STAGIAIRES ÉTRANGERS

Offensive française à Ottawa

Près du tiers des étudiants français ont annulé leur séjour au Québec

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Quand des politiques bêtes détruisent des liens

Un programme d’échange « historique » entre la France et le Québec bat de l’aile à cause de règles imposées par Ottawa : près du tiers des étudiants français qui devaient faire un stage au Québec ce printemps ont annulé leur séjour en raison de changements dans l’attribution de visas annoncés par le gouvernement canadien, a appris Le Devoir.

Entre 25 % et 30 % des 1000 stagiaires français qui devaient séjourner au Québec sont restés chez eux, selon les Instituts universitaires de technologie (IUT) français. Un représentant des universités françaises se trouve en mission à Ottawa pour convaincre le gouvernement Harper de renoncer aux changements dans l’attribution de visas, qui ont eu l’effet d’une « catastrophe » sur l’offre de stages ce printemps.

« On dit aux étudiants et à leurs parents : “engagez-vous, prenez un stage au Québec”. Mais si les règles changent sans préavis comme c’est arrivé, on perd la face », a confié au Devoir Stéphane Lauwick, vice-président de l’Assemblée des directeurs des Instituts universitaires de technologie (ADIUT).

Partenariat historique mis à mal

Outrée par les nouvelles règles imposées par le gouvernement Harper, l’organisation qui regroupe les universités françaises a « remis en question » au début de l’année 2015 le partenariat « historique » entre les IUT et les établissements d’enseignement du Québec. Ce partenariat entre la France et le Québec pour les échanges de stagiaires date d’une vingtaine d’années. « Dans l’état actuel, les stages de l’an prochain sont compromis, oui », dit Stéphane Lauwick, rencontré lundi à Montréal.

Le « rayonnement du Québec à l’étranger » est en jeu, ont prévenu les ministres Christine St-Pierre et Kathleen Weil dans une lettre adressée le 26 mars au ministre fédéral de la Citoyenneté et de l’Immigration, Chris Alexander. « […] vous comprendrez la confusion et les inquiétudes suscitées auprès de nos partenaires, qui auront pour effet de limiter la venue de stagiaires et de stagiaires de recherche au Québec », ont précisé les ministres du gouvernement Couillard.

Le représentant des 113 IUT français doit se rendre à Ottawa pour rencontrer ce mardi un sous-ministre adjoint à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Il tentera de convaincre le ministère de renoncer aux changements imposés en toute hâte aux règles d’attribution de permis de travail pour les stagiaires étrangers qui séjournent au Canada. En février dernier, moins de deux mois avant le début des stages, Ottawa a annoncé sans préavis que les entreprises qui accueillent un stagiaire étranger doivent payer des frais de 230 $ par visa, en plus de remplir un long formulaire en ligne. Ces complications en apparence banales ont refroidi les ardeurs d’entreprises québécoises qui ont remis en question la présence de stagiaires français qu’elles s’étaient engagées à encadrer.

Les Canadiens d’abord

Ottawa ne s’en cache pas : ces mesures visent à favoriser l’embauche de stagiaires canadiens d’abord et avant tout, fait valoir Citoyenneté et Immigration Canada. Le gouvernement Harper a resserré les règles d’attribution de permis de travail pour les stagiaires dans le cadre de sa réforme des travailleurs temporaires étrangers, qui complique l’embauche de main-d’oeuvre étrangère.

Le problème, c’est que les stagiaires étrangers sont des étudiants et non des travailleurs, fait valoir Anne-Marie Lemay, coordonnatrice de la mobilité internationale à la Fédération des cégeps. « La majorité des stagiaires étrangers ne sont pas rémunérés et ils retournent chez eux après deux ou trois mois. On comprend l’esprit de la réforme du programme de travailleurs temporaires étrangers, mais les stagiaires étrangers devraient être exemptés de cette réforme. Ils n’occupent ni un stage ni un emploi destinés à un travailleur canadien », dit-elle.

La Fédération des cégeps, Collèges et Instituts Canada (qui regroupe 137 établissements au pays) et les IUT français demandent que les stagiaires étrangers soient exemptés des nouvelles règles pour les permis de travail. Ils soutiennent qu’Ottawa a réagi trop vite et de façon inappropriée en mettant les stagiaires dans le même bateau que les travailleurs étrangers. Un geste lourd de conséquences pour les relations privilégiées entre la France et le Québec.

« Cet hiver, c’était la commotion. Ce n’est pas sérieux, ce qui s’est passé. On est des partenaires historiques avec la France », dit Anne-Marie Lemay, de la Fédération des cégeps.

« Il y avait trop d’incertitude. On a conseillé aux étudiants de ne pas partir. Ils ont dû trouver des stages en France à un moment où ce n’est pas très simple, dit Stéphane Lauwick. Un non [pour un stage au Québec] en décembre ou au début de janvier, ça va. Mais quand cette information arrive le 15 mars, c’est une catastrophe. » En France, 25 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage. Pas évident de trouver un stage dans ces conditions, souligne-t-il.

Le représentant des IUT français arrive au Québec et à Ottawa avec un message précis : en France, les stages, c’est du sérieux.

Et le partenariat de longue date avec le Québec répond tant aux besoins des établissements français qu’à ceux des entreprises québécoises. « Pas de stage, pas de diplôme. Le stage doit se faire dans une vraie structure reconnue. On a une assurance de qualité et de professionnalisme avec les cégeps », explique Stéphane Lauwick.


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