On a beau avoir l'habitude de voir la fête de Noël poussée sous le tapis au nom de la rectitude politique, celle-là on ne l'avait pas vue venir: la Société de développement de l'avenue Mont-Royal nous souhaite... «Joyeux décembre». Oui, vous avez bien lu: Joyeux... décembre.
L'idée des braves marchands du Plateau Mont-Royal est de n'offenser personne, au cas où il se trouverait quelque part un sikh ou un tamoul qui se sentirait blessé par la mention d'une fête célébrée par 90% des citoyens du Québec.
À la SDAMR, on se veut «inclusif». C'est le cas de le dire. Plus inclusif que ça, tu meurs, ou alors, pour paraphraser le président de la SSJBM, tu deviens tellement inclusif que tu finis par t'exclure toi-même.
Admettons, pour les besoins de la discussion, que Noël soit devenu un mot tabou. Mais alors, pourquoi ne pas dire, comme on le fait presque partout, en France aussi bien qu'ici ou ailleurs en Amérique du Nord, «Joyeuses Fêtes»?
C'est parce que le mot «Fêtes», tout neutre soit-il, n'est pas encore assez inclusif! En décembre, en effet, il n'y a sauf erreur que deux fêtes religieuses: le Noël des Chrétiens et la Chanukah des Juifs, qui a lieu entre la fin novembre et la fin décembre. Il n'y a pas de fête musulmane en décembre, pas plus d'ailleurs que de fête hindoue, bouddhiste ou autre.
J'ai grand'peine à croire qu'il se trouve dans le Plateau un seul musulman qui se serait senti offensé par la référence aux «Fêtes» de décembre, mais il faut croire qu'à la SDAMR, le principe de précaution est tel qu'on devancera même les désirs les plus enfouis dans l'inconscient.
On veut bien croire que dans la société distincte du Plateau, on ne fait rien comme ailleurs, mais cette absurde rectitude politique est dangereusement contre-productive, car elle tourne en ridicule les nécessaires vertus de tolérance et d'ouverture. À force d'exagérer et de tomber dans l'excès de zèle, on finit par dégoûter les gens du pluralisme et donner raison aux xénophobes de tout acabit.
Noël, une fête chrétienne? Évidemment. Mais c'est aussi une fête mondiale. Un ami, habitué du Vietnam, me dit que dans ce pays partagé entre le bouddhisme et le communisme, la période de Noël est l'occasion de grandes célébrations sociales et commerciales. L'un de mes proches, juif celui-là, se rappelle le plaisir qu'il avait à chanter les «Christmas carols» dans son école primaire publique américaine. Ses parents ne célébraient pas Noël, mais pour participer à l'euphorie générale, ils faisaient un «arbre de Noël» à la maison.
Mais le Plateau nous réservait d'autres surprises. Le courriel portant la carte de voeux électronique de Richard Bergeron, le chef musulman (converti) de Projet Montréal, s'intitule «Joyeux Noël»... un énoncé fort audacieux à notre époque où les chefs politiques se feraient couper en petits morceaux plutôt que de se faire photographier à côté d'un sapin de Noël.
La carte, toute passéiste, traduit cependant fort bien le programme de Projet Montréal, le parti au pouvoir dans le Plateau. Elle représente une rue enneigée, à la fin du XIXe siècle. Deux carrioles tirées par des chevaux, quelques piétons déambulant, entre des bancs de neige gigantesques, sur une chaussée où nulle souffleuse ne passera...
Voilà la parfaite illustration du rêve des édiles du Plateau: un village du bon vieux temps, un Val-Jalbert montréalais d'avant les autos, les déneigeuses et les fléaux de la modernité!
Cela dit, cher lecteur, permettez-moi de vous souhaiter en toutes lettres un très Joyeux Noël.
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