de fond et de stratégie.
Il se trouve que ce sont les deux études qui furent le mieux reçues.
3. Quant à toute la saga sur l’attribution des contrats, deux enquêtes du Vérificateur général ont démontré que je n’étais aucunement impliqué dans ce processus qui relevait clairement des attributions du Conseil exécutif sur lequel je n’avais aucune autorité. Comme une personne avait trouvé le moyen d’exploiter ce processus à ses fins personnelles, elle fut condamnée par la Cour du Québec à 18 mois de prison ferme, ce qui était une sanction très sévère, surtout si on la compare avec les sanctions attribuées dans le cadre du scandale des commandites. Je précise que je ne fus même pas appelé comme témoin dans ce procès. Dans les considérations prises en compte par le tribunal que présidait le juge Yvan Mercier de Québec pour justifier sa sentence, on retrouve celle-ci : « le tort causé à M. Le Hir ».
Vous prétendez également que j’aurais accusé les syndicats « d’avoir travaillé pour le OUI sans que cela soit comptabilisé dans les dépenses parce que c’était du bénévolat. » Je ne sais pas d’où vous tenez cette information, mais elle est fausse.
Pour ce qui est de votre critique voulant faire de moi un macho, elle est tellement éloignée de la réalité qu’elle en est risible.
D’ailleurs, avant même l’affichage de votre opinion sur Vigile, je répondais ceci à une personne qui m’avait exprimé un commentaire de surprise sur ma critique de Pauline Marois :
« Comme je l’ai dit en réponse à un autre commentaire, je ne souhaite aucun mal à Pauline Marois, au contraire. Je souhaite tout simplement qu’elle prenne la juste mesure de la situation et qu’elle se ressaisisse. »
« Qui plus est, je ne crois pas que nous devions abandonner tout devoir de critique au nom de l’unité, pourvu que la critique soit juste et constructive, sinon on s’expose à cautionner des dérives inadmissibles, et je suis bien placé pour vous le dire. »
Ce qui est certain, c’est que, pendant la campagne référendaire, en privé, et à l’issue de la campagne référendaire, en public, j’ai formulé des critiques très sévères sur certains « débordements » dans le camp péquiste qui avaient entraîné une perte de légitimité de son option et qui ont contribué à mon avis au résultat que nous avons connu. Ces commentaires ont été publiés chez Stanké en 1997 dans un livre intitulé « La prochaine étape – Le défi de la légitimité ».
Je suis revenu par la suite sur le sujet à certaines occasions lorsqu’on me sollicitait à cet effet, toujours pour montrer comment le comportement de certaines personnes ou certains propos pouvaient compromettre la légitimité d’une option.
Aujourd’hui, c’est le comportement du camp adverse qui mine la légitimité de son option, et c’est ce que mes interventions récentes ont cherché à démontrer.
Quant à votre commentaire sur le fait que je me porterais aujourd’hui à la défense de la gauche, voici la réponse que je faisais tout récemment à une personne qui m’exprimait à la fois sa surprise et sa satisfaction de me voir adopter une position différente de celles pour lesquelles j’étais connu avant mon entrée en politique :
« Je n’ai aucune peine à comprendre votre étonnement, et je suis très conscient de ce que mon cheminement peut paraître déroutant. Si j’ai pu être identifié à la droite dans le passé, c’est d’abord et avant tout parce que j’étais identifié aux positions patronales du fait de mon rôle à la tête de l’Association des manufacturiers. Mes interlocuteurs syndicaux de l’époque vous diront cependant que j’avais été l’artisan d’une ouverture à leur endroit qui avait forcé le Conseil du Patronat à se mettre en position de rattrapage. »
« Il n’en reste pas moins que j’avais un mandat de mes membres qui m’obligeait à défendre leurs positions. Avocat de formation, j’ai appris à représenter avec conviction des positions diamétralement opposées selon les besoins de la cause. »
« Cela dit, tout en ayant certains idéaux et quelques principes, je suis quelqu’un de foncièrement pragmatique qui se méfie des idéologies comme de la peste, et je cherche à maintenir en toute circonstance le degré d’objectivité nécessaire à faire une bonne analyse de la situation. »
« La situation dans laquelle nous nous trouvons présentement est le résultat de plusieurs années de politiques conservatrices. À l’évidence le résultat est loin d’être concluant, et le moment est venu de revenir sur certains excès. Ce retour nous oblige à un virage à gauche. Tout ce que je souhaite, c’est qu’il se fasse dans la mesure et sans excès afin de ne pas compromettre le bénéfice que nous pouvons en tirer. »
« Pour la suite, on verra selon la conjoncture. »
Vous constaterez que tout au long de ce texte, pondu en moins d’une heure après que j’aie découvert le vôtre, je suis demeuré très mesuré dans mes propos, par souci d’éviter tout dérapage dont nos adversaires pourraient se repaître. Vous dites avoir en réserve d’autres munitions. Permettez-moi à mon tour de vous souligner l’inélégance du processus : « Quiens-toi tranquille ou bedon ».
Je répondrai pour ma part sur le même ton, point par point, et en toute sérénité, à tout autre commentaire que vous, ou qui que ce soit d’autre, pourriez me faire.
Réponse à M. Barberis-Gervais
« le tort causé à M. Le Hir »
Chronique de Richard Le Hir
Richard Le Hir673 articles
Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)
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1 commentaire
Georges-Étienne Cartier Répondre
15 avril 2010Bravo: très bien dit et bien servi !
J`ai aussi bien aimé vos propositions créatives de taxation , qui s`ajoutant à celles du Dr Barette (FMSQ), plus des droits miniers, forestiers et autres conséquents, plus l`épargne résultant d`un grand ménage radicalement désinfectant dans les contrats passés par l`État, remplaceraient fort bien tout ce que planifie de nous faire avaler le Gouvernement actuel !
Reste à faire entendre raison aux "autorités" du PQ sur la MONSTRUEUSE et RUINEUSE SOTTISE des 2 CHU ( i.e. le CUSM tout de suite en ppp, et un genre indéterminé de CHUM un jour peut-être ...) et à LEUR FAIRE ACCEPTER D`APPUYER À FOND L`IDÉE D`UN SEUL CHUM FRANCOPHONE : leur véritable aliénation de colonisés à l`égard du mileu anglo que trahit ce refus tenace aveugle de revoir leur position là dessus augure très mal de l`avenir du projet indépendantiste qu`ils disent porter et ne manquera pas d`alimenter le cynisme d`électeurs qui s`abstiendront en masse encore une fois.
C`est comme ça qu`on rate des occasions en or comme celle qui nait présentement sous nos yeux !!!