Dans la course à la chefferie au PQ, les rôles semblaient bien distribués dès le début. Pierre-Karl Péladeau serait le meneur et le gagnant, Bernard Drainville, le bon deuxième, Jean-François Lisée, l’iconoclaste brillant et mal-aimé, Alexandre Cloutier, le jeune premier médiatiquement coopté, Martine Ouellet, la militante de la gauche doctrinaire et écolo, et Pierre Céré, le militant égaré voulant profiter de l’événement pour se faire connaître médiatiquement en se permettant quelques transgressions.
Pour l’essentiel, chacun a joué sa partition correctement. Mais il y a quand même un peu de surprise. À quelques jours de l’ouverture officielle de la course, Martine Ouellet semble avoir volé son créneau à Alexandre Cloutier, qui ne parvient pas à quitter le créneau de la seule jeunesse, ce qui en dernière instance est plutôt mince. Elle a aussi récupéré l’espace politique de Jean-François Lisée, qui était à la fois celui de la gauche de gouvernement et de l’hostilité déclarée à PKP, bien qu’elle ne joue pas cette dernière carte pour l’instant.
Alors qu’on l’imaginait doctrinaire, et représentante de la gauche orthodoxe au sein du PQ, Martine Ouellet se révèle à la manière d’une femme en excellente maitrise de ses dossiers, d’une femme de contenu, si on préfère. Ceux qui la connaissent diront qu’ils n’en sont aucunement surpris. Elle ne manque ni de talent, ni de convictions. On lui prête aussi une grande pugnacité, même si elle semble se complaire dans une certaine rigidité idéologique. C’est peut-être pour cela que ses admirateurs comme ses critiques disent qu’avant d’être une politicienne, c’est une militante. À tout le moins, elle s’est imposée.
Cela ne veut pas dire que son programme soit sans faiblesse. Il ne suffit pas de trompeter son désir de faire l’indépendance dans un premier mandat pour d’un coup créer une fenêtre historique favorable à sa réalisation. Dans cette course, il serait bien triste qu’on fasse passer à chaque candidat un test de pureté souverainiste obligeant chaque candidat à se commettre pour un référendum le plus tôt possible. L’objectif du PQ ne devrait pas être de tenir un référendum à tout prix mais d’en tenir un où le Oui à l’indépendance l’emportera. Cela impliquera, aussi, de porter attention aux électeurs de la CAQ, et pas seulement aux militants d'ON et de QS.
Quoi qu’il en soi, chez les commentateurs, on sent naître quelque chose comme un effet Martine Ouellet. Ceux-là souhaitent une chose: une course qui ne soit pas un couronnement. C’est normal. Mais le désir de suspense ne doit pas nous faire perdre le sens du réel. À moins d’une immense surprise, la vraie place à prendre, dans cette course, n’est pas la première mais la seconde. Et il se pourrait bien que tôt ou tard, Martine Ouellet souffle au cou de Bernard Drainville. Ce dernier s’en inquiète peut-être déjà. Changera-t-il sa stratégie de campagne, qui pour l'instant, se veut moins combative que positive?
Si Martine Ouellet parvenait, au terme de cette course, à la deuxième place, en s’imposant comme la candidate du PQ social-démocrate, elle deviendrait une personnalité politique majeure. Elle qui craint probablement une ouverture trop grande de son parti au «centre-droit», elle pourrait même devenir la gardienne des alliances traditionnelles du PQ avec la gauche syndicale. Cela lui donnerait dans la future équipe péquiste un vrai rapport de force. Chose certaine, il y a bien une course au PQ, quoi qu’ait pu en penser Jean-François Lisée, même si elle n’a pas l’allure d’une course traditionnelle.
Martine Ouellet : la surprise
«Une course à la chefferie qui n'a rien de traditionnel»
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
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