Le siège social de la Caisse de dépôt et placements à Montréal. Archives La Presse
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De toute évidence, les rendements obtenus en 2008 par la Caisse de dépôt et placement du Québec sont très mauvais. Toutefois, bien qu'il ne soit jamais agréable de perdre 25% de son avoir, il faut mettre ce résultat en perspective: les mauvais rendements de la Caisse en 2008 ne font qu'effacer ses bonnes performances depuis 2005.
Au-delà des rendements bruts de la Caisse, il nous faut comparer ces rendements à ceux d'un étalon; c'est-à-dire les rendements que les déposants auraient pu obtenir s'ils avaient investi leurs avoirs ailleurs qu'à la Caisse. C'est en comparant le rendement de la Caisse à cet «indice de référence» qu'on peut discuter intelligemment de la contribution de la Caisse à la richesse de ses déposants.
La question n'est pas tant de savoir si la Caisse a bien ou mal fait dans une année particulière, mais bien si elle a contribué positivement à l'accumulation de richesse de ses déposants par rapport à un indice de référence sur une période de temps relativement longue.
Une analyse des rapports annuels de la Caisse révèle que de 1998 à 2007, sa performance a en moyenne dépassé celle de l'indice de référence; le rendement annuel moyen a été de 8,1% pour la Caisse et de 7,7% pour l'indice de référence. Lorsqu'on inclut l'année 2008, la moyenne des rendements de la Caisse depuis 11 ans a été 5,1% alors qu'elle a été de 5,3% pour l'indice de référence. De toute évidence, la sous-performance de la Caisse relativement à son indice de référence ne peut pas être qualifiée de catastrophique.
Du côté des risques nécessaires à l'atteinte de ces rendements, des calculs simples nous suggèrent que les gestionnaires de la Caisse en ont trop pris. Par exemple, hormis l'année 2007, la Caisse a battu son indice seulement lorsque ce dernier avait un rendement positif. Inversement, la Caisse a affiché une plus faible performance lorsque l'indice avait un rendement négatif.
C'est en comparant le rendement obtenu sur le plan du risque assumé qu'on est à même de juger de la contribution de la Caisse à la richesse collective des Québécois. Et c'est ce qui devrait retenir l'attention des décideurs publics, pas les pertes de la Caisse en 2008, aussi importantes soient-elles. Tenir une commission parlementaire sur les pertes de la Caisse en 2008 équivaudrait à traiter les symptômes d'une maladie plutôt que de s'attaquer à ses causes. Cette approche palliative, aussi réconfortante soit-elle à court terme, ne mènera jamais à la guérison.
Que faut-il faire? On ne parle pas ici des systèmes de justice, de santé ou d'éducation qui sont très complexes. On parle simplement d'argent. On parle de l'épargne des contribuables, de celle des fonctionnaires et du capital de certaines sociétés d'État. Si la Caisse n'est pas capable de générer des rendements supérieurs à ceux des gestionnaires de fonds privés à risque égal, pourquoi devrions-nous, comme futurs rentiers, continuer à lui confier notre épargne, sans appel d'offres?
Tant que les décideurs publics ne seront pas prêts à discuter de la pertinence de conserver un monopole sur la gestion de nos épargnes, nous nous exposons à subir des rendements non seulement qui seront inférieurs à ce qu'on peut obtenir autrement pour le même degré de risque, mais également, et surtout, qui ne seront pas en ligne avec les risques que nous tous, petits contribuables, sommes prêts à assumer. Tout le reste n'est que myopie, gaspillage de temps et règlement de comptes politiques.
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Martin Boyer
L'auteur est professeur et directeur du département de la finance à HEC Montréal.
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