Merci à Stephen Harper

Stephen Harper a fédéré le Québec contre lui.

Chronique de Bernard Desgagné

Merci, Monsieur Harper, d’avoir aidé la nation québécoise à dire clairement ce qu’elle ne veut pas: l’homogénéisation culturelle, le mépris de l’art, l’iniquité entre les sexes, la guerre, le pillage des ressources, la destruction de l’environnement, l’économie du laisser-faire, le modèle américain inefficace de justice pénale, le bilinguisme à sens unique qui oblige des Québécois à travailler en anglais avec d’autres Québécois chez eux, et j’en passe. Les Québécois sont en train de vous renvoyer vos idées et votre modèle de société en pleine face. Ils n’en veulent pas. C’est quand même extraordinaire que vous soyez parvenu à dresser tant de Québécois contre vous.
Nous vivons dans une démocratie où la vraie unanimité n’existe pas. Il y aura toujours des contradictions au sein de la nation québécoise, et c’est bien ainsi. Mais vous, Monsieur Harper, vous êtes imaginé qu’en courtisant les électeurs québécois qui partagent en partie votre vision des choses, vous finiriez par y rallier tout le Québec sans trop qu’il s’en rende compte. Vous avez pris les Québécois pour de vulgaires clients à berner. Vous avez oublié les citoyens et leur capacité de raisonner et de comprendre.
Que vous et vos lieutenants Cannon et Fortier ayez repris sans cesse avec cynisme la même complainte de l’impuissance du Bloc Québécois n’en fait pas pour autant une vérité. Un mensonge répété cent fois demeure un mensonge. Vous savez très bien que la nation québécoise est beaucoup mieux placée pour vous empêcher de mener à bien vos projets de fou maintenant qu’elle s’apprête à envoyer un nombre impressionnant de députés du Bloc Québécois à Ottawa. Et si vous vous entêtez, malgré tout, vous pourriez aussi avoir affaire à Mme Marois avant longtemps. Elle ne viendra pas vous parler à genoux, Mme Marois, mais plutôt comme le chef d’État d’une nation qui aspire à la pleine liberté.
Au milieu de la campagne, lorsque les artistes ont allumé l’incendie qui s’est propagé à tout le Québec, votre ministre du Patrimoine canadien, Josée Verner, aurait pu réaliser un coup de maitre. Elle aurait pu vous convaincre d’annuler les compressions de 45 millions de dollars relatives aux arts. Après tout, n’est-elle pas censée parler au nom du Québec dans le Cabinet fédéral? N’est-ce pas cette possibilité de faire entendre la voix du Québec au sein du pouvoir exécutif que vous et vos lieutenants Fortier et Cannon avez invoquée pour essayer de persuader les Québécois de voter pour les conservateurs?
Malheureusement pour vous, Josée Verner n’est pas parvenue à vous faire changer d’idée. Les compressions sont demeurées. Pire encore, vous les avez justifiées en crachant sur les artistes, que vous avez caricaturés comme des chouchous de l’État se pavanant en robe de gala, alors que les programmes éliminés étaient destinés aux artistes de la relève et de la marge. Josée Verner a ainsi fait la preuve, s’il fallait encore la faire, qu’il est inutile d’élire des députés qui deviendront des potiches au Cabinet fédéral, où seule l’opinion de Stephen Harper compte. Où les idées de la nation canadienne anglaise l’emportent toujours sur celles de la nation québécoise.
Vous avez accusé le Bloc Québécois de se livrer à une campagne de peur, mais vous n’avez jamais répondu sur le fond autrement que par le déni. Votre petit sourire narquois et votre air de suffisance lors des débats des chefs n’ont convaincu personne. Les faits sont têtus, Monsieur Harper, et ils sont contre vous. Vous pouvez les nier en vous moquant, mais la vérité ne peut faire autrement que vous rattraper.
Le Québec vous doit une fière chandelle, Monsieur Harper. Vous avez réussi à fédérer pratiquement toute la nation québécoise. Ça ne s’était pas vu depuis le rejet de l’accord du lac Meech. Même Jean Charest souhaite que vous ne puissiez gouverner comme vous l’entendez. Ce n’est pas peu dire de la part d’un fédéraliste inconditionnel et ancien conservateur.
Maintenant que la nation québécoise sait ce qu’elle ne veut pas, il est possible qu’elle vous dise bientôt ce qu’elle veut: la liberté de se gouverner pleinement, sans plus jamais avoir à élire de sombres valets déguisés en ministres qui vont la trahir à Ottawa.


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