On aimerait vous entendre, Fatima Houda-Pépin

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Censurée par le PLQ

Il y a plusieurs jours, je ne me rappelle pas quand exactement, une lectrice m'a appelée à la salle de rédaction pour me poser une question. «Savez-vous, vous madame Lortie, ce que pense Fatima Houda-Pépin de la Charte?»
J'ai été obligée de lui répondre que non, que c'était une très bonne question et que j'allais appeler la députée libérale de La Pinière, pour lui demander. J'ai pris ça en note. La question a été posée par d'autres. Et puis ça m'est revenu en tête ces derniers jours, en entendant les Janettes parler de leur crainte de voir les acquis égalitaires québécois minés par le retour du religieux dans la sphère publique.
Le débat évolue. Qu'en pense la seule députée musulmane de l'Assemblée nationale, me suis-je redemandé? Qu'en pense celle qui n'a jamais hésité à dénoncer l'intégrisme islamique, qui s'est battue contre l'arrivée de la charia ici, celle qui a déjà écrit dans La Presse qu'elle n'arrivait pas à comprendre «l'indifférence des pouvoirs publics» devant la radicalisation des communautés musulmanes canadiennes?
Mme Houda-Pépin est d'une grande lucidité.
N'est-ce pas elle qui a écrit, ici encore, dans ces pages: «Lorsqu'on observe la montée des extrémismes religieux et les menaces qu'ils font peser sur des acquis gagnés de haute lutte, l'égalité entre les hommes et les femmes notamment, on ne peut rester silencieux.»
J'ai tenté de parler à la députée. Malheureusement, Mme Houda-Pépin m'a fait savoir, par une adjointe, que sur les questions touchant la Charte, je devais m'adresser à Philippe Couillard, chef du parti, ou encore au porte-parole officiel du PLQ dans ce dossier, Marc Tanguay.
Dommage.
J'aimerais l'entendre. La voix de Mme Houda-Pépin est importante.
Car ses propos ne touchent pas uniquement les questions d'égalité.
Femme politique d'expérience, maintes fois diplômée, d'origine marocaine et musulmane, Mme Houda-Pépin est une de celles qui peuvent répondre avec crédibilité à la nouvelle vague de questions que plusieurs se posent, dans le cadre du débat sur la Charte, sur l'évolution de la place de l'islam au Québec.
Car, en effet, on dirait que maintenant que les Janettes ont brisé un certain tabou en osant être pro-Charte, en s'exposant à des accusations d'intolérance par l'expression d'un certain malaise par rapport aux symboles religieux, d'autres questions surgissent.
Ceux qui se taisent depuis le début des discussions, car ne pas être férocement anti-Charte pourrait être perçu comme intolérant, raciste, islamophobe, ceux qui ne sont pas péquistes ou nationalistes et n'osent donc pas dire qu'ils ne trouvent pas ce projet de légiférer sur la laïcité totalement horrible, commencent à parler un peu plus.
J'en ai entendu deux hier.
«Ta défense de la Charte est trop douce», m'a dit un joggeur d'origine égyptienne avec qui je courais à Verdun. «Lâche les questions féministes. La question est beaucoup plus vaste», a-t-il ajouté. Le "problème" dont le Québec doit discuter, selon lui, c'est la tendance, c'est la mouvance, c'est le fait que la religion islamique, avec son code moral imposé aux hommes et aux femmes et ses requêtes spéciales à la société locale, avance petit à petit grâce aux efforts des plus radicaux d'entre eux. «Jamais ça ne recule», note-t-il, rappelant comment il a vu l'Égypte se transformer de la modernité vers le conservatisme moral.
En arrivant à la maison, après la course, message d'une amie d'une amie: «Bravo pour ton analyse féministe du débat sur la Charte. Mais tu devrais parler à mon mari, il est encore plus pro-Charte que moi.» Pourquoi? Parce que lui aussi arrive du Moyen-Orient et craint les intégristes qui sont derrière les demandes religieuses ici. «S'ils gagnent cette petite bataille, ils vont demander plus encore, m'a expliqué cet homme que j'ai joint au téléphone. Oui, le féminisme est important. Mais la menace est beaucoup plus grave.»
Chez les deux hommes qui ne se connaissent pas, les mêmes mots reviennent. "Menace", "radicalisation", "conquérir". Et tous les deux disent la même chose des Québécois. «Naïfs, trop généreux.»
«Ce ne sont pas les musulmans modérés qui manifestent contre la Charte, ce ne sont pas les modérés qui font entendre leur voix dans ce débat», m'a indiqué l'un d'eux. «Allez voir qui parle.»
Je me demandais quoi penser des propos de ces deux hommes, non musulmans dois-je préciser, quand je suis tombée sur ce texte signé par Mme Houda-Pépin, dont les idées rejoignent exactement ce que m'ont dit ces deux immigrants. Je vous laisse lire. C'est extrait d'un texte publié dans nos pages en 2007.
«La stratégie des islamistes, qu'ils avancent dans les cercles fermés, n'est pas l'intégration des musulmans au Québec et au Canada, mais leur intégration à une communauté sans frontières, une planète islamiste où un musulman doit être régi selon la charia, indépendamment du pays où il vit. [...]
«La Charte [canadienne des droits et libertés] garantit «la liberté de religion». Mais de quelle liberté parle-t-on? Qui détermine, par exemple, les normes à imposer aux femmes en islam? [...]
«Les religions ont été instrumentalisées pour justifier inquisition, guerres, conflits interreligieux ou violations des droits de la personne. À notre époque, la vraie menace à la démocratie vient de la montée des extrémismes sous couvert de religion.»
Mme Houda-Pépin, qui dans ce document s'intéresse aussi notamment aux fondamentalistes chrétiens américains et aux intégristes hindous, note que «partout la stratégie est la même: exploiter les libertés fondamentales dans le but de les subvertir [...] saper les bases de la laïcité, au nom d'une certaine idée de Dieu et exercer une domination obsessionnelle sur les femmes dont il faut contrôler le pouvoir de reproduction, ainsi que la liberté de pensée et de mouvement.»
Mme Houda-Pépin, je crois qu'il est temps de vous entendre.


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