Loi 101 et écoles: la Cour suprême condamne le subterfuge

Loi 104 - Les écoles passerelles - réplique à la Cour suprême

Selon la Cour suprême, on ne peut passer par les écoles privées non subventionnées pour «acheter» un droit à l'école anglaise. PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

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Le volet le plus important de la politique linguistique québécoise est sans nul doute l'obligation faite aux immigrants et aux francophones d'envoyer leurs enfants à l'école française. Avant la mise en place de cette règle, près de 85% des immigrants au Québec envoyaient leurs enfants à l'école anglaise, une situation qui risquait d'entraîner un déclin du poids démographique du groupe francophone. Depuis 1977, en écartant le libre-choix de la langue d'enseignement, la loi 101 a réussi à renverser cette tendance et une forte majorité des enfants d'immigrants fréquentent l'école française.
La Charte canadienne des droits et libertés, adoptée en 1982, permet d'ailleurs au Québec de restreindre le libre-choix linguistique des francophones et des immigrants. Seuls les anglophones peuvent choisir entre le français et l'anglais.
Évidemment, un tel régime ne fait pas l'affaire de tout le monde, notamment des francophones et des immigrants qui souhaiteraient envoyer leurs enfants à l'école anglaise. On devait s'y attendre, plusieurs d'entre eux ont tenté de contourner les règles de la loi 101. Le défi du Québec est donc de départager les revendications légitimes des cas d'abus.
Pour éviter que cette opération délicate ne dégénère en guérilla linguistique, il faut des règles relativement claires et simples qui permettent aux citoyens de connaître leurs droits. Il n'est pas souhaitable que chaque cas doive être tranché par un tribunal en fonction de critères flous. C'est pourtant ce que la Cour suprême avait suggéré dans une décision de 2005, l'affaire Solski, qui invitait les fonctionnaires du ministère de l'Éducation à procéder à une évaluation «qualitative» de chaque dossier pour vérifier s'il fait preuve d'un «engagement authentique» à cheminer en anglais, un critère qui laisse une large part au choix de personnes qui, justement, n'ont pas droit au libre-choix.
La décision rendue hier ne simplifie pas les choses, mais ne constitue pas une défaite majeure pour le Québec. La Cour invalide une disposition de la loi 101, adoptée en 2002, qui visait à contrer un subterfuge employé de plus en plus fréquemment pour acquérir le droit à l'instruction en anglais.
Certains parents envoyaient leur enfant pour une courte période (un an, parfois moins) à une école anglaise privée non subventionnée, qui n'est pas assujettie à la loi 101. Ils se fondaient ensuite sur une disposition de la Charte canadienne qui garantit la continuité de la langue d'enseignement pour prétendre que cet enfant avait ainsi acquis le droit de continuer dans le réseau public anglophone. La règle adoptée en 2002 indiquait qu'on ne devait pas tenir compte du temps passé dans de telles écoles pour décider si le droit à la continuité de la langue d'enseignement s'applique. Hier, la Cour suprême a invalidé cette règle puisqu'elle empêche l'évaluation «qualitative» requise par la décision Solski.
Du même souffle, cependant, la Cour suprême condamne le subterfuge qui consiste à utiliser les écoles privées non subventionnées pour «acheter» un droit à l'école anglaise. Elle suggère même que le cheminement scolaire de bon nombre des enfants dont le dossier était soumis à la Cour ne serait pas jugé «authentique» selon le critère «qualitatif».
Bref, même si une disposition de la loi 101 a été invalidée, le résultat recherché par l'Assemblée nationale sera sans doute atteint, car l'utilisation des écoles privées non subventionnées à titre de «passerelle» est clairement condamnée par la Cour. La Cour donne même à l'Assemblée nationale l'occasion de refaire ses devoirs, laissant ainsi entendre qu'une exclusion plus ciblée des écoles privées non subventionnées serait compatible avec la Charte.
Loin de donner raison aux parents qui souhaitaient envoyer leurs enfants à l'école anglaise publique, la Cour suprême relance la balle dans le camp du Québec en lui donnant raison sur le principe ? il n'est pas question de revenir au libre-choix de la langue d'enseignement, même pour les plus riches ? mais en exigeant qu'on raffine les moyens utilisés.
Il y aura donc un autre chapitre à l'éternel débat linguistique, mais les principes de base font de plus en plus l'objet d'un consensus.
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Sébastien Grammond
L'auteur est doyen de la section de droit civil de l'Université d'Ottawa.

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Sébastien Grammond is the dean of Civil Law at the University of Ottawa

Professeur de droit à l'Université d'Ottawa. Il a été recherchiste à la Cour suprême et y a ensuite plaidé (en français).





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