À l’origine des religions, le mythe comme révélation

Noël déconstruit

Religion et laïcité à la lumière des écrits de Fernand Couturier

Tribune libre

En cette période de Noël, ils est bon de s’interroger sur le sens originel du christianisme. À cette fin, le remarquable essai de Fernand Couturier, Mythes Religions Laïcité - Une aire de libertéi est tout à fait recommandé.


Le mythe d’origine du christianisme


Le christianisme s’inspire d’un mythe païen très ancien et universel. Plusieurs millénaires avant J.-C., les Égyptiens vouaient un culte au dieu Horus appelé Christ, né le 25 décembre d’une vierge et mort crucifié. Son histoire est presque identique à celle de Jésus-Christ. Krishna en Inde (1400 av. J.C.) et Mithra en Perse (500 av. J-C) reproduisent le même mythe. Plusieurs religions païennes vouent un culte à un Dieu ou Fils de Dieu sauveur du mondeii.


Le personnage mythique de ces religions représente le soleil (dieu signifie lumière) source de vie qui s’incarne parmi les humains pour les faire participer à sa gloire libératrice et salvatrice. Cette gloire se manifeste par le renouvellement constant de la lumière et de la vie, le jour succédant à la nuit et le solstice d’hiver (vers le 25 décembre) au solstice déclinant de l’été.


La vérité derrière le mythe


Le mythe sert de parole de vérité, ce que les philosophes appellent le logos. Cette parole commence par l’écoute attentive des phénomènes de l’univers qui nous parlent en se manifestant. Elle se poursuit avec leur révélation par la parole humaine sous la forme symbolique du mythe. L’avantage du mythe par opposition au dogme c’est de garder le mystère ouvert à l’intuition créatrice.


La parole ainsi libérée vient donner du sens à l’univers. C’est pourquoi la parole est associée à la création de l’univers comme dans le premier verset de l’Évangile de Jean : «Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu.»


Pour les philosophes (Héraclite, Heidegger), « l’Un est tout », c’est-à-dire que toute chose révèle le mystère de l’être en général. La parole est la prise en charge et la révélation graduelle du mystère de l’être.


Des faits troublants


C’est alors qu’apparaît dans l’histoire le Messie des Hébreux. Mais à la différence du Christ païen celui-ci n’est pas seulement mythique et symbolique mais un personnage historique réel. Le pouvoir évocateur du mythe se trouve figé dans le personnage de Jésus, son message et le dogme qui s’ensuit.


Mais ce n’est pas le seul problème. L’histoire de Jésus ne correspond pas aux faits historiques. D’abord Jésus faisait partie d’un mouvement messianique juif initié par Jean-Baptiste, visant à libérer le peuple hébreu et à instaurer le règne de Dieu sur terre. Mais les historiens de l’époque n’en font même pas mention. Et ce n’est que le début des inconsistances.iii


C’est Saül de Tarse ou Saint Paul qui a donné le coup d’envoi au christianismeiv. Ce Juif d’allégeance romaine a d’abord combattu le mouvement de Jésus et ses disciples. Puis dans un retournement «miraculeux», Paul a réalisé le potentiel de fonder le mythe christique païen sur le personnage historique de Jésus. Le mythe païen devient alors un personnage réel auquel on peut s’identifier facilement mais revêtu d’un caractère divin comme dans les autres religions païennes. Ceci constitue un rejet formel du judaïsme alors que Jésus s’inscrivait dans la continuité de la Loi juive.


Les évangiles qu’on dit révélés ont repris cette interprétation à la suite des Épîtres de Paul écrites dans les années 50 : Marc vers 70, Mathieu vers 80, Jean 90 à 100, et Luc 90 à 125v. Toutes les autres interprétations sont devenues hérétiques et réprimées dont le gnosticisme, plus fidèle au mythe originel.


Le mouvement nazaréen de Jésus a continué séparément sous la direction de ses frèresvi : Jacques lapidé en 62, Simon crucifié en 106, et peut-être Jude ensuite. Le mouvement s’est dissipé après la répression sanglante de la révolte juive de Simon bar Kosiba par les Romains (132-135).


Les conséquences


Que révèle cette démystification de Fernand Couturier sur notre civilisation? Le culte chrétien a dès lors restreint le logos ou parole libératrice sur le mystère de l’univers. Seule l’interprétation contenue dans le dogme est autorisée. Le pouvoir religieux s’est bâti sur le monopole de cette interprétation. La parole libératrice est confisquée au profit des classes dirigeantes et leurs médias de propagande. Mais cette parole est-elle toujours inspirée?


D’abord le christianisme, le judaïsme et l’islamisme s’inspirent en grande partie de l’Ancien Testament. Or la Genèse attribue les malheurs de l’humanité à la faute originelle. Ce texte est le travestissement d’un mythe sumérien d'environ 2900 ans av. J-Cvii. Il s’agit d’une belle excuse pour culpabiliser le commun des mortels, et le réduire à la servitude envers les représentants du Sauveur.


Il se dégage de cette vision que l’être humain est foncièrement mauvais. Le pouvoir a le devoir de le réprimer. C’est le régime du puritanisme et le catholicisme tend à lui ressemblerviii. Le pouvoir s’érige en justicier au nom de Dieu. Mais que faire si le pouvoir est corrompu? Pas de problème, c’est déjà prévu puisque tout le monde est pourri. C’est la grâce de Dieu qui décide de votre salut et non votre mérite. Et si vous vous en tirez avec ça, c’est manifestement que vous êtes un élu de Dieu.


C’est le régime idéal pour exploiter son prochain. C’est aussi une recette pour le chaos et l’enfer sur terre. Mais la démocratie et le libéralisme sont là pour défendre vos droits : c’est ce qu’on vous dit. Ainsi la Charte canadienne des droits proclame la liberté de conscience mais déclare dans le préambule : «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit».


Ces principes sont contradictoires. Comment peut-on imposer la suprématie de Dieu s’il y a liberté de conscience? Cette liberté est de la foutaiseix. Ce qu’on appelle démocratie est une théocratie et la religion est un moyen parmi d’autresx de la classe dirigeante pour diviser et manipuler les masses.


Il faut alors vous poser la question suivante. Croyez-vous que vos dirigeants agissent au nom de grands principes et pour votre bien? Sinon, constatez-vous que tout se dégrade, que le chaos s’installe, que vous êtes menés comme du bétail à la ruine, la servitude et l’abattoir?xi Selon votre réponse, vous avez le choix de croire les dogmes auto-proclamés du pouvoir ou bien assumer votre liberté et votre responsabilité.


Face au dogmatisme intransigeant des religions, aux violences et chaos qu’elles engendrent, à l’absence de consensus social et à l’exploitation éhontée que font les pouvoirs de cette situation, il n’y a qu’une seule solution et c’est la laïcité.


Faut-il pour autant effacer le passé religieux? Les valeurs héritées de ce passé font partie de la culture majoritaire, et le mythe comporte une part de vérité universelle. Encore faut-il reconnaître le côté mythique de la religion sous peine de fausse représentation, la limitation du pouvoir religieux à un rôle de conseiller, la tolérance religieuse et le respect des valeurs de la majorité. Comme dans le mythe originel, il suffit de s’ouvrir à la parole libératrice pour rechercher la vérité, la vertu et l’équilibre.


Le paradis sur terre est un projet à bâtir par une implication active. Il ne peut venir de pouvoirs qui profitent du chaos, de la misère et de la mort. La laïcité est seule garante de cette liberté et de cette responsabilité.


Conclusion


Ainsi l’histoire du Messie chrétien est basée sur un mythe universel et très ancien. Ce mythe exprime le mystère de l’univers qui se dévoile par la parole humaine. Cette parole ou logos vient de l’écoute de l’être universel qui se manifeste dans toutes les formes de la réalité.


Le christianisme incarne ce mythe dans un personnage mais le récit ne résiste pas à l’examen des faits. En réalité, les religions principales ont figé le mythe dans des dogmes qui servent à justifier le pouvoir des classes dirigeantes. La laïcité est plus près de la vérité féconde des mythes religieux que les cultes organisés. C’est donc la solution à privilégier dans le respect du cheminement de la majorité.



iMythes Religions Laïcité, - Une aire de liberté, Essai, Fernand Couturier, Fondation littéraire Fleur de Lys, Lévis, Québec, 2016, 244 pages, Édition PDF gratuite.




iiId., pp. 21-28.




iiiId., pp. 94-142.




ivId., p. 93




vId., pp. 86-90.




viId., p. 92




vii Pierre Jovanovic, Le mensonge universel "Le texte sumérien qui a servi à composer le jardin d'Eden et comment il a été modifié par l'auteur de la Bible pour nous culpabiliser", Le Jardin des Livres, 2007, Édition en ligne




viii Miles Christi, François, Pape du Monde et de la Synagogue, 2016, Édition en ligne






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1 commentaire

  • Michel Matte Répondre

    24 décembre 2017

    Je ne doute pas que le message chrétien a une grande valeur et qu'il a façonné notre civilisation. Et Jésus (Yehoshua en hébreu) était un réformateur sincère.


    Ce qui est en doute c'est la réalité historique du personnage tel que décrit. Ainsi Origène, un des Pères de l'Église les plus infuents, ne croyait pas à l'afffirmation littérale d'un «Christ crucifié».  Et saint Augustin dans la Cité de Dieu, «Il y a bien des choses vraies qu'il n'est opas utile au vulgaire de connaître; et d'autres qui sont fausses mais que les gens devraient croire.» (Cités dans F. Couturier, op. cit. pp. 40-42)


    On peut croire au dogme tel qu'enseigné mais il faut aussi tenir compte que cet enseigement véhicule aussi celui de l'Ancien Testament et de la faute originelle.  Quelque soit l'intention des premiers chrétiens, il semble que leur message a été détourné pour justifier l'exploitation du prochain, ce qui se retrouve dans l'idéologie anglo-sionste.