Les deux études récemment publiées au sujet du Plan Nord par des organisations aux accointances politiques connues, celle de SECOR et l'autre de l'IRIS, ont le mérite de mettre au jour plusieurs enjeux contradictoires. Voilà qui nous rappelle que ce projet d'envergure n'a jamais fait l'objet d'analyses objectives préalables malgré les engagements à très long terme attendus des Québécois.
Selon l'étude de SECOR, cette firme de consultants proche du Parti libéral, le Plan Nord du premier ministre Charest ajouterait chaque année 5,9 milliards $ de valeur économique au Québec (148 milliards $ en 25 ans) et donnerait du travail à quelque 37 000 personnes en moyenne sur la durée du projet. Constatons d'abord que M. Charest a tort de faire dire à SECOR que son plan «créera 37 000 emplois par année», ce qui ferait 925 000 nouveaux emplois permanents en 25 ans...
Pour l'Institut de recherche et d'information sociale (IRIS), identifié à la jeune gauche, l'un des problèmes du Plan Nord, c'est que le gouvernement s'apprête à dépenser plus d'argent en infrastructures, aide financière, mais aussi services urbains, logements sociaux, services sociaux et de santé, qu'il n'en retirera globalement des projets soutenus.
Déjà, les pressions sont fortes de la part des élus locaux et des multinationales pour que Québec injecte des dizaines de millions rapidement dans les zones touchées par le boum minier. Des coûts qu'il faudra souvent calculer en double, puisque l'augmentation des dépenses au nord n'entraînera aucune économie équivalente au sud.
Selon l'évaluation de l'IRIS, il en coûterait de 16 à 24 milliards $ supplémentaires à Québec, alors que les recettes fiscales générées par le Plan Nord sont évaluées à 14 milliards $ par le gouvernement.
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Toutes les études produites à ce jour sont trop sommaires pour brosser un portrait fiable de la réalité appréhendée. Regroupées, elles posent plus de questions qu'elles n'apportent de réponses convaincantes.
À titre d'exemple, le fait que les trois quarts des investissements du Plan Nord soient effectués par Hydro-Québec et le gouvernement lui-même conduit à se demander si on n'a pas utilisé la société d'État pour gonfler le panier de projets en cours et inventer le concept de Plan Nord.
D'ailleurs, pourquoi prévoir 3500 MW de puissance supplémentaire alors qu'Hydro-Québec fait déjà face à d'importants excédents énergétiques? Quelle portion de ces MW devra-t-elle vendre à perte pour satisfaire les ambitions de ce gouvernement et celles des minières?
En somme, M. Charest, qui aimerait qu'on garde de lui le souvenir d'un grand visionnaire, n'a-t-il pas simplement voulu jouer d'astuce en récupérant à ses fins les demandes pressantes d'aide financière, énergétique et logistique des lobbies du génie-conseil et de l'industrie minière?
Rappelons qu'avant même l'annonce du Plan Nord, il y avait 20 milliards d'investissements en gestation dans les officines des sociétés privées, la plupart avec des attentes aussi variées que monstrueuses à l'endroit de l'État... mais sans assurance quant aux avantages à long terme pour les contribuables. ArcelorMittal, la plus importante multinationale en activité sur la Côte-Nord, ne vient-elle pas de remettre en question son engagement de construire une usine de bouletage du fer qui lui a pourtant valu, avant le Plan Nord, un généreux contrat d'approvisionnement en «Quebec cheap electricity», selon l'expression des analystes financiers?
Même l'idée d'investir des centaines de millions de fonds publics dans le capital des projets miniers comporte un double risque: risque financier, d'abord, mais aussi risque d'influence indue sur les décisions politiques de soutien à ces projets. A-t-on oublié la Gaspésia, la Société nationale de l'amiante et Magnolia, pour ne nommer que ces trois fiascos notoires?
Le Québec est un pays de ressources qu'il importe d'exploiter de façon durable et rentable pour la collectivité. Malheureusement, dans sa forme actuelle, le «plan» du gouvernement Charest ne présente pas les conditions minimales requises pour miser autant d'argent et d'énergie hydroélectrique sur une aussi longue période. L'an dernier, sans Plan Nord, les sociétés minières ont extrait l'équivalent de 8 milliards $ de minerai pour lequel elles n'ont versé globalement que 10 % de la valeur au marché en impôts et redevances. Avec le Plan Nord, elles obtiendraient encore plus d'aide de l'État sans payer beaucoup plus en retour. Où est la logique d'affaires pour les contribuables québécois?
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