La commission Charbonneau reprend ses travaux lundi avec l’intention d’en finir avec le volet syndical. La filière du fast track sera-t-elle enfin forcée de s’expliquer ?
Ils auraient été quatre à contrôler le robinet du Fonds de solidarité de la FTQ. Jean Lavallée, Tony Accurso, Guy Gionet et Denis Vincent sont des témoins incontournables pour la commission Charbonneau.
Les audiences qui reprennent lundi, après une pause d’un mois, permettront de voir de quel bois se chauffe la commission. Depuis son élection par acclamation à la tête de la FTQ, Daniel Boyer et son bras droit, Serge Cadieux, ont déploré l’acharnement de la commission sur le cas de la FTQ.
« Je pense que Mme Charbonneau a assez d’informations, au moment où on se parle, pour rédiger un rapport et faire des recommandations », a déclaré le nouveau président, qui a succédé à Michel Arsenault dans un esprit de grande continuité.
« On peut bien s’acharner, et s’ouvrir les veines, et faire témoigner l’ensemble du membership de la FTQ si on veut, mais je pense qu’on a assez d’informations », a-t-il ajouté.
Dans l’esprit du nouveau président de la FTQ, la commission avait assez d’informations sur les dérives à la FTQ-Construction (FTQ-C) au deuxième jour du témoignage de Jocelyn Dupuis.
On apprenait alors que l’ancien directeur général de la FTQ-C était disposé à ouvrir toutes les portes du Fonds de solidarité à ses nouveaux amis des Hells Angels et de la mafia, par souci de contribuer à leur réhabilitation. S’il faut en croire M. Boyer, c’est tout ce qu’il importe de savoir sur les mauvaises pratiques de la FTQ.
Un système de ristournes
À la lumière des écoutes électroniques de l’opération Diligence et du témoignage du promoteur Laurent Gaudreau, il y a encore beaucoup à dire sur la FTQ, et surtout sur le Fonds.
Les écoutes ont montré la grande désinvolture avec laquelle Michel Arsenault, son conseiller politique Gilles Audette et l’actuel p.-d.g. du Fonds de solidarité, Yvon Bolduc, ont géré les dossiers« toxiques »au Fonds. Leur stratégie ? Renvoyer la pression sur les syndicats affiliés, s’organiser pour faire disparaître le nom de Denis Vincent des projets de financement, tout en essayant de garder lesdits projets en vie.
À la commission Charbonneau, un vice-président du Fonds, Gaétan Morin, a vanté les règles de gouvernance de l’institution, précisant que « le risque zéro » (l’imperméabilité totale aux tentatives d’infiltration du crime organisé) était un idéal impossible à atteindre.
Ces fameuses règles de gouvernance semblent aujourd’hui poreuses. Elles n’auraient pas empêché la filière du fast track de contrôler l’accès au Fonds en échange de ristournes. Laurent Gaudreau a goûté à la médecine de cette filière. Denis Vincent, l’émissaire de Jean Lavallée (l’ex-président de la FTQ-C), aurait exigé de lui un pot-de-vin de 250 000 $ pour faciliter le financement de son projet d’une salle de spectacles au pied des chutes Montmorency (le projet Tipi). Le refus d’obtempérer de M. Gaudreau a sonné le glas du projet.
Un enquêteur de la commission, Michel Comeau, a décrit Denis Vincent comme un homme d’influence au Fonds, même s’il ne détenait aucun titre officiel. Ce courtier de l’ombre faisait partie « d’une filière » avec Jean Lavallée, l’ex-p.-d.g. du bras immobilier du Fonds, Guy Gionet, et Tony Accurso.
Vincent, une relation des Hells Angels, parle, sur les écoutes électroniques, de Tony Accurso comme du cofondateur du Fonds avec Louis Laberge. Il se targue d’avoir été du groupe qui a « placé » Michel Arsenault à la tête de la centrale.
Les quatre hommes sont des témoins tout indiqués pour la commission Charbonneau. On sait d’ores et déjà que Denis Vincent a reçu une citation à comparaître, au même titre que Tony Accurso, qui bataille en Cour supérieure pour éviter de témoigner à la commission.
Les Gionet, Lavallée, Vincent et Accurso pourraient permettre de répondre à une question cruciale. Le fast track (ou traitement préférentiel) de certains promoteurs en échange de ristournes était-il anecdotique ou systémique ? Est-ce le fruit de quelques individus déviants ou l’expression d’une déviance généralisée au sein de l’un des plus importants leviers financiers du Québec ?
La nouvelle direction de la FTQ ne veut surtout pas se poser ces questions. Puisque l’opération Diligence a lamentablement échoué en raison de fuites, seule la commission Charbonneau est aujourd’hui en mesure de tirer l’affaire au clair.
Le supplice de la FTQ est loin d’être terminé à la commission Charbonneau.
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