Il y a quelques jours, Victor-Lévy Beaulieu a annoncé qu’il mettait aux enchères tous ses manuscrits – une douzaine, écrits à la main – pour renflouer ses finances.
La Bibliothèque nationale du Québec n’offrant plus que des crédits d’impôt qui lui sont peu utiles pour le remboursement de ses dettes, il fait appel à des acheteurs, dont certains se sont d’ailleurs manifestés.
De passage dans le Bas-Saint-Laurent, accueilli chez lui dans sa maison de Trois-Pistoles, nous avons eu l’occasion de lui poser quelques questions à ce sujet.
Qu’est-ce qui a déclenché la mise en vente des archives ?
Habituellement, tous mes manuscrits sont à la Bibliothèque nationale. Les années où j’ai fait plus d’argent, je ne demandais qu’un crédit d’impôt. Mais ce que je ne savais pas, c’est qu’il n’y a maintenant plus de budget pour l’achat de manuscrits et de livres. On n’offre que des crédits d’impôt.
C’est la maison d’édition qui vous a mis dans l’embarras ?
Non, il y a eu le théâtre. J’ai construit le Centre culturel. J’ai investi 700 000 $ là-dedans. Et finalement, on a fermé il y a deux ans, à la suite de la venue de Gabriel Nadeau-Dubois dans le cadre d’une activité liée à l’Écofête. La ville ne voulait pas le recevoir. On a coupé, et moi, j’ai proposé aux gens d’Écofête de venir s’établir sur mon terrain, au théâtre et à la Maison VLB. La chicane a pogné et ça m’a coûté une fortune parce que le député libéral du coin, Jean D’amour, m’a écrit pour me dire qu’il retirait son engagement financier. Plus une cenne. La Caisse aussi a coupé.
Et les conséquences ?
On avait ce projet de complexe culturel et de la Maison VLB avec le gouvernement. L’architecte Carl Charron avait fait les plans. C’était rendu au bureau du ministre, à Québec. Et tout a été arrêté. Moi, en attendant les subventions, il fallait que je restaure. C’était dans un état déplorable. J’ai payé de ma poche en attendant les subventions. J’ai payé les ouvriers, même. Et la Ville a mis la main là-dessus.
Et la maison d’édition ?
L’édition, c’est difficile, ces temps-ci. En province, on a de la misère avec l’establishment de Montréal.
Qu’allez-vous faire ?
J’ai arrangé ça pour qu’on puisse survivre au moins jusqu’en décembre. Et le moyen que j’ai trouvé, c’est justement de vendre mes manuscrits et certaines parties de mes livres anciens qui sont rares. C’est bizarre, quand même, ici. J’ai envoyé des communiqués aux journaux et personne du Québec ne m’a appelé. Pas un journaliste, personne. Mais j’ai eu des courriels et des téléphones d’universités américaines, de la Saskatchewan, de l’Alberta, du Manitoba, de Toronto, d’Ottawa…
Ils veulent acheter ?
Ouais !
Au Québec, pas de réponse ?
Rien, personne. Je m’attendais à ce que l’UNEQ ou la SARTEC fassent quelque chose. Ce sont mes syndicats, quand même. C’est bizarre. Si je veux vendre demain, il y a quelqu’un à Ottawa prêt à tout acheter.
Vous songez à vendre votre œuvre à l’extérieur ?
Le risque, avec les gouvernements qu’on a, c’est ça. Michel Tremblay l’a fait il y a 10 ou 15 ans. Ottawa lui a donné 300 000 $ pour ses manuscrits. Ducharme, pareil. Et personne n’a rien dit.
Alors qu’est-ce qui se passe au Québec ?
Ce qui se passe, c’est que depuis Lucien Bouchard, le mot d’ordre du gouvernement en culture est le suivant : « La culture québécoise, c’est ce qui s’exporte. » C’est symbolique en diable ! Regardez Robert Lepage, il est partout dans le monde, mais personne en province ne l’a jamais vu. C’est comme les festivals. Pourtant, c’est notre argent aussi. Il faudrait les obliger à se décentraliser parce qu’on a payé, câlice !
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