Pour retrouver ma Pauline

Pauline Marois - entre urgence et prudence

Il faut d'abord que je vous fasse un aveu. Il m'est beaucoup plus difficile de vous parler de Pauline Marois que de Jean Charest. Je n'ai de Jean Charest qu'une connaissance du fameux personnage qu'il a cultivé à travers les années, de ses petites colères préparées à l'avance, de la culture de son ego qu'il a développé avec application, de ses petites et de ses grandes ambitions. C'est plus fascinant pour moi de découvrir ce qui le motive et surtout de le regarder tracer son chemin avec une certaine désinvolture dont nous payons trop souvent le prix.

Mais avec Pauline, c'est autre chose. C'est une femme que je connais depuis longtemps, en long et en large, avec ses forces et ses faiblesses, presque dans son intimité. On a travaillé ensemble, bataillé ensemble, voyagé ensemble, fêté aussi ensemble de temps en temps. Je sais pratiquement tout d'elle, de ce qui l'allume ou l'éteint, de ce qui lui donne le courage de déplacer des montagnes, de ce qui la motive depuis qu'elle est entrée dans mon bureau pour la première fois. Je la regarde aller depuis toutes ces années en politique, constante et assidue, possédant ses dossiers sur le bout des doigts et forcément, je reste bouche bée devant le sondage rendu public mercredi par La Presse-Crop.
Pauline Marois n'y récolte que 33 % des intentions de vote. Aussi bien dire un désastre dans les circonstances. Si ce sondage a été fait selon les règles de l'art, si personne n'a manipulé les chiffres, si on peut se fier à un sondage de La Presse qui ne cache pas son âme fédéraliste, il y a des questions qu'il faut se poser.
La première de ces questions, c'est pourquoi. Pourquoi ce résultat alors qu'il n'y a pas si longtemps Pauline Marois avait le vent dans les voiles? Il faut se souvenir de son retour au Parti québécois, après qu'elle eut négocié les termes de sa rentrée. Elle était radieuse, souriante, entreprenante et fonceuse. C'était la Pauline que je connaissais, avant qu'elle ne se lance elle-même en politique, à l'époque où elle était encore une directrice de cabinet sur laquelle on pouvait compter et dont les conseils étaient presque toujours pertinents. C'était une femme qui avait confiance en elle et qui avait de l'audace. Réfléchie et audacieuse, deux qualités rares dans ce monde de fous.
Depuis, elle a eu le temps de faire plusieurs fois le tour du jardin. D'un ministère à l'autre, elle a acquis une expérience qu'aucun autre politicien ne possède en ce moment. Elle a vécu les pires années du PQ et elle connaît parfaitement le fonctionnement interne de cette machine fascinante qu'est ce parti; mais elle connaît aussi la force destructrice que peut devenir l'organisation à certains moments. Elle sait tout ça. Quand elle est devenue chef du parti, on a pensé qu'elle avait tout pour mener la barque à bon port.
Le dernier sondage semble démontrer que Pauline Marois perd du terrain. Diriger le PQ, c'est marcher sur des oeufs en permanence. Position inconfortable s'il en est une. Jean Charest, lui, peut dire ce qu'il veut. La preuve en est qu'il ne s'en prive pas. Quoi qu'il dise, même quand c'est une énormité qui n'a aucun sens (on attend toujours sa nouvelle méthode de chasse aux phoques), il ne viendrait à l'esprit de personne au Parti libéral de dire qu'il a eu tort de dire ce qu'il a dit.
Au PQ, c'est le contraire. Pauline Marois ne peut pas ouvrir la bouche tant que son caucus et la direction du parti ne sont pas d'accord avec ce qu'elle va dire. Le message que la chef a le droit de porter, c'est le message officiel, celui qui a été mis en mots et en images par tous ceux qui se croient les sages de ce parti. Méchant contrat.
C'est bien pour ça que je ne reconnais pas ma Pauline. Elle a reperdu ce qu'elle avait retrouvé dans son jardin en plantant des fleurs, sa joie de vivre, celle qui la fait éclater de rire jusqu'aux larmes et la rend si attachante. Elle est redevenue une femme sérieuse qui hésite à donner une réponse à un journaliste un peu baveux, de peur des représailles de son entourage.
Pour la rentrée, je l'ai entendu dire qu'elle avait l'intention de «demander des comptes à Jean Charest». L'intention est louable, car il est vrai qu'il serait temps qu'on l'oblige à s'expliquer celui-là. Mais pour ma part, je préférerais grandement que Mme Marois coupe sa bride, qu'elle retrouve ses ailes et qu'elle prenne enfin son envol.
Pauline Marois poursuit son «inaccessible étoile», comme dans la chanson de Brel. Nous aurions tous intérêt à ce qu'elle la trouve le plus rapidement possible.


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