Notre-Dame versus gilets jaunes: le faux départ du président Macron

267551d483697ad4b929961eb2917768

Macron dans de sales draps face à une France en colère


Et c’est alors qu’un incendie est venu tout chambouler. Et pas n’importe quel incendie. Celui de la cathédrale Notre-Dame, qui symbolise l’âme de la France. Lundi soir, le pays tout entier s’apprêtait à écouter les propositions que devait égrainer le chef de l’État en réponse aux gilets jaunes. Des propositions qui faisaient suite à un grand débat qui n’a cessé de s’éterniser. Ce devait être l’« effet waouh ! », comme disent les spécialistes du marketing politique. Il devait y avoir un avant et un après. Et voilà que le sort a fait voler en éclats tous les plans des stratèges de l’Élysée, reportant sine die un moment de vérité tant attendu.




Après avoir songé à une entrevue télévisée ou à une lettre aux Français, vendredi, le président a opté pour une conférence de presse, la première de son quinquennat, jeudi prochain en fin de journée. En attendant, on se perd en conjectures sur la façon dont le président pourrait reprendre la main après cinq mois de manifestations hebdomadaires qui ont littéralement mis le gouvernement au pied du mur et durant lesquels toutes les grandes réformes ont été suspendues.


Photo: Christophe Petit Tesson Agence France-PresseLe président Macron a remercié jeudi les pompiers et autres secouristes parisiens pour leur travail mené depuis lundi soir.

Plusieurs se demandent notamment comment l’incendie de Notre-Dame et l’émotion qu’il a suscitée pourraient modifier la stratégie présidentielle. Chose certaine, « la séquence ne pourra plus être la même après ce qui s’est passé. On va réajuster le dispositif », confiait au Figaro un proche de l’Élysée. « Ne nous laissons pas prendre au piège de la hâte. Je sais l’espèce de fausse impatience selon laquelle il faut réagir à chaque instant », a d’ailleurs averti Emmanuel Macron. Un choix apprécié par 54 % des Français qui estiment que, de toute évidence, une trêve s’imposait après l’incendie de Notre-Dame.


Le saupoudrage habituel ?


Il fallait s’y attendre, les propositions diffusées sous embargo à la presse une heure ou deux avant l’intervention prévue ont aussitôt fuité. Même si elles semblent plutôt bien reçues, il est difficile de ne pas les trouver relativement banales à côté de la solennité qui a entouré l’intervention du président après l’incendie. Selon un sondage Odoxa, les baisses d’impôts pour les bas revenus et la réindexation des petites retraites sont plébiscitées par les Français. De même que la suspension des fermetures d’écoles et d’hôpitaux d’ici la fin du quinquennat. Mais, fallait-il un grand débat pour cela ?


Par contre, le refus de revenir sur la suppression de l’impôt sur la fortune est critiqué par 76 % des répondants. Surprise, les Français ne sont pas favorables à la suppression de l’École nationale d’administration (ENA) pourtant souvent identifiée à un lieu de reproduction des élites en vases clos. Pour la plupart des observateurs, on est cependant loin de ce que le premier ministre Édouard Philippe avait annoncé comme des mesures « puissantes ». Plusieurs n’ont pas hésité à parler de « mesurettes » et du « saupoudrage habituel ».


Photo: Geoffroy Van Der Hasselt Agence France-PresseL’incendie a probablement été déclenché par un court-circuit électrique, a révélé jeudi un responsable de la police parisienne.

Avec une cote de popularité qui stagne autour de 30 % d’opinions favorables, Emmanuel Macron se bute au fort scepticisme des Français. Il faut dire qu’en matière de réduction d’impôts, les mesures annoncées jusqu’ici n’ont pas toujours été suivies d’effets véritables. Ainsi, la défiscalisation des heures supplémentaires annoncée en janvier n’a finalement été que partielle. Les suppressions de la taxe d’habitation et d’augmentation de cotisations sociales (CSG) sur les petites retraites ont été décalées dans le temps. Bref, face aux gilets jaunes, Emmanuel Macron semble toujours en retard d’un temps. Ainsi ceux-ci ont-ils pris tout le monde par surprise en allant manifester à Roissy alors que l’Assemblée nationale s’apprêtait à voter en douce la privatisation des aéroports de Paris.


« Le fil de notre projet national »


Selon le vice-président des Républicains, Damien Abad, « le grand débat accouche d’une souris démagogique pour masquer l’absence d’annonces fortes contre les fractures territoriales et le ras-le-bol fiscal ». D’autres analystes estiment que le président n’a toujours pas tranché entre une stratégie qui viserait à corriger un problème de l’offre, comme le laissait penser sa réforme du Code du travail, ou un problème de la demande, comme le laissaient croire les annonces faites dans la précipitation en janvier afin d’augmenter le pouvoir d’achat des plus défavorisés.



Ne nous laissons pas prendre au piège de la hâte. Je sais l’espèce de fausse impatience selon laquelle il faut réagir à chaque instant.




Il est pourtant difficile d’imaginer que le président accepte de se retrouver dans le camp de l’Italie et en contradiction radicale avec la politique poursuivie par l’Allemagne et l’Union européenne. Une union dans laquelle il est par ailleurs de plus en plus isolé, notamment sur les délais du Brexit, et où ses appels à une « renaissance » et à une « Europe sociale » ne sont guère entendus.

 

Maître du « en même temps », Emmanuel Macron n’est pas le spécialiste des grandes ruptures. Dans une tribune sur Facebook, l’ancienne gilet jaune Ingrid Levavasseur l’accusait de « jouer à l’illusionniste ». En matière de communication, certains estiment que le président a « grillé ses cartouches ». D’autres voient plutôt dans l’élan de solidarité actuel et son appel à « retrouver le fil de notre projet national » une chance pour le président. 31 % des Français n’ont-ils pas exprimé leur intention de participer à la souscription destinée à reconstruire la cathédrale ? « Le coup porté à Notre-Dame peut provoquer cette mobilisation qu’il appelle de ses voeux, écrit l’éditorialiste Michel Garibal sur le site Atlantico. À condition qu’il dise clairement où il veut conduire le pays. Il dispose à nouveau d’un crédit, mais qui reste très limité dans le temps. » La réponse jeudi prochain.




-->