C’était jour de cérémonie pour Philippe Couillard ce mercredi alors qu’il prêtait serment comme député d’Outremont à l’Assemblée nationale. Une cérémonie à laquelle il a voulu donner du lustre en livrant un discours où il a cherché à définir les valeurs qui l’animent. Un discours qui nous révèle une personnalité politique différente à certains égards de celle de ses prédécesseurs à la tête du Parti libéral.
Ce discours est important, ne serait-ce que par le moment où il est prononcé. Siégeant désormais à l’Assemblée nationale, il sera à son titre de chef de l’opposition officielle le principal prétendant au poste de premier ministre, auquel il ne pourra accéder en se contentant d’attaquer la titulaire actuelle de la fonction. Il se doit de proposer une vision de l’avenir de la société québécoise. Il n’a pas tout dit dans ce discours, mais quelques traits importants de sa pensée se profilent, tout comme la prépondérance qu’il accorde à certaines valeurs.
Ainsi, si un mot, un seul, est à retenir pour définir la pensée du chef libéral, ce mot est « liberté », revenu comme un mantra dans cette intervention. Être libéral, « c’est croire au respect des libertés individuelles », a-t-il dit en rappelant que c’est le Parti libéral qui, en 1975, a fait adopter à l’unanimité la charte québécoise aujourd’hui attaquée par le projet de charte des valeurs du gouvernement Marois. Pour qu’il n’y ait pas de doute, il a martelé que jamais il ne marchanderait ou échangerait les libertés pour des votes, laissant entendre, en citant Robert Bourassa, qu’il ne ferait pas un tel commerce même s’il s’agissait de défendre la pérennité de la langue et de la culture françaises.
Cette référence à Robert Bourassa est étonnante car, comme tous les premiers ministres québécois, celui-ci a toujours invariablement cru à ce rôle de premier responsable sur son territoire de la permanence de la langue et de la culture françaises. Certes, M. Bourassa précisait en 1971 que cette défense ne devait pas entraîner pour autant de discrimination envers les autres cultures, ce qui ne l’a pas empêché pour autant de recourir en 1989 à la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits pour maintenir les articles de la loi 101 sur l’affichage, geste vivement condamné comme liberticide par tout le Canada anglais. Cela n’est pas dit comme tel, mais M. Couillard nous laisse croire que, dans des circonstances semblables, il privilégierait les libertés individuelles plutôt que les libertés collectives, contrairement à son prédécesseur. Cela mériterait davantage d’explications.
La conception qu’a M. Couillard de la nation québécoise apparaît également différente de celle qu’avait Robert Bourassa, lui qui a défendu la notion de caractère distinct du Québec en lien avec la nécessité de protéger la culture et la langue française. Pour sa part, le chef actuel du Parti libéral souligne le caractère spécifique que confère le français à l’identité québécoise, mais étonnamment nie par ailleurs les 400 ans d’histoire du Québec, les Québécois étant à ses yeux « tous gens venus d’ailleurs ». Même s’il dit avoir opté pour le concept intégrateur de l’interculturalisme, cette phrase fait davantage référence au multiculturalisme.
Les références à Robert Bourassa que se permet Philippe Couillard lui servent de caution, sans plus. Il serait intéressant de savoir de sa part, lui qui veut reprendre les conditions de l’accord du lac Meech pour signer la Constitution de 1982, si devant l’échec il dirait comme son prédécesseur que, dorénavant et pour toujours, le Québec demeure libre de ses choix. En affirmant aujourd’hui qu’il n’est pas question pour le Parti libéral de choisir entre le Québec et le Canada, il renonce à cette liberté d’action nécessaire à la défense des intérêts du Québec face à un Canada fermé à tout changement. Car ne croyons pas que celui-ci changerait à la suite de l’élection de Philippe Couillard comme premier ministre.
Parti libéral du Québec
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