Rien à voir avec le domaine musical : il ne s’agit pas d’un nouveau groupe pop dont le nom vise à concurrencer les « Trois accords. » Les « trois E » représentent plutôt les priorités que le Parti québécois mettra bien en vue, à l’avant-scène, durant la prochaine campagne électorale.
Éducation, environnement et économie constituent effectivement les éléments centraux de la plate-forme politique du PQ d’André Boisclair. Le leader péquiste a commencé à le marteler voilà déjà quelques mois. Le député de la circonscription de Pointe-aux-Trembles répète aussi, depuis quelques jours, que les Québécois doivent profiter du prochain scrutin pour juger le bilan du gouvernement Charest.
Les « trois E » symbolisent donc l’alternative à l’incompétence libérale. Le PLQ aurait ainsi échoué dans l’ensemble de ses missions. Il n’aurait pas atteint les objectifs qu’il s’est fixés en avril 2003. Avouons que la chose ne surprend pas. La gouverne provinciale a depuis longtemps montré ses limites, limites qui sont encore plus évidentes suite aux sauvages compressions fiscales imposées par Ottawa en 1995. Voilà un sujet archi-connu. Presque lassant. Tout comme celui d’affirmer que le Parti québécois peinera tout autant à administrer le Québec dans ce cadre politique. Il est donc plausible de douter que la réalisation des « trois E » soit couronnée de succès. Qu’en serait-il cependant de ces objectifs s’ils avaient été présentés dans un cadre politique différent?
Éducation
Avouons au départ que Québec pourrait assurément injecter plus d’argent dans le réseau des établissements universitaires. Terminé le calvaire qui consiste à quêter et attendre que le gouvernement fédéral obtempère. Fini aussi peut-être le gel des frais de scolarité. Honnêtement, le Parti québécois n’encourage pas présentement l’idée de les hausser parce qu’il ne peut se passer du vote étudiant. Voilà qui est de bonne guerre. Reste qu’une majoration de ces coûts, modeste mais nécessaire, doit avoir lieu. Il sera toujours possible en contre-partie d’augmenter simultanément les montants du programme de prêts et bourses.
Un gouvernement du Parti québécois doit mettre un terme à l’enseignement de l’anglais qui est présentement dispensé aux écoliers de la première année du primaire. Cette pratique établie tout récemment par le gouvernement libéral nuit carrément à l’apprentissage des deux langues. Une seule doit être inculquée à ces enfants. Inutile de préciser laquelle. D’autant plus que celle-ci se dégrade dans nos écoles depuis que la Cour suprême a invalidé de larges pans de la loi 101. Ironiquement, les nombreux reportages qui ont souligné la semaine dernière les 40 ans de la Commission Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme au Canada, n’ont fait que prouver ce que tous les Québécois soucieux de la préservation de leur langue et de leur culture savent depuis des lustres : l’imposition du bilinguisme et du multiculturalisme à une minorité accélère son assimilation.
La réforme scolaire qui est présentement en cours d’implantation dans les écoles secondaires du Québec doit également être stoppée. Visiblement, il y a tout lieu de la réviser à la vue des multiples cafouillages qui entraînent le décrochage de nombreux professeurs du milieu. La Suisse elle-même l’a remise en question suite à des résultats scolaires peu concluants. Chez-nous, l’élimination presque totale de l’échec académique n’a pas réduit le problème du décrochage. Le climat d’apprentissage dans les salles de classe s’est même détérioré.
Encore là, des mesures courageuses sont à adopter. Sauf que le Parti québécois ne peut le faire sans risquer de perdre des appuis. Reste que le réseau des écoles secondaires est en péril : toute la société civile doit vigoureusement mettre l’épaule à la roue pour le sauver. Des pays et même des provinces canadiennes ont mis de l’avant des politiques correctrices que le Québec aurait dû appliquer depuis longtemps.
En bref, la fréquentation scolaire doit être valorisée. Les parents doivent s’intéresser à la réussite académique de leurs enfants. L’absentéisme épidémique doit cesser. Terminée cette tendance grandissante de les amener en vacances en plein milieu du calendrier scolaire. Fini de leur autoriser de rater systématiquement de l’école en semaine parce que l’employeur a besoin d’eux. Les vendredis, depuis quelques années, montrent des salles de cours clairsemées. Faut-il attendre qu’elles soient à moitié vides avant de réagir? Une loi limitant le nombre d’heures allouées à un travail rémunéré doit être adoptée à Québec. Une législation qui précisera également que pendant l’année scolaire, les élèves des écoles secondaires ne peuvent travailler que du vendredi soir au dimanche.
Le permis de conduire doit seulement être délivré aux jeunes qui obtiennent leur diplôme d’études secondaires (DES), jusqu’à concurrence de 17 ans et demi. Les provinces voisines imposent présentement des règles semblables. Voilà assurément une mesure qui en incitera plus d’un à obtenir son diplôme en cinq ans! Légiférer en ce sens comporte encore un fort prix politique que le présent contexte provincial ne permet pas. Voilà qui est tragique car, pendant ce temps, les enseignants quittent massivement la profession. Il y a pénurie d’enseignants dans les écoles primaires et secondaires du Québec. Même des recrues fuient le milieu, faute d’appui parental et de reconnaissance sociale…
Environnement
Puisqu’il est question du permis de conduire : parlons d’automobile. La réduction des émissions des gaz à effet de serre passe par une attaque en règle contre tout ce qui carbure à l’aide d’une énergie fossile. L’automobile doit impérativement descendre de son piédestal. Le Québec doit bannir de son territoire tous les articles qui la font polluer davantage. Démarreurs à distance, silencieux modifiés et autres gadgets néfastes sont à proscrire du territoire québécois. Des quotas limitant la publicité télévisée d’automobile sont à imposer. En définitive; l’automobile, dans sa forme actuelle, doit devenir un objet qui rebute autant que la cigarette : il faut être gêné de l’employer! Si ce sentiment devait se répandre dans la société civile, le Québec réduira véritablement sa dépendance au pétrole comme le souhaite le Parti québécois.
Tous les véhicules récréatifs doivent également être la cible de réglementations qui susciteront l’admiration de la communauté internationale. Les motos-neige, VTT et motos-marines doivent voir leur puissance limitée en usine. En attendant l’arrivée de moteurs propres, ils faut museler ces engins polluants qui détruisent les écosystèmes. Trouver donc un équilibre temporaire qui ne nuira pas trop à l’industrie touristique qui dépend malheureusement de ces « bombes environnementales. »
Pas de doute que l’adoption de mesures semblables priveraient à nouveau le PQ de milliers de votes. Le contexte politique actuel l’empêche d’agir de manière à s’attaquer véritablement à un problème qui menace l’espérance de vie des générations à venir. Pour l’heure, l’électoralisme provincial commande malheureusement des décisions mollassonnes.
Économie
Le dernier volet des « trois E » de la plate-forme électorale du Parti québécois ne peut que donner également de pâles résultats, si l’on tente de le développer dans le cadre politique provincial. Sans l’ensemble de ses recettes fiscales, l’Assemblée nationale ne peut pleinement soutenir la croissance économique. Certes, des crédits d’impôt et des exemptions fiscales sont possibles. Sauf qu’ils sont limités faute de milliards qui sont présentement ailleurs. Le PQ fera donc de son mieux dans ce domaine, tout comme ses rivaux.
Si le Parti québécois s’empare du pouvoir, il ne tardera pas à se plaindre d’avoir découvert « un trou » de plusieurs milliards laissé par les libéraux. On connaît hélas trop bien la suite! De quoi en inciter plusieurs à sombrer maintenant dans un profond sommeil. Parions qu’ils seront d’ailleurs nombreux à ne pas se réveiller le 26 mars prochain si rien ne change avant l’appel aux urnes.
Le Parti québécois présente une plate-forme électorale intéressante. Reste que les « trois E » qui en sont les piliers souffrent d’une assise d’argile. Ces priorités ne vont pas assez loin quant aux moyens proposés pour qu’elles se réalisent. Celles-ci sont incommodées par un obstacle politique fondamental. Manifestement, c’est à celui-ci qu’il faut d’abord s’attaquer puisqu’une fois enrayé, il sera dorénavant possible d’avoir les coudées franches pour faire avancer le Québec. Au fait, la solution a-t-elle été soulevée quelque part dans ces lignes? Nenni : les « trois E » n’en font pas mention. Escamotée, éloignée et éclipsée: la souveraineté…
Patrice Boileau
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
14 février 2007Pourquoi toujours cogner sur la tête, fatigué et érodée, du clou du dégel des frais de scolarité? Parce qu'ailleurs au Canada, c'est plus cher? Parce que les universités sont en mauvaise état? Parce que, de toute façon, on pourra toujours augmenter le programme des prêts et bourses? Parce qu'un think-tank de droite nous le prescrit?
L'idée de dégeler les frais de scolarité est entourée d'une série de mythe qu'il convient de démystifier en faisant ses recherches. Il est important de remettre l'idée en question, chose qui arrive que trop rarement dans les médias conventionnels. Dommage. Sur le sujet, il faut lire Fédéric Lacroix (qui écrivait sur la tribune libre de vigile il y a quelques jours) et Patrick Sabourin sur http://www.latribuduverbe.com/archives/2004/09/linstitut_economique_de_montre_1.html. Il est faux de conclure, comme le fait l'Institut Économique de Montréal, que la hausse des frais de scolarité améliorera inévitablement le système d'éducation au Québec. De plus, il a été démontré que, historiquement, la hausse des frais de scolarité s'accompagne d'un désengagement proportionnel du financement étatique.
Mais surtout, et au-delà des chiffres, l'éducation doit être un droit et non un privilège. Pour étudier après le CEGEP (où les frais sont restés à un niveau relativement bas), le choix à faire est déchirant. Soit abandonner les études pour travailler et commencer à vivre selon ses moyens, où opter pour l'université en étant conscient que vous vivrez bien en-deçà du seuil de la pauvreté. Soit vous décidez de vous endetter, soit vous décidez de garder votre argent pour vivre bien et maintenant. Et qu'on ne vienne pas m'objecter le fait que le choix d'étudier à l'université représente un "investissement". Lorsque j'ai décidé de poursuivre mes études, j'ai décidé de faire ce qui me passionne, et non ce qui deviendrait le plus rentable. J'ai décidé d'étudier la science politique. Je vous assure que les offres d'emplois n'affluent pas, et que celles qui sont disponibles offrent un bien maigre salaire, toujours en-deçà du seuil de la pauvreté.
Arrêtons d'observer les effets du dégel ou du gel sur la qualité des université. Il existe plusieurs États où la gratuité a été (ou presque) réalisée. On essaie souvent de trouver les effets en étudiant d'autre pays. Cependant, le plus souvent, ce son tles effets néfastes qui sont étudiés (par exemple, l'exemple de la France). Il existe pourtant des universités de qualité élevée tout à fait gratuites (Norvège). Les chiffres disent bien ce qu'on veut leur faire dire. Sur le sujet, les arguments affluent des deux côtés. Aucune synthèse, pourtant n'en ressort. La seule façon de trouver le moyen le plus avantageux de régler le problème, c'est en se penchant sur le pourquoi de l'éducation. Pourquoi l'éducation devrait-elle être gratuite? Parce que l'éducation devrait être un droit. Elle devrait être accessible à tous les meilleurs cerveaux du Québec, et pas seulement les cerveaux les plus riches financièrement. Dégeler les frais de scolarité, c'est se diriger vers la négation de notre propre avenir, la négation de la valeur du savoir pour les générations futures.
Bref, ça implique beaucoup plus que des chiffres.
Normand Perry Répondre
14 février 2007Comme vous le démontrez de manière aussi brillante monsieur Boileau, si les trois grands "E" de plate-forme électorale du PQ en arrivent à trois autres grands "E" (escamoter, éloigner et éclipser) en regard de l'indépendance nationale du Québec, alors les indépendantistes doivent en arriver à une conclusion par rapport au PQ, et j'ai nommé le grand "E" comme dans Éliminer.
Normand PERRY