Plaidoyer pour un «Québec inc. des ressources naturelles»

Loi sur les mines - Projet de loi 14




Lire la lettre «Ressources naturelles: perdre le nord» de Renaud Lapierre
Alexandre Shields - Le gouvernement Charest fait fausse route dans sa gestion des immenses ressources naturelles de la province. Au lieu de tout faire pour faciliter un boom minier entièrement contrôlé par le privé, Québec devrait «rebâtir son expertise» en créant une Société d'État pleinement impliquée dans le développement de ce secteur en pleine expansion.
Cette proposition constitue l'élément central autour duquel s'articulent les idées formulées par Renaud Lapierre, ex-sous-ministre adjoint au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, dans une lettre publiée aujourd'hui sur le site Web du Devoir. Des propositions qui arrivent au moment où débute à Québec la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi qui devrait conduire à la réforme de la Loi sur les mines.
M. Lapierre fait le même constat que plusieurs experts du secteur des ressources naturelles: l'exploitation des gisements miniers et des hydrocarbures devrait faire l'objet d'une planification plus étendue qu'à l'heure actuelle. «Nous sommes à cent lieues de ce que nous pourrions souhaiter d'un gouvernement qui aurait de la vision, écrit celui qui est aussi un ancien administrateur de la Société québécoise d'initiative pétrolière. Il faut de façon urgente une politique d'ensemble pour le développement de nos ressources naturelles. Et que l'on ne vienne pas dire que le temps manque. Le prix de ces ressources est loin d'avoir atteint son maximum et l'agitation, mauvaise conseillère.»
L'élaboration de cette politique nécessiterait la création d'une société d'État, une idée qui avait déjà été mise en avant avec la création, en 1965, de la Société québécoise d'exploration minière. Cette entreprise aurait à terme le mandat de gérer une bonne partie du territoire faisant actuellement l'objet de permis, puisque M. Lapierre suggère que Québec prenne le contrôle d'«au moins» 50 % des droits d'exploration et d'exploitation en vigueur.
Contrairement à ce qu'affirme le lobby minier, M. Lapierre estime que cette nationalisation partielle ne ferait pas fuir les investisseurs privés. «Les investisseurs vont venir si la demande pour les ressources est là», a-t-il précisé hier au cours d'un entretien. Il déplore dans un même élan la faiblesse des prises de participation dans des projets miniers annoncées dans le cadre du Plan Nord. Le gouvernement entend y consacrer 500 millions de dollars.
L'ex-sous-ministre adjoint propose en outre d'impliquer les contribuables québécois dans le financement de la société d'État qui se consacrerait au secteur minier et à celui des hydrocarbures. Pour cela, il avance l'idée d'avantages fiscaux de type «régime d'épargne-actions». Qui plus est, «si nécessaire, que la Société d'État soit cotée en Bourse avec un contrôle gouvernemental.»
M. Lapierre estime également possible de «donner des mandats précis à Investissement Québec et à la Caisse de dépôt pour qu'ils appuient l'émergence d'un Québec inc. des Ressources naturelles». Il redoute en fait que les découvertes intéressantes réalisées par des petits joueurs du secteur — manquant de fonds pour mener à terme leurs projets — accélèrent la prise de contrôle par des intérêts étrangers. C'est déjà le cas de certaines entreprises québécoises. Il va même plus loin en suggérant «un droit de regard et de veto de l'État sur les acquisitions par des étrangers ou lors de changements de contrôle de l'actionnariat».
Enfin, Québec devrait fixer des règles qui permettraient de récupérer les fonds et crédits accordés par l'État, notamment le coût des routes. Dans le cadre du Plan Nord, les libéraux prévoient investir 1,2 milliard dans le développement des infrastructures d'ici cinq ans. Par exemple, Québec a annoncé récemment l'injection de 287 millions dans la construction d'une route qui aidera Stornoway Diamond Corporation à exploiter un gisement diamantifère dont la valeur pourrait dépasser les cinq milliards de dollars.
Pour Renaud Lapierre, il ne s'agit pas de freiner le secteur minier, mais plutôt de sortir de «l'à-plat-ventrisme actuel» pour s'assurer que ces ressources «non renouvelables» génèrent des revenus «substantiels». Des économistes du Mouvement Desjardins ont d'ailleurs récemment publié une étude qui s'interroge sur les retombées financières que fait miroiter le gouvernement Charest pour justifier les investissements publics massifs dans le Plan Nord. Des investissements qui aideront les minières à extraire des milliards de dollars de ressources minérales.
En contrepartie de ses engagements massifs dans «le chantier d'une génération», Québec espère engranger 14,3 milliards en retombées fiscales sur 25 ans. «Cela, ramené sur une base annuelle, rapporterait environ 570 millions par année, a précisé Joëlle Noreau, Économiste principale aux Études économiques Desjardins, dans la plus récente édition de la Revue d'analyse économique de Desjardins. À titre de comparaison, les dépenses du gouvernement du Québec pour l'année financière 2011-2012 se chiffrent à environ 69 milliards.» Les retombées projetées ne représentent donc que 0,8 % de ces dépenses.
La bonification des redevances de 12 à 16 % n'est pas non plus une panacée, selon l'analyse de Mme Noreau. «Ce taux est faible en regard de l'Australie, qui a revu récemment sa fiscalité en allant jusqu'à exiger 30 % des profits excédentaires, considérés comme ceux qui sont supérieurs à un rendement d'environ 8 % après impôt.»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->