Pour une stratégie d'accession à l'indépendance

Tribune libre 2010



Pour plusieurs, un référendum est absolument nécessaire avant
d'amorcer tout processus aboutissant à l'indépendance. Comme ils estiment
absolument nécessaire un référendum, ils ne voient pas comment on pourrait
le tenir autrement qu'avant le début du processus. D'autres estiment par
ailleurs que nous aurions déjà fait des précédents avec nos deux
référendums en les tenant avant d'amorcer le processus, et que nous devons
continuer. Je vais revenir sur des éléments que j'ai déjà abordés dans mon
texte sur le référendum en tentant d'élargir le débat.
L'argument des précédents est un peu comique. Le référendum de M. Lévesque
demandait la permission de négocier la séparation, pas sur notre désir de
nous séparer ; un autre référendum au moins était nécessaire avant
d'aboutir. Maurice Duplessis avait rapatrié à peu près cinquante pourcent
de nos impôts sans en informer l'Assemblée nationale. Un gouvernement a
toujours la permission sinon l'obligation de négocier dans l'intérêt de ses
citoyens. Le seul référendum à porter sur l'indépendance était celui de M.
Parizeau. Avec un seul élément, l'argument du précédent ne tient pas la
route ni au plan du droit ni de la légitimité.
Ensuite, en tout respect pour l'opinion contraire, je ne crois pas à
l'universalité de la règle référendaire, même dans un passé récent. C'est
le contexte politique qui nous l'impose. Comme jamais Ottawa ne va
consentir à se départir de sa colonie québécoise en alléguant une majorité
fédéraliste, une question obscure, n'importe quoi, nous nous voyons obligés
de tenir un référendum pour établir notre position. Si l'Assemblée
nationale et le Parlement fédéral s'entendaient sur une séparation,
personne ne protesterait s'il n'y avait pas de référendum ensuite. C'est
de la politique fiction bien entendu, je veux simplement illustrer que le
besoin d'un référendum est loin d'avoir la valeur universelle que certains
lui prêtent.
Malheureusement, les Gandhi ne sont pas légion, au Canada anglais du moins,
et il ne faut pas trop compter sur un politicien « Canadian » pour négocier
la partition du Canada.
Que faire alors pour amener ces mêmes « Canadians
» à la table de négociation et à les faire négocier de bonne foi ?

Dans un premier temps, il faudrait les convaincre de respecter les règles
démocratiques établies par l'Assemblée nationale. Le Parlement fédéral
s'estime au-dessus de nos Lois et fait ce qu'il veut pendant une campagne
référendaire. Nous savons depuis Gomery combien de centaines de millions
ont coûté les commandites après une campagne référendaire. Ça nous donne
une bonne idée de ce qu'il en coûte pendant une campagne référendaire.
Évidemment le tout est en flagrante violation de la Loi référendaire.
C'est pour empêcher ce genre d'abus que j'ai suggéré de ne pas tenir de
référendum sans une garantie de respect de notre Loi allant jusqu'à une loi
du Parlement fédéral avant de tenir un référendum. De plus, nous allons
ainsi éviter une orgie de dépenses au Fédéral, les obsédés du déficit
seront contents.
Que faire maintenant si le fédéral refuse ? (S'il accepte, je crois
sincèrement que nous allons triompher. Mais le Fédéral le sait aussi, et
il n'acceptera jamais une telle proposition) Si le parti au pouvoir a
clairement obtenu lors des élections un mandat pour aller de l'avant, il a
toute la légitimité et le droit de son côté pour amorcer des discussions au
Québec et avec Ottawa sur ces questions. L'Assemblée nationale devra dans
un premier temps convoquer une constituante pour rédiger la Constitution et
la Charte des Droits d'un Québec indépendant. Cette assemblée ne devrait
pas être partisane. Je produirai un autre texte là-dessus bientôt.
Ensuite, il faudra ouvrir des discussions avec le Fédéral. Il y a quand
même beaucoup de questions à régler entre nous avant de nous séparer. On
va m'objecter que nous n'avons pas de moyens de contraindre Ottawa à
négocier. Je rappelle qu'en l'absence des négociations, une question comme
la libre circulation des Canadiens entre l'Ontario et les Maritimes n'est
pas réglée. Le train entre Halifax et Vancouver va-t-il passer par le
Maine et l'état de New York ? Les gens de Moncton qui veulent aller voir
jouer les Maple Leafs et les Blue Jays vont-ils faire le détour par la Baie
d'Hudson ?
De plus, il y a plusieurs opinions qui affirment que le déficit postérieur
au rapatriement de 1982 n'a rien à voir avec nous, et que ce serait au
reste du Canada de s'en occuper après l'indépendance. On ne parle pas ici
de quelques dollars, et si Ottawa refusait de discuter de notre programme,
nous serions en droit de l'envoyer paître avec son déficit. Les obsédés du
déficit, même ceux qui travaillent pour les Desmarais, vont certes avoir
des orgasmes. Mais ça devrait inciter nos amis d'en face à réfléchir avant
de refuser de négocier.
On le voit, il y a quelques intéressantes pistes de négociation et de
moyens de pression que nous pourrions développer sans référendum. Il y en
a bien d'autres. Un référendum pourrait avoir lieu à la toute fin du
processus, lors de l'adoption de la Constitution et de la Charte des
droits.
Il ne s'agit bien sûr que d'exemples de ce que nous pourrions faire avant
de tenir un référendum pour atteindre notre objectif, l'indépendance. Si
un parti devait nous proposer une telle démarche, sa stratégie de
négociations devrait être secrète, une stratégie que tout le monde connaît
n'en est plus une !
Louis Champagne, ing.


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3 commentaires

  • Jacques Bergeron Répondre

    22 août 2010

    Si au lieu d'utiliser des moyens défensifs afin de promouvoir l'indépendance on décidait de passer à l'offensive? Par exemple aider créer, ou promouvoir, en territoire ennemi la mise sur pied de Blocs de Canadiens-français, dans différentes provinces où existe un bon nombre de Canadiens-français lors d'élections fédérales serait une action capable de modifier le paysage politique pan-canadien et de déstabiliser davantage le clan fédéral ce qui obligerait les fédéralistes à repenser leur philosophie anti-Québec.Lorsque nous savons à quel point le Bloc Québécois a pu déstabiliser le gouvernement d'Ottawa et les partis politiques fédéralistes, «PLC» et «PCC» entre autres, on se demande pourquoi les dirigeant-e-s du Bloc ont toujours refusé d'étudier sérieusement cette option.

  • Louis Champagne Répondre

    21 août 2010

    Bonjour M. Bousquet,
    Tout d’abord, merci de me lire et de commenter. Vous me permettez ainsi de préciser ma pensée. En ce qui concerne l’obligation d’un référendum avant d’amorcer le processus d’accession à l’indépendance, j’ai déjà écrit que je ne m’y objectais pas dans la mesure où nous avions des garanties du Gouvernement fédéral que lui aussi respecterait la Loi référendaire. Sans ces garanties, après une élection mandatant clairement un Gouvernement pour amorcer le processus, le Gouvernement québécois a toute la légitimité pour négocier avec Ottawa et lancer le processus de rédaction de la Constitution d’un Québec indépendant. J’ai donné des exemples d’enjeux de négociation impossibles à éviter avant ou après un référendum. Je ne m’attends pas à des négociations faciles ni avant, ni après un référendum. Le Canada anglais ne perdra pas sa colonie québécoise de gaieté de cœur. Nous ne négocierons pas pour faire plaisir à Bay Street, mais pour nous donner à nous un pays. En passant, le Canada anglais pourra profiter du moment pour se donner lui aussi un pays normal, mais ça ne nous regarde pas.
    Enfin, la Cour suprême a fait obligation au Gouvernement fédéral de négocier après un référendum vainqueur, mais rien n’empêche Ottawa et Québec de négocier avant, la Cour suprême ne l’a pas interdit.
    Louis Champagne, ing.

  • Gilles Bousquet Répondre

    20 août 2010

    M. Champagne écrit que le Québec pourrait, comme moyen de pression pour les négociations de sa souveraineté, couper la circulation du ROC sur son territoire. Les autres Canadiens devraient alors passer par les États-Unis ainsi de l’Ontario au Nouveau-Brunswick. Pourquoi pas, quant à y être, placer des postes-frontières avec l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Labrador itou ?
    Toutes ces stratégies d’accession du Québec à son indépendance ne seront plus utiles quand les Québécois vont être d’accord, avec une solide majorité, à séparer le Québec du Canada.
    Si, par contre, les Québécois veulent une association ou un partenariat avec le ROC, comme condition, pas question alors de menacer le ROC de lui couper le passage au Québec ou de le menacer de s’arranger seul avec son déficit accumulé ou de le conserver comme un de nos clients principaux pour nos exportations qui, avec les États-Unis, son ami anglophone, constituent probablement 90 % du total.
    On se sépare dans l’harmonie ou on risque le divorce acrimonieux avec tout ce qui suit comme dans tous les divorces difficiles.