Pour mieux comprendre Richard Henry Bain

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La reconnaissance est longue à venir, mais ça s'en vient

Pierre Desjardins - Philosophe 7 décembre 2012 Québec
Depuis l’élection d’un parti indépendantiste à la tête du gouvernement, force est de constater que nous avons la défense du projet de souveraineté bien timide. En effet, rappelons que depuis l’attentat du Métropolis, le Québec au complet s’est pudiquement vautré dans une political correctness à toute épreuve : personne n’a osé accuser qui que ce soit dans cette sombre affaire qui aurait pu, par ailleurs, très mal tourner. Mentionnons qu’à la suite de cet évènement tragique, on a d’abord préféré croire que son auteur, Richard Henry Bain, était un déséquilibré mental sortant de nulle part et qui n’avait été influencé par personne pour commettre son geste, un geste qui aurait été alors commis par pure démence.
Mais à la suite des témoignages de ses voisins, mal nous en pris de constater que Bain n’était pas si fou que cela. Car malgré un équilibre mental fragile, ce Richard Henry Bain, qui sera de retour en cour [ce vendredi], s’avérait être quelqu’un d’assez cohérent, fortement politisé et partisan du Parti libéral du Québec. Il avait, paraît-il, et sur toutes sortes de sujets, de longues discussions avec ses amis et avec son pasteur. Loin d’être déconnecté de la réalité, il s’intéressait de près à tout ce qui se passait au Québec.
Mentionnons d’ailleurs pour ceux qui ne le savent pas qu’à peine deux semaines après son attentat, alors qu’il était détenu à l’infirmerie du pénitencier de Rivière-des-Prairies, Bain s’est permis de téléphoner à un poste de radio anglophone de Montréal, CJAD, pour y élaborer librement sur une ligne ouverte ses opinions politiques, et cela, pendant 38 minutes ! Alors que Jacques Fabi de 98,5 FM s’est vu démettre de ses fonctions pour avoir librement laissé une auditrice émettre des opinions antisémites, on peut se surprendre que cette station anglophone ait pu laisser impunément le tueur du Métropolis exprimer librement ses positions francophobes pendant 38 minutes.

La réalité politique canadienne
Quoi qu’il en soit, ce Richard Henry Bain nous aura donc finalement peut-être révélé plus de choses que nous le pensions sur la réalité politique canadienne. Jetons un coup d’oeil, par exemple, sur ce qu’en tant qu’anglophone il avait l’occasion de lire dans ses journaux et nous jugerons ensuite si nous avons tellement à nous surprendre qu’un être aussi fragile mentalement que lui ait voulu s’attaquer à la chef nouvellement élue d’un parti souverainiste.
La chroniqueuse du Calgary Herald écrivait peu avant l’élection que le programme de Pauline Marois est le plus raciste de toute l’histoire canadienne. Le National Post dira le jour de l’élection que Mme Marois n’a pas sa raison d’être à la tête du Québec, car malgré son élection, les Québécois eux-mêmes ne veulent pas d’elle… Et quant à The Gazette et au Globe and Mail, depuis des années, disons-le, ils traitent les militants du projet souverainiste de terroristes et de radicaux qui veulent retirer tous ses droits à la minorité anglophone.
Évidemment, à la suite de l’élection du Parti québécois et au retour du projet souverainiste dans le décor, on ne pouvait s’attendre à ce que les choses s’arrangent pour Pauline Marois. Pour le Canada anglais, en effet, toute nouvelle tentative de séparation d’avec le reste du Canada ne peut que relever d’une usurpation de pouvoir : après deux référendums perdus, les anglophones ne peuvent plus aujourd’hui supporter l’idée qu’un gouvernement d’ordre provincial revienne encore sur cette question. […]
Même avec un vote fortement majoritaire pour un Oui lors d’un éventuel référendum, il est clair que plus jamais les anglophones d’ici n’accepteront pareille décision. Ils ont appris leur leçon et s’en remettront toujours au fédéral à l’avenir quant à leur droit, selon eux inaliénable, de faire partie du Canada et quant à la préséance de celui-ci sur toute velléité provinciale en matière de souveraineté. C’est d’ailleurs exactement ce qu’expliquait Richard Henry Bain dans ses propos sur les ondes de CJAD.

Un processus politique
L’attentat contre Pauline Marois s’inscrirait donc dans un processus politique enclenché dès le référendum de novembre 1995. On se souviendra qu’alors, les anglophones du Québec avaient été fortement ébranlés. Mais depuis, les choses ont changé. Le Canada anglais a alors compris les dangers réels que représentait pour lui le Parti québécois. Il a alors radicalisé son discours envers le peu qui reste au Québec d’aspirations à l’indépendance.
Les Anglo-Canadiens sont sortis de leur torpeur et sont maintenant bien réveillés. Malheureusement, c’est par la voix d’un détraqué et un soir d’élections que ce nouveau message de la communauté anglophone à notre endroit nous est violemment parvenu. « Les Anglais se réveillent ! », hurlera avec aplomb Richard Henry Bain lors de son arrestation.
Si le Parti québécois se veut cohérent avec lui-même, il serait peut-être temps qu’il cesse de tergiverser en souriant béatement à tout le monde et qu’il affirme plutôt résolument, fermement et clairement ses positions indépendantistes. Car maintenant qu’il a été élu, il se doit de les assumer en adulte plutôt que de se défiler lâchement en ne dénonçant pas, par exemple, les abus des médias anglophones à son endroit et qui ont tristement conduit Richard Henry Bain à commettre son attentat.


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