Patrice Boileau
Plusieurs dont moi avaient été surpris de voir Pauline Marois demeurer au sein du Parti québécois, suite à la victoire d'André Boisclair, élu nouveau chef de la formation souverainiste par les militants en novembre dernier. Afin de préserver l'unité des troupes péquistes, peut-être a-t-elle à ce moment noblement décidé d'attendre un peu avant de laisser son poste de députée de la circonscription de Taillon. Si tel est le cas, ce geste aura été tout à l'image de son discours d'adieu prononcé lundi à l'Assemblée nationale ; l'allocution fut empreinte d'une grande dignité et d'honneur.
Ce discours fut en passant très rafraîchissant : rien à voir avec le baragouin de Jean Charest de la semaine dernière devant tous les parlementaires et la population québécoise. Le texte récité par le premier ministre fut rédigé dans un français approximatif et bourré de fautes. Qu'à cela ne tienne! Les représentants des médias l'ont quand même obtenu tel quel. Et dire que le même homme a souligné la journée internationale de la francophonie le 20 mars dernier... Jamais notre institution politique n'a autant été éclaboussée et ridiculisée par un premier ministre ces dernières années.
Pour en revenir à Pauline Marois, serait-ce le départ prochain de sa fidèle amie Nicole Léger qui a précipité les choses? La députée péquiste de Pointe-aux-Trembles a en effet annoncé qu'elle abandonnerait la politique active en juin prochain. On se souviendra que celle-ci avait également souhaité publiquement une course au leadership il y a environ un an, au grand dam de Bernard Landry. Celui-ci avait d'ailleurs sévèrement sanctionné celle qui n'a jamais caché son vœu de voir Pauline Marois diriger le Parti québécois.
Il est certain que « le cœur n'y est plus », lorsqu'on a essayé à plusieurs reprises d'occuper le siège de conducteur du PQ. Servir sous les ordres d'André Boisclair, alors que tous les postes névralgiques de la gouvernance ont été expérimentés, exige une bonne dose d'humilité que madame Marois avait peine à consentir. Sans vouloir mépriser la fonction de député et toutes les responsabilités que cela implique, Pauline Marois souhaitait poursuivre son ascension dans la hiérarchie du Parti québécois et relever l'ultime défi. Elle aura eu l'honnêteté, par son aveu de fatigue, d'exprimer sa déception. Par respect pour les gens de sa circonscription de la rive-sud de Montréal, la députée a préféré laisser sa place.
Peut-être redoute-t-elle également la terrible impasse qui attend le nouveau chef du Parti québécois. André Boisclair est lié par le programme de son parti qui lui impose de tenir « le plus tôt possible dans le mandat » un référendum sur la souveraineté. Pauline Marois sait très bien qu'advenant une victoire serrée du PQ à la prochaine élection, cet engagement sera difficilement réalisable. Or, le moindre signe de recul de la part du leader péquiste face à cette promesse entraînera probablement l'éclatement de la formation souverainiste. La démission de madame Marois serait-elle motivée par le désir d'éviter cette tempête que devra affronter sous peu le parti souverainiste? Sachant qu'elle aurait assurément hérité d'un appareil d'État en lambeaux avec tout le mécontentement collectif que cela suppose, Pauline Marois désirait-elle à nouveau patauger dans cette infecte bouillie provinciale?
J'ai tenté de l'alerter à ce sujet à quelques occasions. Lors du congrès régional de la Montérégie organisé quelques mois avant celui de Québec de juin 2005, j'avais démontré combien il était suicidaire de risquer un référendum sans lendemain face à un adversaire déterminé à le saboter. J'y ai aussi salué la grande sagesse des Québécois qui ne veulent pas mettre ainsi leur avenir en péril, comme le prouvent les sondages depuis déjà trop longtemps. Laisser les gens trancher à l'élection de leur choix, à la majorité absolue des votes, aurait dédramatisé le processus d'accession à la souveraineté. En tournant la page référendaire et le danger d'impasse politique qu'il comporte, les Québécois auraient enfin apprécié l'objectif souverainiste sans obstacle étapiste.
Évidemment, mes arguments ont été rejetés par les poids lourds de l'aile parlementaire. Madame Marois, avec son sourire caractéristique, a alors cherché à apaiser ma déception en soulignant la beauté de l'exercice démocratique qui venait de décider du sort de ma proposition. Convaincu de l'erreur magistrale que le Parti québécois venait de commettre en conservant son dogme étapiste, je devais remettre mon tablier auprès de mon exécutif de circonscription après le congrès national. « Le cœur n'y était plus », pour reprendre la déclaration de madame Marois : je refusais d'être une docile « machine à amasser de l'argent », alors que l'État-major du PQ « maintient le cap », pour citer cette fois un premier ministre à Québec qui refuse d'ouvrir les yeux et de constater que la population ne croit plus en ce qu'il dit. Le Parti québécois pense effectivement que les gens désirent la tenue d'un troisième référendum alors qu'il est pourtant clair que ce n'est pas le cas...
D'autres députés du Parti québécois seraient également tentés d'imiter la députée de Taillon. Des noms circuleraient présentement au caucus péquiste. Louise Harel, Jean-Pierre Charbonneau et François Gendron seraient du nombre de ceux qui réfléchissent présentement sur leur avenir. Le chef André Boisclair a maladroitement prédit que d'autres députés de sa formation quitteraient prochainement. Le ton qu'il a utilisé pour faire cette déclaration en a laissé plus d'un perplexe : l'homme a donné l'impression qu'il se réjouissait de ces départs... Espérons qu'il s'agit là d'une fausse perception et que cette prophétie du nouveau dirigeant péquiste ne fait pas parti de son « plan de match. »
André Boisclair a affirmé dernièrement que le Parti québécois n'est pas « référendiste. » Souhaitons qu'il dise vrai et que ce message suppose bientôt l'annonce de l'abandon de la démarche étapiste, histoire de fermer le caquet à Jean Charest. Ce dernier a compris qu'il donne de l'urticaire aux Québécois en répétant le mot référendum jusqu'à plus soif. Ceux-ci n'en peuvent plus de se faire rappeler qu'ils risquent de s'en faire imposer un autre si le PQ devait reprendre le pouvoir. N'est-il pas mieux de leur offrir le choix entre « la prospérité nationale et la mendicité provinciale », lors du prochain scrutin? Même si la majorité absolue des voix ne devait pas y être atteinte, bien qu'avec l'aide de Québec solidaire tout soit possible, la porte demeurerait ouverte à l'élection suivante de façon récurrente. Surtout, la page référendaire serait enfin tournée. Il serait alors vrai d'affirmer que le Parti québécois s'est renouvelé alors que présentement, cette prétention ne se base superficiellement que sur la jeunesse de son chef et le départ de personnes d'expérience.
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