« Moi, mon obsession, c’est d’augmenter le salaire moyen au Québec », a lancé François Legault, vendredi, aux membres du Conseil du patronat du Québec (CPQ).
À chaque fois que je rentre un immigrant qui gagne moins de 56 000 [dollars], j’empire mon problème. À chaque fois que je rentre un immigrant qui gagne plus de 56 000, j’améliore ma situation
, a-t-il poursuivi.
C’est important qu’on se dise les vraies choses.
Le premier ministre du Québec a tenu ces propos durant l’assemblée générale, virtuelle, du CPQ
. L’accès était interdit aux médias, mais une source a donné à Radio-Canada l’enregistrement de cette conversation, qui a duré environ 45 minutes.Des participants à cette rencontre ont sursauté en entendant les affirmations de François Legault et le message aurait été mal perçu par le monde des affaires, nous a-t-on confié.
Il faut défaire un mythe qui perdure malheureusement au gouvernement : les travailleurs immigrants, ce n’est pas du cheap labour. Il ne faut pas associer l’immigration à du cheap labour. Ce n’est pas vrai. C’est un mythe qui n’existe pas
, a dit Karl Blackburn, le président du Conseil du patronat, dans une entrevue accordée à Radio-Canada.
C’est faux de dire que si on fait venir des travailleurs immigrants, on appauvrit le Québec.
Un sérieux problème de salaire moyen
, dit Legault
La pénurie de main-d'œuvre, qui était là avant la pandémie et qui revient actuellement
, selon François Legault, et l’arrivée éventuelle d’immigration pour combler ces besoins étaient l’un des sujets forts de cette intervention.
Sur 140 000 emplois non comblés qui sont disponibles
, il y a en 30 000 qui sont à des salaires au-dessus de la moyenne
et 110 000 à des salaires en bas de la moyenne
, a mentionné le chef caquiste, en parlant d’un différend
sur ce dernier point.
Je comprends, j’étais en entreprise. Moi, j’aimerais les avoir, ces personnes-là. Mais ma priorité, c’est vraiment d’augmenter le salaire moyen au Québec
, a-t-il insisté, en affirmant avoir de la difficulté
avec les jobs à 15, 20 piastres de l’heure
confiés à des immigrants.
Il a également exhorté les entreprises à revoir leurs politiques salariales. On ne peut pas se dire comme société [qu’]on va se contenter d’emplois moins bien payés
, a-t-il dit, sans néanmoins évoquer une hausse du salaire minimum.
On a un sérieux problème de salaire moyen au Québec. On ne va pas faire exprès pour l'empirer.
Il a aussi dévoilé des discussions en privé
avec des patrons d’entreprise qui [lui] disent qu’ils manquent d'employés
.
Ma prochaine question, c’est de dire si c’est des employés à 15 piastres de l’heure ou à 30 piastres de l’heure. Si c'est des employés à 15 piastres de l’heure, malheureusement je ne peux rien faire
, a-t-il raconté, tout en admettant une souplesse
pour des salaires à 56 000 $ et plus
.
Dans ce cas, a-t-il promis, je vais aller voir Jean Boulet puis Nadine [Girault] et on va trouver une solution pour te trouver ces travailleurs-là le plus vite possible
.
À de nombreuses reprises, François Legault a parlé de ce salaire moyen. Lors de la dernière campagne électorale,il avait d’ailleurs promis de réduire l’écart avec l’Ontario. Depuis son élection, on avance dans la bonne direction
, a-t-il assuré.
La priorité
de son gouvernement est donc de pourvoir les postes vacants les mieux rémunérés. Le mandat que j’ai donné à Nadine [Girault, ministre de l’Immigration] puis à Jean Boulet [ministre du Travail], c’est de dire : les 30 000 qui nous manquent, c’est un péché. Vous allez tout faire, que ce soit des immigrants, que ce soit des formations, pour qu’ils soient comblés le plus vite possible.
Le milieu des affaires consterné
Les besoins sont réels et on ne peut les résoudre sans passer par l’immigration
, soutient, en guise de réponse, Karl Blackburn, qui ne mâche pas ses mots.
Quand on parle que ça prend des emplois à 56 000 $ sinon ce n’est pas intéressant, ce n’est pas tout à fait comme ça que ça fonctionne.
Quand on crée un emploi dans le domaine de la santé ou de l’éducation, le salaire, au départ, est inférieur à 56 000 $ par année. Est-ce que ça veut dire qu’on appauvrit le Québec en créant de nouveaux emplois dans le domaine de l’éducation? Non
, clame le président du CPQ pour qui l’immigration est une clé du succès de la relance économique
.
Mon défi avec les employeurs, c’est de démontrer au premier ministre et au gouvernement qu’on ne peut pas rejeter du revers de la main un nombre important de travailleurs qualifiés et compétents simplement parce qu’ils sont des immigrants
, poursuit l'ex-député et ancien directeur du Parti libéral du Québec.
M. Legault n’entretient aucun "mythe". Il est temps d’avoir une vraie vision en immigration au Québec.
Selon le cabinet de François Legault, contacté par Radio-Canada, l’immigration n’est pas la seule
solution pour combler les besoins de main-d'œuvre
. Ça passe aussi par la formation et la requalification, en ciblant des secteurs particuliers et qui ont été affectés par la crise des derniers mois
, écrit, dans un courriel, Ewan Sauves, porte-parole du premier ministre.
Le gouvernement, ajoute-t-il, à une vision qui passe impérativement par une immigration qui répond à nos besoins économiques et qui contribue à la relance post-COVID déjà amorcée
.
Moins de réfugiés au Québec?
Au cours de son allocution, François Legault a également confirmé son intention d’augmenter la proportion de l’immigration économique. Celle-ci est d’environ 60 % du nombre total de résidents permanents admis au Québec chaque année.
Ce n’est pas unique au Québec. Ils ont les mêmes défis et ils se posent les mêmes questions en France et dans beaucoup de pays
, a-t-il assuré, avant d’évoquer sa volonté de revoir les obligations du Québec concernant l’accueil des réfugiés.
Est-ce que le gouvernement fédéral va nous laisser se concentrer sur l’immigration économique? [...] Si à chaque fois qu’on rentre un immigrant économique, le fédéral nous oblige à rentrer un réfugié ou une réunification familiale, là, on va avoir de la difficulté à aller chercher les bonnes personnes.
À l’heure actuelle, selon un accord entre Québec et Ottawa, la seule catégorie d’immigration contrôlée pleinement par le gouvernement du Québec est l’immigration économique. Ottawa gère, quant à lui, la catégorie des réfugiés et la réunification familiale.
Le Québec est et continuera d’être une terre d’accueil et fera sa part en matière d’immigration humanitaire
, a tenu à préciser le cabinet de François Legault.
Selon le plan d’immigration pour 2021, Québec a prévu d’admettre entre 6900 et 7500 réfugiés.