Ceux et celles qui connaissent le site Web Sisyphe, véritable Pravda québécoise du féminisme radical, peuvent témoigner qu’il vaut mieux ne pas compter sur ses participantes pour soutenir la condition masculine, souvent placée entre guillemets pour mieux la mettre entre parenthèses. On y retrouve cependant en archive un article de Renée Joyal et d’Évelyne Lapierre-Adamcyk sur les pères et la garde partagée, paru dans Le Devoir du 26 septembre.
http://sisyphe.org/spip.php?article1983
Malgré un propos général qui tend à banaliser les conflits judiciaires qui briment les pères, les auteures citent une étude qui pose cette question : Les pères et les groupes de pères qui se plaignent d’être « désavantagés par le système » (les guillemets sont des auteures) ont-ils raison de se plaindre ? Douze avocats, dont sept femmes et cinq hommes, ont répondu oui, cinq, dont quatre femmes et un homme, ont dit non, et trois autres, dont deux femmes et un homme, ont répondu… oui et non. Ce résultat n’a rien de scientifiquement irréfutable, vu son faible échantillonnage, mais il semble plausible et pourrait indiquer qu’une majorité de juristes concluent que les droits des pères ne sont pas autant respectés que ceux des mères.
Le récit qui suit pourra apporter de l’eau au moulin à une indispensable remise en question qui, tôt ou tard, devra occuper l’avant-plan des préoccupations du système familialiste et même, du système judiciaire québécois tout court. On pourrait en dire autant des pays dotés – ou affligés - d’un féminisme d’État.
Tout nouveau, tout beau…
Veuf au début de la trentaine avec un fils de trois ans, alors qu’il travaille sur les shifts, Roger (nom fictif) rencontre celle qui deviendra sa conjointe en 2003. Dans la jeune vingtaine et vivant chez ses parents après une séparation, Sophie (nom fictif) est elle-même mère d’un garçon de trois ans. Comme Roger vient d’acheter une maison, il lui propose la vie commune, un partage des dépenses et une aide mutuelle avec les enfants. Malgré les grandes réticences de sa mère, Roger croit qu’il a trouvé la perle rare. Il apprendra bien plus tard de son fils que, dès le début, sa nouvelle conjointe se montrait hostile envers ce dernier.
Un an après, naît un garçon. Sophie quitte son travail et s’occupe en apparence correctement des enfants. Les tourtereaux se marient. Premier écueil : Roger découvre que sa conjointe n’exerce pas l’emploi qu’elle prétend, mais un autre, tout à fait louable, mais moins considéré. Pas de quoi demander une annulation de mariage, pense-t-il, mais notre homme devient perplexe. En fait, les surprises ne font que commencer. De retour aux études, Sophie persuade Roger, qui finance sa scolarité, de lui louer une chambre à proximité de son école. Il découvrira que sa conjointe mène une vie de festivités et le trompe tandis que lui s’occupe des trois garçons tout en cumulant le temps supplémentaire pour boucler les fins de mois.
Comprenant qu’il aurait dû écouter sa mère, devant la saignée grandissante de son budget, Roger demande la séparation en 2005. Sophie lui rétorque qu’il est jaloux et que s’il part, elle demandera la garde de leur fils… mais aussi celle de son premier rejeton, né de son union précédente ! Atterré par telles menaces mais toutefois incrédule, Roger demande conseil auprès d’un ami avocat. Saviez-vous, m’écrit-il, que puisque la mère de mon garçon était morte et qu’il appelait ma conjointe « maman », cela lui donnait un avantage certain ? Alors, comme je veux éviter bien des procédures et tout ce qui va avec, d’un commun accord, elle revient à la maison.
Chassez le naturel…
Malgré des vœux pieux, les sorties et beuveries reprennent de plus belle. Suivront une faillite, mais aussi une promotion à l’extérieur pour Roger, qui lui permettra de louer une chambre loin d’un foyer devenu insupportable, avec le projet de protéger ses fils et de se séparer. Devant la détérioration de leur relation, et la vie de plus en plus dissolue de sa conjointe, notre homme annonce en 2008 aux enfants que Sophie et lui vont se séparer. Elle tente de le faire changer d’idée, mais Roger préfère vivre pour un temps chez un parent. Quand il passe à la maison voir si les enfants vont bien, ceux-ci lui apprennent que des hommes interchangeables fréquentent le domicile familial.
Devant l’insistance de Roger pour qu’elle soit plus discrète dans ses frasques, Sophie le flanque à la porte de leur domicile et refuse de le laisser partir avec leur fils. Malgré une visite chez le médiateur, une pension mensuelle de 1000 $, le paiement de l’hypothèque et des assurances habitation totalisant 1800 $ d’une maison qu’elle conserve, Sophie se montre insupportable et demande toujours plus d’argent. Elle conserve la garde du garçon qu’elle a eu avec Roger – l’aîné reste finalement avec son père - et menace celui-ci de l’enfer judiciaire s’il la revendique.
Devant les propos du fils aîné qui lui apprend un peu tard des incidents de violence survenus avec sa mère, Roger décide de reprendre son fils cadet avec lui quoi qu’il advienne et d’entamer des procédures de divorce pour adultère. Erreur fatale, de m’écrire Roger. En cour, LA juge décrète : Vous n’aviez aucun droit de garder votre enfant malgré que vous prétendiez le faire pour sa sécurité ! Macho, va ! Dans la même situation, une mère aurait-elle été traitée de la sorte ?
DPJ : la mère avant l’enfant !
Roger perd donc la garde de son plus jeune fils, doit parcourir 240 km pour le voir, et se voit infliger 2050 $ d’arrérages de pension. Ça lui apprendra à « s’en prendre » (là, c’est moi qui met les guillemets) à la mère ! À cela s’ajoute le refus sporadique de Sophie de laisser Roger voir leur enfant, et des propos diffamatoires qui parviennent aux oreilles de son employeur. Quand il y a accès, leur fils lui est remis avec des bleus, parfois la crotte aux fesses et Sophie ridiculise son père en sa présence. Une plainte est déposée par Roger à la DPJ qui, bien sûr, s’empressera de ne pas bouger. Normal, c’est la mère qui est accusée. Le père ne peut qu’être un frustré, enragé d’avoir été dompé, même si c’est lui qui est parti.
Deux avocats véreux et des frais s’accumulés plus tard, Roger repasse en cour et le juge accorde presque tout ce que la mère demande : une pension de 2050 $, soit 1100 $ pour elle et 950 $ pour leur enfant, en plus de 300 $ pour le parc d’été. Il ne reste à notre homme et à son fils aîné que 1600 $ par mois s’il ne fait pas de temps supplémentaire. Sa situation budgétaire devient plus précaire. La pension qu’il verse doit être indexée, mais pas son salaire…
L’été prochain, Roger retournera faire valoir ses droits et ceux de son fils aîné, maintenant âgé de 11 ans, à une vie matérielle plus équitable. Son ex, perpétuelle étudiante, ne songe pas à se trouver d’emploi. L’autonomie financière, ça sert à quoi ? Malgré l’issue incertaine de ses démêlés, Roger garde courage. Ça ne peut pas toujours mal aller, croit-il. Espérons que sa détermination trouvera écho chez un juge doté d’une âme, caractéristique trop souvent optionnelle chez les familialistes…
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4 commentaires
Olivier Kaestlé Répondre
14 mars 2011Si jamais vous connaissez des avocats familialistes, vous pourrez leur poser la question, comme je l'ai déjà fait moi-même. La plupart vous confirmeront que les pères sont désavantagés en comparaison des mères, notamment pour ce qui est de la garde des enfants. Des chiffres officiels le démontrent : dans 80 % des cas suivant une séparation, les enfants vont à la mère, dans les situations litigieuses.
Pour ce qui est des maisons d'hébergement, il faut savoir relativiser le portrait. Vous n'aurez jamais le point de vue d'hommes battus parce qu'il n'existe toujours pas de maisons pour eux, malgré les demandes répétées des groupes de pères. Là non plus, les hommes n'ont pas les mêmes droits.
Or, hormis pour les cas de violence les plus lourds, les hommes étant plus forts physiquement, de nombreuses études québécoises et canadiennes démontrent la réciprocité de la violence conjugale entre hommes et femmes. Pour ce qui est de la violence faite aux enfants, elle provient plus souvent des femmes, sans doute en grande partie parce qu'elles sont présentes en plus grand nombre auprès d'eux. Le vérificateur général du Québec, à la suite d'une tournée partielle auprès de maisons d'hébergement, a par ailleurs conclu en 2008 qu'elles étaient sur financées, sous fréquentées et pas assez assujetties à une reddition de compte des deniers publics.
Enfin, pour ce qui est de la version de Sophie, mieux vaut pour vous y renoncer, pour la simple et bonne raison que je doute que je puisse l'obtenir, d'une part, et d'autre part, par choix d'auteur. Imaginez si je recueillais le propos d'une femme agressée sexuellement. Me demanderiez-vous la version de son agresseur ? J'en serais surpris. Voilà pourquoi je dois me fier sur mes perceptions, au risque de paraître subjectif. Il me faudrait une équipe d'enquêteurs à l'affût avant d'écrire la moindre ligne et aucune cause ne pourrait alors progresser. Salutations et merci de votre participation.
Archives de Vigile Répondre
14 mars 2011Merci pour ce compte rendu concernant une triste situation. Je suis sincerement touchee par ce qu'on aprend sur le divorce de ce monsieur Roger et ses efforts de bien s'occuper de ses enfants. Au moins selon ce qu'on nous raconte ici. Nous n'avons pas encore lu l'article ecrit du point de vue de la mere (?!?).
Pourtant...d'ici jusqu'a generaliser que meres et peres n'auraient pas les memes droits au Quebec, surtout quand le juge c'est UNE juge... Faut pas vraiment exagerer !
S'il vous plait, AVANT de generaliser que "Pères et mères, mêmes droits ? Mon œil…" ca vaut la peine de faire un tour dans les maisons d'hebergement pour femmes (et enfants) victimes de violence et d'abus conjugal. Par abus et violence, on comprend egalement l'abus psychologique, emotionnel, financier, etc.
Encore une fois, si ce qu'on nous raconte ici sur le cas de ce monsieur est la seule et pure verite, je tiens de l'assurer de ma plus sincere revolte concernant la tournure abusive que la relation avec son ex vient de prendre. Pourtant, tant que je ne sais rien sur la version de la nommee Sophie, je mets ma revolte en attente.
Olivier Kaestlé Répondre
12 mars 2011Hormis le fait que la mère aussi aurait dû se voir enseigner de vrais principes économiques et de planification ainsi que la responsabilité de ses actes, je suis en tout point d'accord avec vous, Isabelle, et ne vois rien à ajouter à un bilan qui situe aussi nettement les enjeux de cette triste situation.
Isabelle Poulin Répondre
12 mars 2011Une histoire bien triste ! Qui ne serait peut-être pas si triste si on avait enseigné à Roger de vrais principes économiques et de planification.
D'une part la souffrance de la jeune mère qui commet des erreurs et d'autre part le système qui fait souffir d'autant plus Roger en lui accordant moins de droits et le considèrant comme un guichet automatique !
La mère ayant parfois de lourdes responsabilitéa dans notre société a tendance à craquer et semble ne pas être trop responsable. Le système va-t-il compenser en faisant souffrir Roger ? Car le système n'a pas d'emprise sur la responsabilisation de la mère qui doit travailler pour être autonome dans des conditions qu'on peut qualifier de difficiles. Et voilà ! On se retrouve confronté aux comparaisons et à la division qui mène aux blâmes des uns et des autres.
Les enfants dans tout ca sont victimes d'un manque de stabilité un peu trop prononcé et sont d'autant plus vulnérables. Des enfant élevés dans la ouatte ne font pas des enfants forts mais l'autre extrême n'est pas souhaitable non plus.
Il est contre indiqué de faire porter sur Roger une charge démesurée et des droits de garde inéquitables. Si on accorde moins de pensions à la mère, elle sera incitée à mieux prendre ses responsabilités au lieu de les faire porter sur Roger. Le système se sert un peu trop de Roger pour appauvrir la 'famille' au nom des droits de la mère et des enfants.