PKP, l’immigration et l’erreur du désespoir

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Pour un vrai débat de fond sur l'immigration

Depuis son arrivée en politique, on entend souvent des militants souverainistes dire que Pierre Karl Péladeau est le dernier espoir de voir leur rêve d’indépendance se réaliser.
Le meneur dans la course à la chefferie péquiste est sans conteste un politicien hors norme. Membre d’une rare dynastie québécoise dans le monde des affaires, il apporte une crédibilité économique qui a souvent fait défaut au Parti québécois. En couple avec Julie Snyder, PKP fait aussi partie de l’univers québécois des vedettes.
Il est également un souverainiste convaincu, et telle est la raison de son entrée en politique. L’homme n’a aucunement besoin d’argent ou de reconnaissance. Son engagement est sincère. Tout cela explique les sondages qui lui sont favorables, autant pour ce qui est de la course péquiste que pour une éventuelle élection.
PKP n’est toutefois pas un sauveur providentiel, si tant est que cela existe en politique. Les attentes envers Péladeau sont élevées, alors qu’il est encore en mode apprentissage. On voit qu’il manque d’aisance dans ses discours. Au-delà du volontarisme qu’il affiche, il peine à articuler un plan de match précis pour convaincre les Québécois d’accéder à l’indépendance.
Il est également flou sur d’autres sujets. Et le fait qu’il demeure le principal actionnaire de Québecor le place dans une situation délicate.
Si PKP gagne la course et n’est pas ensuite à la hauteur des attentes — celles d’une victoire électorale, suivie d’un référendum gagnant —, les souverainistes n’en seront que plus déçus. Après s’être dit que le député de Saint-Jérôme était leur dernier espoir, les gens ne ressentiraient le choc d’un éventuel échec que plus durement. Voilà une bonne raison pour les souverainistes de modérer leurs espoirs face à Péladeau.
Ajoutons à cela que l’histoire est faite de revirements inattendus, tantôt négatifs, tantôt positifs. Il ne faudrait surtout pas croire que tout peut tenir à une seule personne et qu’après celle-ci, tout s’arrête. Après l’échec des rébellions, en 1837-38, si les patriotes avaient conclu que tout était fini, le Québec ne serait pas où il est aujourd’hui. Impossible, donc, de dire qu’à la suite de ceci ou cela, si ça ne marche pas, c’est la fin.
Cela m’amène à l’immigration et à la déclaration controversée de Pierre Karl Péladeau à ce sujet. Lors du débat du 17 mars, il affirmaitque le PQ n’avait pas 25 ans devant lui. «Avec la démographie, avec l’immigration, c’est certain qu’on perd un comté chaque année».
Cette déclaration était une erreur, mais pas pour les raisons qui ont été le plus souvent entendues.
N’importe qui peut constater que les néo-Québécois votent bien davantage pour le PLQ que pour le PQ, la CAQ ou Québec solidaire. En principe, il n’y a rien de mal à constater ce qui est une réalité indéniable, ce qui n’a pas empêché les libéraux d’accuser PKP de se livrer à du nationalisme ethnique, rien de moins.
Le problème vient du fait que les propos de Péladeau pouvaient donner l’impression qu’il montrait du doigt un groupe d’électeurs pour leur imputer les difficultés du PQ, comme l’avait fait Jacques Parizeau le soir du référendum de 1995.
Il est toutefois impossible de prédire avec certitude comment évoluera le Québec d’ici 25 ans. En cela, l’aspirant-chef commet le même genre d’erreur que ceux qui le voient comme la dernière chance de la souveraineté.
Le vote des allophones n’est pas aussi monolithique que le vote des anglophones. On peut penser que le PQ pourrait, au fil du temps, faire des gains auprès de certaines communautés culturelles — par exemple, les immigrants d’Amérique latine, qui s’intègrent bien.
Ajoutons à cela que les francophones constituent encore la grande majorité au Québec. Si le PQ retrouvait les appuis qu’il recueillait chez ceux-ci dans les années 1990 — avant la montée de l’ADQ, puis de la CAQ et de QS —, il pourrait de nouveau faire élire un gouvernement majoritaire.
Quoi qu’il en soit, la question de l’immigration est trop importante pour être abordée sous l’angle d’une partisanerie étroite et à partir de laquelle chaque parti prônerait telle ou telle politique d’immigration, suivant qu’il en vienne à la conclusion que les immigrants votent majoritairement pour ou contre lui.
Comme l’ont démontré Guillaume Marois et Benoît Dubreuil dans leur livre Le remède imaginaire : Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec, le Québec reçoit beaucoup plus de nouveaux arrivants en proportion que nos voisins du Sud ou nos cousins français. À titre de société minoritaire en Amérique du Nord, il est légitime de se demander si nous avons dépassé un seuil au-delà duquel nous ne réussissons plus à intégrer les nouveaux venus. On peut aussi se demander si les objectifs économiques et démographiques sur lesquels est fondée notre politique d’immigration atteignent leurs objectifs.
Ces questions sont fondamentales, et le Québec doit engager ce débat — le plus sereinement possible.

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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.





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