Les cégeps et la Loi 101

«ça n'a pas de bon sens!» - Christine St-Pierre, ministre de la Culture

CSt-P ne peut pas ne pas voir qu'elle est dépassée (soyons charitable...)


Presque comme un rappel de cette publicité gouvernementale parue dans les journaux il y a un ou deux ans, cet après-midi, les députés débattent à l'Assemblée nationale d'une motion présentée par le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, touchant la langue française.
Cette motion s'oppose à la proposition du PQ d'étendre aux cégeps, s'il prend le pouvoir, les dispositions de la Loi 101 sur la langue d'enseignement. Ou, en d'autres termes, d'interdire aux francophones et aux allophones de s'inscrire à un établissement collégial de la langue anglaise.
Le texte de la motion:


«Que l'Assemblée nationale affirme l'importance de laisser à tous les Québécois la liberté de choisir la langue d'enseignement dans les cégeps, et qu'elle réitère que les dispositions de la loi 101 ne doivent pas être étendues aux établissements d'enseignement collégial /sic/, tel /sic/ qu'adoptée /sic/ en 1977 par le gouvernement du Parti québécois de René Lévesque.»


(Les fautes d'orthographe de la motion furent ensuite corrigées par un amendement proposé par le député de Borduas, Pierre Curzi...)
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Notons toutefois que même au PQ, la députation est divisée sur la question. D'aucuns doutent également de la possibilité réelle de voir un éventuel gouvernement péquiste procéder dans ce sens. Mais cela, c'est une autre histoire...
Pour ce qui est du sujet lui-même, soit l'étendue aux cégeps de l'obligation des francophones et allophones de fréquenter un établissement de langue française, s'il revient inévitablement dans l'actualité, c'est essentiellement pour la raison suivante:

Soit que 33 ans après l'adoption de la Loi 101, plus ou moins 40% des allophones qui ont fait leur école primaire et secondaire en français choisissent ensuite de fréquenter un cégep anglais à un moment charnière de la vie, où on se prépare au milieu du travail et où, la langue qu'un allophone finira par utiliser principalement, commence à s'imposer à lui ou elle comme choix.

Rappelons ici que le Québec - en fait les régions de Montréalaise et de l'Outaouais -, est la seule province canadienne et le seul État sur le continent où il existe une concurrence ouverte entre deux langues pour l'intégration des nouveaux arrivants. D'où la nécessité de la Loi 101 et de mesures dites coercitives pour tenter de donner au français un rapport de forces face au pouvoir d'attraction de l'anglais comme langue d'usage.
(Tentons seulement d'imaginer la réaction hors Québec si, au Canada anglais, près de 40% des allophones poursuivaient leurs études supérieures en français... Évidemment, cette situation est purement hypothétique... mais à simple fin de comparaison, on voit à quel point un tel phénomène soulèverait des questionnements fort sérieux dans n'importe quelle société.)
Le débat porte donc sur cette question précise: pour renforcer ce rapport de forces au moment où le français recule, étendre les dispositions de la Loi 101 aux cégeps est-elle une mesure nécessaire?
Du côté des francophones, ils ne sont que plus ou moins 5% à choisir un cégep anglophone. Une donnée qui semble jeter un éclairage différent sur l'argument voulant que l'enseignement de l'anglais dans les écoles françaises serait déficient au point où il serait essentiel de préserver cette situation de «libre choix» pour les francophones. Car si l'apprentissage de l'anglais et d'une tierce langue demeure un outil utile, la question du «comment» demeure entière. En d'autres termes, est-ce vraiment en passant par un cégep anglais que cela se fait, puisqu'à peine 5% des francophones le font? La question, tout au moins, se pose.)
Ce qui ramène à une évidence: l'inquiétude ici porte plutôt sur ce 40% d'allophones - une proportion élevée - qui, en situation de libre choix», préfèrent le cégep et l'université en anglais.
Sans oublier l'effet négatif que risque fort d'avoir à terme la possibilité maintenant offerte aux parents francophones et allophones plus fortunés d'«acheter» à leurs enfants le «droit» de fréquenter l'école anglaise subventionnée, privée ou publique, après un séjour de trois ans dans une écoles anglaise privée non-subventionnée dite «passerelle».
Sur la question du cégep et de l'influence de la langue d'enseignement sur les choix linguistiques subséquents des étudiants, voir cette étude récente de l'Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) sur les comportements linguistiques des étudiants du collégial. http://www.irfa.ca/n/ECLEC
Un bref résumé de l'étude est ici: http://irfa.ca/n/sites/irfa.ca/files/note_irfa_SEPTEMBRE2010A.pdf
L'étude intégrale est ici: http://irfa.ca/n/sites/irfa.ca/files/analyse_irfa_SEPTEMBRE2010A_5.pdf
Sa principale conclusion: «les étudiants des cégeps français et anglais utisent dans l'ensemble de leurs interactions sociales et activités culturelles la langue qui correspond à la langue d'enseignement de leur cégep»...
Un geste «radical»?
Cet après-midi, pendant ce débat, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamps, a avancé que d'étendre la Loi 101 au cégeps serait poser un geste «radical»...
Qu'ils soient pour ou contre l'étendue de la Loi 101 aux cégeps, ceux et celles qui ont un peu de mémoire se souviendront néanmoins que c'était là le même argument utilisé à l'époque par les opposants à la l'obligation imposée par la Loi 101 aux francophones et allophones de fréquenter l'école primaire et secondaire en français.
La ministre a aussi rappelé que Gérald Larose a également qualifié une telle proposition de «draconienne.
Quant à Christine St-Pierre, ministre de la Culture, laquelle cita également M. Larose, sa conclusion fut que «ça n'a pas de bon sens!»...
Enfin, le député libéral de Charlesbourg, Michel Pigeon, disait appuyer cette motion parce que cela, selon lui, s'incrirait «dans la logique d'une ouverture sur le monde».
Et vous, qu'en pensez-vous?
- Étendre la Loi 101 aux cégeps serait-il un geste «radical»? Ou serait-ce nécessaire de le faire dans le cadre d'un renforcement de l'aménagement linguistique au Québec quant à la langue de travail et de l'ajout de ressources pour les classes de francisation des nouveaux arrivants?
- Étudier en français au cégep serait-il le symptôme d'une «fermeture» au monde?

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@ Addendum: le résultat du vote fut POUR: 65 CONTRE: 45 ABSTENTION: 0
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@ Avec le démographe Marc Termotte, je discuterai d'ailleurs de la question linguistique à l'émission Bazzo.TV diffusée ce jeudi soir à 21h00 sur les ondes de Télé-Québec.


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