QUÉBEC – Les libéraux ont poursuivi mardi leur grande opération de relations publiques pour tenter de démontrer l’inutilité d’une enquête publique afin de mettre au jour le « système mafieux » et la collusion qui règnent prétendument dans le domaine de la construction, tant sur la scène montréalaise qu’ailleurs dans la province.
Mardi, c’était au tour de la présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay, d’annoncer une série de mesures pour s’assurer que les contrats octroyés par le gouvernement ne font pas l’objet de malversations.
Depuis deux semaines, les annonces se sont succédé en rafale pour calmer
les pressions qui fusent de toutes parts afin d’exiger la tenue d’une enquête publique. Après le lancement par le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, de l’« Opération Marteau » de la Sûreté du Québec pour enquêter sur les allégations de corruption, les ministres du Travail, Sam Hamad, du Revenu, Robert Dutil, et des Affaires municipales, Laurent Lessard, ont tour à tour annoncé une série de mesures pour resserrer les normes et les règlements entourant l’octroi des contrats gouvernementaux et municipaux.
Mais ces mesures ne satisfont toujours pas l’opposition à Québec. Autant le député Amir Khadir que l’Action démocratique et le Parti québécois ont poursuivi leur offensive en vue de faire céder le gouvernement pour qu’il décrète une enquête.
Mardi, en chambre, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a accusé le gouvernement de faire « diversion » pour ne pas tenir d’enquête publique.
« Quels sont les intérêts occultes qui empêchent le premier ministre de faire la lumière sur toute cette question de collusion et de nommer une commission d’enquête publique indépendante ? » a lancé la chef de l’opposition officielle.
« Nous, notre intérêt, c’est de faire en sorte qu’on aille au fond des choses. Pour cela, on priorise les enquêtes policières. On n’a pas exclu une enquête publique », a répliqué Jean Charest.
« La corruption ne se limite pas au secteur de la construction mais gangrène aussi des firmes de génie-conseil et les autres services professionnels qui obtiennent d’importants contrats publics, a ajouté plus tard Amir Khadir. Est-ce que le premier ministre est au courant qu’un ou des professionnels de haut rang de ces firmes professionnelles offrent leurs services gratuitement à un ou des ministres influents du gouvernement, alors que ces firmes obtiennent de juteux contrats de travaux publics ? »
Des liens étroits avec les libéraux
Jean Charest et les membres de son gouvernement pourraient craindre que l’institution d’une commission d’enquête publique établisse rapidement les liens étroits entre le Parti libéral du Québec et les entreprises souvent mentionnées depuis le début de cette affaire. Non pas des gestes illégaux, mais simplement que les dirigeants des entreprises de construction et des firmes de génie-conseil sont de très généreux contributeurs de leur caisse électorale. Un fait qui pourrait condamner les libéraux par association dans l’opinion publique, qui n’a pas l’habitude de trébucher dans les nuances.
Les indices de cette proximité sont de plus en plus nombreux. Ainsi, la semaine dernière, on apprenait que le 21 avril 2008, Jean Charest a fait acte de présence dans un « cocktail privé » de financement dans une résidence de Terrebonne, cocktail organisé par un dirigeant de la compagnie Écolosol, dont Tony Accurso est l’un des propriétaires. L’activité avait rapporté quelque 107 500 $ au PLQ, en raison de billets d’entrée vendus 1 000 $ l’unité.
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Sur cette photo tirée de l’édition du 20 novembre 2008 de l’hebdomadaire The Suburban, on voit l’actuel ministre de la Famille, Tony Tomassi, tenant familièrement par la taille Lisa Accurso, fille de l’homme d’affaires Tony Accurso. On note également la présence de Monique Jérôme-Forget, à l’époque présidente du Conseil du Trésor et ministre des Finances. À l’extrême gauche, Sandra et Edward Brandone, alors secrétaire-trésorier de la FTQ-Construction.
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Dans le même mois d’avril, on note d’autres activités du même type qui ont rapporté beaucoup d’argent à la caisse électorale du PLQ, dont un cocktail le 3 avril à Anjou qui avait amassé 233 650 $ et un souper à Laval le 14 avril qui avait empoché 196 400 $, selon les rapports libéraux remis au bureau du Directeur général des élections.
La photo publiée avec ce texte est aussi hautement symbolique de cette proximité. Extraite de l’édition du 20 novembre 2008 – en pleine campagne électorale – de l’hebdomadaire anglophone montréalais The Suburban, elle montre l’actuel ministre de la Famille, Tony Tomassi, tenant Lisa Accurso familièrement par la taille. Lisa Accurso est la fille de l’homme d’affaires Tony Accurso – propriétaire du fameux yacht de plaisance –, qui est à l’origine de toute la controverse actuelle.
On note sur la photo la présence de Monique Jérôme-Forget, alors présidente du Conseil du Trésor et ministre des Finances. On y voit également, à l’extrême gauche, Edward Brandone et sa femme, Sandra. M. Brandone était alors secrétaire-trésorier de la FTQ-Construction. Au centre, l’avocat Martin Cossette, alors candidat du PLQ dans la circonscription de Crémazie et défait par la péquiste Lisette Lapointe.
Lisa Accurso est une des principales dirigeantes de la compagnie Louisbourg Construction (appartenant à son père, Tony Accurso), une des entreprises souvent mentionnées dans les derniers mois. Mardi, le Parti québécois estimait que cette entreprise a reçu pour plus de 33 millions de dollars de contrats du ministère des Transports depuis janvier 2004. Elle dirigeait jusqu’en 2007 Hyprescon, une autre compagnie de construction.
L’autre entreprise importante de Tony Accurso, Simard-Beaudry Construction, a reçu plus de 120 M$ de contrats du ministère des Transports pour la même période. Le relevé ne tient pas compte d’une participation de Louisbourg et de Simard-Beaudry à des contrats obtenus par des consortiums.
On le comprendra, une enquête publique pourrait causer des torts considérables au Parti libéral du Québec sur le plan de la perception publique. Maintenant que les élections municipales sont chose du passé et que la pression devrait diminuer, le gouvernement de Jean Charest table sur le fait que la volonté populaire va s’effriter tranquillement pour passer à d’autres préoccupations, dont la vaccination contre la grippe A(H1N1).
Avec la collaboration de Fabrice de Pierrebourg
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