Après l’arrêt de Polonium, sur Paris Première, je n’ai pas misé cher sur la peau de Polony à Europe 1. L’éviction de Thomas Sotto, dont elle s’était payé le luxe de dire du bien alors même qu’on lui avait collé au dos l’écriteau des bannis, était le prélude. La voici elle-même éjectée de la revue de presse qu’elle faisait trop bien, avec trop d’humour et trop d’audience pour que le nouveau maître de la tranche horaire, Patrick Cohen, n’en prenne pas ombrage avant même toute cohabitation.
Cela faisait une semaine qu’elle en parlait. Elle avait demandé que l’on restât discret, en attendant l’ultime round de négociations. Mais Arnaud Lagardère, que l’on sait si compétent dans la gestion de l’empire de papa, a joué au chef.
Que lui fait-on payer ? Peut-être pas ce qu’elle disait sur Europe, qui était de toute façon tributaire de l’actualité — sauf à penser que le pouvoir politique, qui l’amuse ou qui ne l’amuse pas, ou le pouvoir médiatique, dont elle égratignait parfois les belles plumes si rarement prétentieuses, ont décidé de se tenir par la main et de nettoyer tout ce qui ne « marche » pas à à l’uniçon, comme le « mur du çon » cher au Canard.
Résumons. Pujadas — pourquoi Pujadas, sinon parce que Delphine Ernotte, qui se sentait sur siège éjectable, voulait faire un sacrifice au nouveau pouvoir en espérant dévier la foudre jupitérienne — a été viré de France 2 alors que son Journal progressait nettement, et avait rattrapé celui de TF1. Polony, qui n’aura plus les divans de Paris Première pour y distiller un peu d’intelligence dans un monde de brutes. Moi-même, remercié par le Point.fr pour incompatibilité politique — alors même qu’ils affichaient depuis trois ans, sous mon nom, ma proximité avec NDA. Il y en aura d’autres. La démocratie est en marche. Mais si l’on tente d’éliminer tous les souverainistes de France, de NDA à Mélenchon, cela va faire du monde. Quant à prétendre qu’aimer la langue et la culture françaises c’est entrer dans le point Godwin…
Le plus drôle, c’est que l’on fait surtout payer à Polony les gentillesses qu’elle écrit hebdomadairement dans le Figaro. Billard indirect. Que voulez-vous, la bêtise n’est pas son fort, et par les temps qui courent, c’est un défaut capital : la preuve, on va chercher Patrick Cohen, l’homme qui sur France Inter tenait absolument à faire dire à NDA qu’il s’était fâché avec moi. Ou qui avait jadis reproché à Frédéric Taddeï, qui est un vrai homme de télé, lui, d’inviter des « cerveaux malades » — ce qui lui avait valu déjà il y a quatre ans d’être traité de « censeur des ondes officielles d’Etat ». Le même Patrick Cohen a tenté en 2015 de faire virer Yann Moix du Figaro, pour une chronique qui lui déplaisait. Petite pointure.
Mais voilà, au Figaro, pour le moment, ils la gardent — après tout, boulevard Haussmann, ils votaient plutôt Fillon, et ils ne se sont ralliés que du bout des dents à Napoléon IV. Elle aura encore pour quelque temps l’occasion de décrypter la politique. Ce qu’elle fait très bien, au passage, sur Polony.tv — l’essayer, c’est l’adopter. Certains ont les dents longues, elle, elle a la canine aiguisée.
Allez, ma chère, vous voici avec un peu de temps libre — pas trop, j’espère, il faut bien vivre, et de surcroît on a besoin de vous. Il ne vous reste plus qu’à user de votre talent pour écrire ce roman des médias qui sera le Bel-Ami du XXIème siècle, le genre qui se croit beau gosse irrésistible, qui a plus ou moins raté ses études, conquis la radio et la télé au prix de cabotinages ou de vulgarités satisfaites — les modèles sont si nombreux que l’embarras du choix vous guette.
Jean-Paul Brighelli
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