Discours inaugural

Marois met l’accent sur l’intégrité

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Gouverner pour tous


Québec — La première ministre Pauline Marois a livré un discours d’ouverture qui fait de la lutte à la corruption sa priorité à court terme, mais d’où émanent des préoccupations sur l’état des finances publiques et de l’économie tandis que les enjeux identitaires sont relégués au second plan.
« Je m’engage aujourd’hui, devant vous, à mobiliser l’ensemble du gouvernement pour faire un grand nettoyage, de fond en comble, jusqu’au bout. Devant la corruption, à partir de maintenant, ce sera tolérance zéro », a déclaré à l’Assemblée nationale Pauline Marois, qui veut que le Québec « redevienne l’une des nations les plus intègres et transparentes du monde ».
Pauline Marois a promis de « gouverner pour tous », de diriger un gouvernement « ouvert, à l’écoute », qui misera « sur ce qui rassemble tous les Québécois, de toutes les origines et de toutes les générations ».
Pour « briser la corruption », le gouvernement déposera dès jeudi le projet de loi 1 pour forcer toutes les entreprises qui souhaitent obtenir des contrats publics de prouver leur probité. Il sera immédiatement suivi par un projet de loi pour instituer un financement essentiellement public des partis politiques et limiter à 100 $ par électeur les dons. Pauline Marois a dit espérer que ces deux projets de loi soient adoptés d’ici la fin de la session d’automne.
En outre, le gouvernement est « à la recherche d’un moyen législatif » pour relever de leurs fonctions des élus municipaux accusés pour des infractions criminelles en lien avec leur charge, a indiqué la première ministre. Il « étudie aussi activement » des façons d’assainir le financement politique dans les municipalités.
Enfin, le gouvernement déposera avant les Fêtes un projet de loi instaurant des élections à date fixe.
Dans la même optique, Pauline Marois a indiqué que son gouvernement proposera de limiter le nombre des mandats cumulés par un premier ministre. En revanche, la première ministre a réagi à l’opposition de certains maires, dont Régis Labeaume : la possibilité de limiter à trois mandats les maires de villes fera l’objet de simples discussions.
Toujours sous la rubrique de la lutte à la corruption, la première ministre a annoncé qu’un projet de loi sera déposé pour créer une agence des transports. « Comprenons-nous bien : la création d’une agence vise à renforcer le savoir-faire de l’État dans ce domaine. Elle sera en mesure de recruter des ingénieurs d’expérience et donc de se doter du savoir-faire nécessaire au contrôle des travaux. Elle sera plus transparente et plus imputable », a avancé Pauline Marois.

Un budget en décembre
En matière de finances publiques, le ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, devrait présenter un budget en bonne et due forme d’ici décembre. C’est du moins le voeu de la première ministre qui, dans son discours, a quand même laissé planer la possibilité que le gouvernement procède plutôt par une déclaration ministérielle ou un énoncé budgétaire. Les fonctionnaires des Finances et du Conseil du trésor travaillent activement à la rédaction d’un budget.
Pauline Marois a affirmé avoir eu « des mauvaises surprises » au lendemain de la dernière élection : une vingtaine de projets d’infrastructure majeurs affichent des dépassements de coûts de l’ordre de 80 %. « C’est complètement inacceptable. Nous allons resserrer les règles de gestion », a-t-elle indiqué. Le contrôle des dépenses est déjà engagé, mais les perspectives ne sont pas reluisantes ; d’autres mesures - des compressions ? - seront nécessaires. « Pour les années à venir, l’écart entre les revenus et les dépenses s’élargit rapidement et deviendra insoutenable si nous n’agissons pas maintenant. Le gouvernement devra prendre d’autres décisions dans les prochaines semaines », a-t-elle prévenu, sans donner de précisions.
« Il n’est pas question de faire comme l’ancien gouvernement et de créer une croissance illusoire en augmentant les dépenses et la dette publiques », a affirmé la première ministre.
Son gouvernement entend stimuler l’investissement privé et la première ministre a promis un groupe d’action ministériel pour ce faire. Il mise sur l’exploitation « responsable » des ressources naturelles et poursuivra une stratégie de développement du Nord. « Le Nord pour tous », a-t-elle dit. Ce qui était une société du Plan Nord sous les libéraux devient un « secrétariat au développement nordique ». Sans équivoque, Pauline Marois a aussi donné son aval à l’exploitation du potentiel pétrolier du Québec.
Création de la Banque de développement économique du Québec, adoption d’une charte du bois, hausse des investissements en recherche-développement sont au menu, tout comme le lancement d’une « stratégie industrielle pour le développement des transports et des énergies propres ».
Au chapitre de la « solidarité », le gouvernement ira de l’avant sans fléchir avec la modification de la taxe santé « en transférant un fardeau fiscal de 400 millions des moins riches vers les plus fortunés ».
En santé, « il n’y a pas de solution magique », a affirmé Pauline Marois, qui a fixé l’objectif que d’ici deux ans, 750 000 Québécois de plus aient accès à un médecin de famille. Elle a promis un livre vert sur la prévention en santé et émis le souhait que « d’ici dix ans, la population québécoise devienne une des nations les plus en forme du monde », notamment en favorisant l’activité physique dans les écoles.
Sur l’enjeu de l’identité, Pauline Marois a confirmé que le gouvernement déposera « une nouvelle charte de la langue française ». Ces changements pourraient ne pas toucher à l’accès au cégep anglais.
Enfin, le gouvernement n’ira pas de l’avant avec la charte de la laïcité ni avec le projet de loi sur la citoyenneté. La laïcité intégrale semble pour l’heure abandonnée. Ces propositions « doivent bénéficier de l’adhésion du plus grand nombre. Le gouvernement a donc décidé de lancer des consultations pour atteindre un point d’équilibre », a signalé la première ministre.
Le chef libéral intérimaire, Jean-Marc Fournier, estime qu’il n’y a rien de ce discours d’ouverture sur l’économie et les finances publiques. « Il y a du monde des affaires qui écoutait ça, probablement des agences de crédit aussi, qui doivent être assez inquiets. » Le chef libéral a aussi accusé Pauline Marois de vouloir lancer « une guerre sur la langue ».
Jean-Marc Fournier a parlé de la « confusion » de la première ministre, qui ne sait si son gouvernement procédera par une déclaration ministérielle, un énoncé budgétaire ou un budget, un mot qu’a aussi employé le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault. « Jamais la Coalition ne va appuyer une augmentation des impôts. […] Je m’attends à ce qu’elle [Pauline Marois] recule », a-t-il dit.
Pour les députés de Québec solidaire, le gouvernement Marois a de bonnes intentions. « Lorsqu’on ne s’en donne pas les moyens, les meilleures intentions du monde risquent de ne pas mener bien loin », a toutefois fait valoir Françoise David. Pour QS, le gouvernement doit taxer davantage les riches, les compagnies minières et les institutions financières.


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