Les sables bitumineux, un piège coûteux

L’industrie aurait des effets pervers sur l’économie canadienne, révèle une étude

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Contrairement à ce qu’affirment ses partisans, dont le gouvernement Harper, l’industrie des sables bitumineux aurait surtout des effets pervers sur l’économie du pays, notamment parce qu’elle enferme le Canada dans un modèle de développement dépendant du carbone qui nuit à l’innovation, en plus d’échapper au contrôle de l’État. C’est du moins ce qui se dégage d’un rapport produit par le Centre canadien de politiques alternatives et l’Institut Polaris, dont Le Devoir a obtenu copie avant sa publication.
Les deux organismes estiment en fait que la place prépondérante que semble prendre l’industrie pétrolière albertaine à l’échelle nationale fait en sorte que le développement de l’économie canadienne est désormais pris dans une sorte de « piège du carbone » qui devrait être coûteux à long terme.
Alors que plusieurs États et entreprises prennent conscience de la nécessité de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre (GES), on constate ici une hausse constante de celles-ci dans le secteur extractif. Selon les données présentées dans le rapport, le secteur de la production pétrolière représente à lui seul 6,5 % des émissions nationales. Celles-ci ont doublé en 20 ans et devraient encore doubler d’ici la fin de la présente décennie.
« En investissant dans une industrie qui devrait être contrainte par les changements climatiques, le Canada limite sa capacité d’adaptation aux réalités climatiques, en plus de nuire à notre capacité de développer de nouvelles industries plus durables », soulignent les auteurs du document d’une centaine de pages. « La stratégie sur le bitume que suit actuellement le Canada ne fait pas qu’endommager l’environnement. Elle laisse notre économie très vulnérable à la contraction des marchés du bitume au moment où le monde se tourne vers des carburants moins polluants », a aussi fait valoir Tony Clarke, coauteur du rapport.

Appui politique
L’industrie implantée en sol canadien peut toutefois bénéficier d’un important appui politique à Ottawa, surtout depuis que le gouvernement conservateur a pris le pouvoir. Le gouvernement mise d’ailleurs sur des exportations accrues du pétrole canadien, une stratégie qui se base sur le développement de plusieurs projets d’oléoducs. Au final, tout le pays se trouve donc à cautionner « un boom dans l’extraction du pétrole brut largement non planifié et incontrôlé ». Les compagnies pétrolières actives en sol canadien, essentiellement des multinationales étrangères, comptent doubler leur production d’ici la fin de la décennie, ce qui la ferait passer à 3,5 millions de barils par jour.
Cette course à l’or noir a aussi eu pour effet de pousser vers le haut le dollar canadien, ce qui a un « impact négatif » sur d’autres industries exportatrices. Et globalement, les auteurs du rapport notent que le pays souffre bel et bien du « syndrome hollandais », c’est-à-dire qu’il existe un lien entre l’exploitation pétrolière, la hausse du huard et le déclin du secteur manufacturier. Le Centre canadien de politiques alternatives et l’Institut Polaris ajoutent que, malgré son omniprésence dans le discours politique, l’industrie a créé à peine 1 % des nouveaux emplois générés par l’économie canadienne au cours de la dernière décennie.
À la lumière des constats du rapport, les deux organismes proposent une stratégie à deux volets pour éviter ce qu’ils appellent « l’abîme du bitume ». Ils estiment dans un premier temps qu’il faut réglementer plus rigoureusement l’industrie afin de ralentir l’extraction, améliorer le contenu canadien dans les activités en amont et en aval, et parvenir à un meilleur équilibre entre les secteurs et les régions de l’économie. Mais surtout, il importe de rapidement « réorienter l’économie du Canada vers des industries plus équilibrées, innovatrices et à faible production de carbone ».
« Nous devons surmonter la fausse polarisation entre l’économie et l’environnement et reconnaître que nous ne pouvons laisser l’évolution future de ces énormes projets de mise en valeur entre les mains d’un marché en grande partie déréglementé et aux choix intéressés de l’industrie privée », a affirmé Jim Stanford, coauteur du rapport.


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