Moins de béton, plus de démocratie

Quand la corruption gangrène l’espace vital de notre citoyenneté

Chronique de Patrice-Hans Perrier

La Commission Charbonneau – enquêtant sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction – prendra des vacances pendant une saison estivale qui s’annonce caniculaire. Et, la chaleur risque de monter sur tous les fronts politiques d’ici septembre prochain.
Le patronage
La nation québécoise se réveille brutalement après trois décennies de néolibéralisme appliqué à toutes les sauces. En effet, après la défaite du premier référendum sur l’indépendance du Québec – et dans le sillage du traitement de choc administré par nos médecins politiques – le citoyen lambda est plus que jamais le dindon de la farce.
Prétextant une relance de l’économie locale, l’équipe Charest a mis en branle une pléiade de chantiers de mise à niveau des infrastructures urbaines et routières qui ressemble à une véritable ruée vers l’OR. Tout en se réclamant d’une philosophie qui ferait grand cas du développement durable, nos dirigeants nous donnent l’impression de vouloir se faire réélire en mettant la table pour des retours d’ascenseurs qui font saliver bien du monde.
Les récentes déclarations de Jacques Duchesneau, ancien responsable
de l'Unité anti-collusion (UAC), jettent de l’huile sur le feu, laissant entendre que nous serions peut-être revenu à la case de départ … à l’époque d’avant la Révolution tranquille, alors que le patronage constituait le modus operandi de tout l’appareillage politique et financier de la «Belle province».
Duchesneau et le chef
Jacques Duchesneau a mené, de son propre chef, une petite enquête qui aura soulevé le voile sur plusieurs pratiques douteuses de financement des partis politiques … et qui aura fait sortir de ses gonds l’avocate du Parti Québécois (PQ). Peu importe que l’ancien policier ait agi en marge de la déontologie : les fameuses notes de cette enquête semblent contenir assez de matière pour terroriser les deux grands partis politiques qui se partagent l’assiette électorale du Québec.
Et, la présente Commission Charbonneau peut tabler sur les 18 mois de l’enquête menée par le principal intéressé pour préparer une rentrée qui s’annoncera corsée. Il semblerait que des vases communicants relient, bel et bien, un nombre considérable d’entreprises de la construction et des grands travaux routiers aux rouages de la collecte de fonds pour les campagnes électorales de notre classe politique. Tout cela a été prouvé à une autre époque, alors pourquoi pas en 2012 ?
Déjà, plusieurs observateurs s’interrogent sur la pertinence d’avoir mis en branle la construction de deux MÉGA-HÔPITAUX universitaires, dans un contexte où le Québec peine à trouver les fonds suffisants pour décontaminer plusieurs de ses centres hospitaliers et administrer leurs salles d’urgence.
Pourquoi ce coup d’accélérateur alors que le ministre des finances, Raymond Bachand, nous a présenté, coup-sur-coup, des budgets d’austérité qui ont fait mal à la classe moyenne depuis 2010. D’ailleurs, il semblerait que le grand argentier mette en doute – au moment de composer ce billet – l’ampleur de certains travaux qui pourraient rencontrer de sérieux problèmes de financement à court termes.
Les dindons de la farce
Nous avons le sens de l’humour au Québec. Toutefois, certaines farces finissent par couper l’appétit. Outre l’augmentation des frais de scolarité, il y a aussi ce fameux «ticket modérateur» qui est suspendu, comme une épée de Damoclès, au-dessus de la tête des usagers d’un système de santé qui traine la patte. Il y a aussi la fameuse taxe sur l’essence qui vient s’ajouter à tout un lot de ponctions administrées aux classes laborieuses.
Dans un contexte où une nouvelle crise économique pourrait éclatée de nouveau, nos dirigeants politiques semblent pressés d’accueillir un maximum d’investisseurs dans le domaine de la prospection minière, gazière ou pétrolière. Tout cela sans oublier la valse des milliards promis pour la réfection des infrastructures routières et la bonification d’une part importante du parc immobilier des institutions de l’état.
L’état, comme les médecins de Molière qui pratiquaient d’abondantes saignées, vide les poches du citoyen lambda et utilise les montants de la ponction pour subventionner des travaux consentis à des entreprises qui … pourraient bien être de généreux contributeurs à certaines caisses électorales. Et, nous ne faisons qu’effleurer la question du financement politique ici … en effet, outre une (certaine) corruption du monde de la construction et du génie conseil, l’ouverture anticipée de nos marchés publics à l’espace de la Communauté européenne fait saliver plusieurs géants français et européens des grands travaux publics.
Moins de béton, plus de démocratie
Que l’argent qui circule dans les caisses des partis politiques soit propre ou sale, cela ne change pas la donne fondamentale. Bien au-delà du financement politique et des accointances entre l’état et certains dirigeants d’entreprise, c’est toute la question de notre philosophie du développement urbain et économique qui reste en suspens. En effet, pourquoi toujours investir PLUS dans le béton, alors que la santé de nos finances publiques et celle des marchés réclament de nouvelles approches.
Le développement durable n’est PAS seulement qu’une affaire de «lessivage vert» de l’argent sale et des pratiques douteuses … c’est, d’abord et avant tout, une nouvelle façon de reconnecter les vases communicants qui oxygènent les relations entre le capital et la classe politique. Quand les citoyens sont ENFIN mis à contribution dans l’agora des décisions de l’état. Alors qu’il faudrait bien instituer une certaine dose de proportionnelles aux élections, mettre fin au système d’un bipartisme qui fait le jeu des oligarchies et convaincre les abstentionnistes de participer à la joute politique.

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Patrice-Hans Perrier181 articles

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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com





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