Monde qui rit, monde qui pleure

Crise mondiale — crise financière


Les blogues, groupes de discussion et autres «chats» sur Twitter valent ce qu’ils valent pour s’informer. Mais ils peuvent parfois donner une bonne idée de l’opinion ambiante dans certains pays, certains milieux, certaines générations...
Je suis accablé par la profonde mauvaise humeur — proche du désespoir — qui hante les forums de discussion des lecteurs d’au moins deux de mes quotidiens préférés: Le Monde et le New York Times... Partout, ou presque, domine l’idée d’une crise insoluble, d’un déclin irréversible, de politiciens incapables ou saboteurs. Qu’il soit question de solidarité, de réforme financière, de dégraissage de l’État... ou de la déroute des Bleus au Mondial, l’avenir semble s’écrire en noir sur noir.
Curieusement, je retrouve beaucoup moins de cette neurasthénie «blogo-médiatique» dans le troisième de mes quotidiens favoris, El País de Madrid. Dans un pays, pourtant, qui ne donne pas sa place pour les indices catastrophiques: 20 % de chômage ce printemps, une récession atroce en 2009, avec effondrement du secteur immobilier et renvoi pêle-mêle des immigrants attirés par le boom des années 2002-2007.
Et pourtant... Un titre de la presse madrilène de ce week-end: «Indices améliorés: attention à l’euphorie.» L’euphorie! Tout ça parce que le chômage et les déficits en Espagne ont reculé, en mai, de quelques dixièmes de petits poils de rien du tout!
Erreurs de perspective, ou intuitions justes des tendances historiques? À moins que ce ne soit la bonne tenue de l’Espagne au Mondial!
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Autres continents, autre atmosphère: l’Asie et l’Amérique latine semblent vivre sur une autre planète. Prenons le tout dernier Latinobarómetro, cette grande enquête annuelle qui mesure — à l’aide de 20 000 entrevues menées dans 18 pays — l’humeur des citoyens d’Amérique centrale et du Sud, leur évaluation de la situation dans leur pays et ailleurs, leur perception du reste du monde, etc.
Eh bien, au sud du Rio Grande — et en particulier au sud du Venezuela — l’humeur des Latinos n’a jamais été meilleure. Malgré la pauvreté, les inégalités, la corruption et la violence qui perdurent, l’optimisme des familles moyennes sur leur avenir matériel est en hausse... avec les deux tiers, parfois les trois quarts, des populations nationales qui voient l’avenir en rose — ou en tout cas, pas en noir!
L’optimisme est le plus élevé au Brésil et au Chili, deux pays dont les success-stories économiques ne cessent de surprendre. Le Brésil, par exemple, dont le taux de croissance prévu pour 2010 est de plus de 7 %. Et le Chili, dont l’économie, d’avril 2009 à avril 2010, a crû de... 8,2 %! À comparer avec le malheureux Venezuela d’Hugo Chávez, qui, malgré tout son pétrole (acheté en masse par les États-Unis), se retrouve dans la cave, avec une récession de -5,8 % depuis le printemps 2009. Dur, dur pour un pays qui prétend jouer au leader régional!
Hormis donc ce «mouton noir» bolivarien, l’Amérique latine a les bons chiffres... et le moral qui va avec. Toute une région du monde, qui au XXe siècle nous avait habitués aux putschs, aux dettes insondables et aux sauvetages par les «cousins riches d’en haut»... se ressaisit, prend de la hauteur, et peut désormais nous regarder avec distance. Bravo!
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Toujours sur l’air du «monde qui rit et du monde qui pleure», une dernière observation... euro-asiatique.
Les leaders chinois poursuivent avec une stupéfiante assurance leur construction du «capitalisme autoritaire». Il est assez frappant de constater que Pékin, qui plus que jamais serre la vis aux minorités opprimées, verrouille toute dissidence politique, met à genoux Google et autres Yahoo... se révèle, dans les relations financières de 2010, un partenaire des plus responsables, qui pourrait en remontrer au reste du monde. À commencer par l’Allemagne!
Alors que Berlin, tel un oncle Picsou chagrin et désagréable, reprend le refrain de l’austérité à tout prix, refuse de délier les cordons de la bourse, s’enfonce, devant la grave crise européenne, dans le déni et le repli, Pékin injecte 600 milliards en 2009 pour la relance, fait rebelote en 2010, augmente de 30 % sa masse monétaire en deux ans...
En direct de Pékin, sur fond de crise mondiale: une leçon de capitalisme responsable. Ce pays a décidément de l’avenir.
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François Brousseau est chroniqueur d’information internationale à Radio-Canada. Cette chronique fait relâche pour l’été. Elle reviendra le lundi 23 août.
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francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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