Le plus tôt possible

Tribune libre 2010

Le PQ est un drôle d’animal politique. Il est du style caméléon. Il
s’adapte. Il se confond. Il recule. Il avance. Il piétine. Il tourne en
rond. Il est tout, sauf un vecteur politique. Le Bloc, son petit frère,
vivant au-delà des Outaouais, bien engraissé par tous les payeurs de taxes
canadiennes ne parle jamais de son option. Il défend les intérêts du Québec
dans la Fédération canadienne. Uniquement les intérêts du Québec. Si les
députés Albertains décidaient d’en faire autant et défendaient uniquement
les intérêts des Albertains, et si les députés Terre-Neuviens les
imitaient, et si les députés ontariens les copiaient, la Fédération
éclaterait. Les membres d’une Fédération doivent défendre tous les membres
d’une Fédération. Pas uniquement une partie de ses membres.

Le PQ de René Lévesque, en 1976, avait promis d’être « un bon gouvernement
» après avoir claironné, pendant plus de huit ans, que le Québec ne pouvait
pas avoir un bon gouvernement dans la Fédération canadienne, avec seulement
la moitié des ses impôts. Il avait promis un référendum (tenu en 1980) sur
l’indépendance du Québec. Il en fit un sur le maintien du lieu confédéral.

Le PQ de Pierre-Marc Johnson est revenu quelque temps à l’affirmation
nationale. Remplacé par Jacques Parizeau, le PQ du nouveau leader couronné
avait promis de faire un référendum sur l’indépendance nationale. La
question (en 1995) devait être : « Acceptez-vous que le Québec devienne
souverain en date de… ? ». Parizeau fit un référendum, mais il porta sur
une union confédérale, telle que proposée à Bruxelles, en 1992, par Robert
Bourassa.

Depuis ce temps, les chefs péquistes se sont multipliés à la barre du
bateau du PQ, tanguant d’un bord, tanguant de l’autre bord. Lucien Bouchard
quitta le navire trouvant son embarcation trop difficile à gouverner, en
affirmant que les « conditions gagnantes » n’étaient pas là pour promouvoir
un troisième référendum. Sans dire sur quoi !

Bernard Landry, empruntant les chaussures de Robert Bourassa, affirma que
la thèse de ce chef libéral était souhaitable et qu’il voterait « oui » à
une question portant sur l’union confédérale canadienne. La question
suggérée par Robert Bourassa, à Bruxelles, en 1992, était la suivante : «
Voulez-vous remplacer l’ordre constitutionnel existant par deux États
souverains associés dans une union économique, responsable devant un
parlement commun ? ». Substantiellement, Jacques Parizeau posa exactement
cette question lors du référendum de 1995. Bernard Landry, on le sait,
quitta la barre du bateau péquiste et démissionna pour les raisons que l’on
sait. Son successeur, n’étant pas indépendantiste dans l’âme, proposa, lors
du scrutin de 2003, une faiblarde feuille de route.

Couronnée chef, l’actuel leader du PQ, Pauline Marois, sans consulter les
membres de son Parti, dans un Congrès national (notez, en passant, que le
PQ n’a pas eu de Congrès général depuis 2005 et que le prochain est prévu
pour avril 2011) a aboli l’article I du programme de son parti qui
exigeait, lors d’un premier mandat, l’obligation de tenir un référendum.
Sans dire sur quoi, une fois de plus !

Le PQ, après 42 ans d’existence, fait du surplace. Il veut prendre le
pouvoir sans dire ce qu’il fera de son option. Il se fait toujours
caméléon. Il s’adapte. Il se confond. Il recule. Il piétine. Il tourne en
rond. Il veut qu’on l’élise sans savoir ce qu’il va faire, une fois au
pouvoir. Il pousse le ridicule de dire qu’il posera des gestes de
souveraineté, tout en restant dans le Canada. Quelqu’un peut-il m’expliquer
ce que cela veut dire ?

Pauline Marois propose de faire un référendum (sans dire sur quoi !) le
plus tôt possible. C’est le retour, sans le dire formellement, aux
«conditions gagnantes » de Lucien Bouchard. Si Pauline Marois n’est pas
capable d’être plus précise, pourquoi ne quitte-t-il pas la barre du bateau
qui vogue au gré des vents contraires ? En cela, elle imiterait Lucien
Bouchard, pour qui l’indépendance n’est pas prête d’advenir.

Jean Charest passerait à l’histoire s’il se décidait de trancher la
question au plus vite. Non : le plus tôt possible. Il devrait suspendre la
vie parlementaire québécoise, ouvrir un débat sur les bienfaits ou les
désavantages de l’indépendance du Québec. Par la suite, il devrait
organiser un référendum sur l’indépendance nationale et proposer l’unique
et seule question qui doit être posée. Le libellé de la question serait : «
Acceptez-vous que le Québec devienne indépendant en date de… ? Les deux
camps s’engageraient à respecter totalement le résultat. Quel temps fou on
sauverait !


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9 commentaires

  • Nestor Turcotte Répondre

    25 octobre 2010

    Monsieur Bergeron,
    Mon beau-frère, élu député du Bloc québécois dans la circonscription de Matapédia-Matane en 1993, me dit exactement le contraire de ce que vous dites. Lucien Bouchard avait dit aussi que ce parti (le Bloc) serait un parti É P H É M È R E. Et que suite au référendum de 1995, il allait se dissoudre. Mon beau-frère, suite à l'échec référendraire de 1995 est allé voir Bouchard dans son bureau, à Ottawa, pour lui dire qu'il entrait chez lui, comme convenu. Bouchard n'a pas voulu ouvrir un comté.
    Éphémère: du grec ephêmeros «qui dure un jour». Je peux accorder quelques jours supplémentaires, mais pas 20 ans ...Il faudrait parler alors de perennité: état et caractère de ce qui dure toujours. Synonyme de perpétuité, de continuité.
    Dans un ordre d'idée, René Lévesque avait dit qu'un parti qui n'arrive pas à réaliser son objectif en trente ans, devrait se dissoudre.
    Le Bloc vit sur du temps emprunté. Le PQ itou. Il faut recommencer autrement ou tout simplement se taire. Et être honnête avec les gens. Ça ne m'enlève pas mes convictions personnelles et cela ne fait pas de moi un fédéraliste à la Trudeau, de penser différemment de vous. C'est là tout le problème du PQ et du Bloc: si tu ne penses pas comme le clergé officiel, tu deviens un ostracisé de la sainte église péquiste ou bloquiste.
    NT

  • Archives de Vigile Répondre

    25 octobre 2010

    Monsieur Turcotte
    Je vous donne raison sur toute la ligne! Tant que ce parti caméléon (pour employer votre expression!) n'arrivera pas avec des choix clairs et précis sur la question nationale en vue de créer un pays, je m'abstiendrai de voter. Je n'ai plus de temps à perdre avec ces obsédés du statu quo fédéral qui est irréformable. La preuve: 2 référendums et Ottawa ne nous a encore rien offert pour modifier ce statu quo qui n'avantage que nos colonisateurs doninateurs. Il m'a fait plaisir
    André Gignac patriote, radical libre et fier de l'être

  • Jacques Bergeron Répondre

    25 octobre 2010

    Le Bloc allait à Ottawa pour le référendum.«NT»
    Il semble bien que vous ne vous souvenez pas pourquoi est né le Bloc. Comme je faisais parti,avec mon épouse, du groupe fondateur s'étant réuni à Tracy,le 15 juin 1991,je voudrais vous faire remarquer que l'objectif de ce parti était de défendre les intérêts du Québec en attendant que le Québec devienne indépendant. Il n'y avait donc rien à voir avec le référendum de 1995, surtout que rien ne présageait que Jacques Parizeau deviendrait chef du Parti Québécois et qu'il préconiserait un référendum en 1995.Donc le Bloc doit demeurer là où il est nonobstant votre désir de le voir céder sa place aux fédéralistes, qui eux aussi vont toucher une pension payée par mes deniers et les vôtres, bien sûr, si vous payez des impôts.Puis-je vous inviter à ne pas tronquer les faits afin de défendre votre «philosophie de l'assujettissement» des individus à leurs maîtres du Canada anglais et à leurs complices Canadiens français québécois fédéralistes .On ne se donnera pas un pays avec ce genre de philosophie du colonisé. Quant à votre serviteur, il vous répète qu'il souhaite que le Bloc Québécois, le seul parti pour qui il vote et votera, lors d'élections fédérales, demeure en pays étranger pour défendre nos intérêts, tant et aussi longtemps qu'il le faudra.

  • Nestor Turcotte Répondre

    24 octobre 2010

    Monsieur Bergeron,
    Le BLoc allait à Ottawa pour le référendum de 1995. OUI ou NON? Réponse: OUI. Il a donc changé d'idée. Il n'a pas tenu sa promesse.
    Devait-il être éphémère? OUI ou NON? Réponse: OUI. C'était l'engagement de Lucien Bouchard. Il a donc changé d'idée. Il n'a pas tenu son engagement.
    Ce parti a-t-il fait monter les adhérents à la cause indépendantiste? OUI ou NON? Réponse: NON. Le dernier sondage donne 34 % aux bloquistes (vote de protestation plus que d'adhésion) et 22 % au PQ. Pauline Marois est vue comme incapable de diriger le QUÉBEC de demain.
    Alors, le Bloc à Ottawa a servi à quoi depuis 1993? A rien, sauf à diviser les indépendantistes. Le preuve en est que Landry (ancien Premier ministre) dit qu'il préfèrera à l'avenir parler d'indépendance avec Duceppe plutôt qu'avec Marois, qui a mis l'article I du programme du PQ au congélateur. Il faut le faire. Et dire que Madame Marois, répète sans cesse qu'il faut respecter la démocratie. Comment quelqu'un (chef d'un parti) qui se montre incapable de respecter les propres statuts et réglements de sa propre formation politique, peut-elle faire la leçon aux autres partis politiques?
    Ces gens-là, nous parlent tous de stratégies...Si chacun de ces groupes a la bonne stratégie, il faut avouer qu'elle n'a pas été efficace depuis des lunes.
    La SEULE stratégie qui peut faire qu'un peuple se libère collectivement, c'est qu'il accepte dans l'âme d'être conduit par un leader, déposant devant lui, les exigences de la libération. La République tchèque a eu son V.Havel. Il a réglé le problème en six mois. A chacun de lire ses discours pour s'inspirer de sa philosophie. Le Québec aurait besoin d'un tel homme ou d'une telle femme. Je ne vois pas poindre à l'horizon ce chef à la vision inspirante et exigeante. Si vous l'avez trouvez, faites-moi signe.
    Et si vous le trouvez, il n'est pas certain que le peuple le suivra. A force de «zigonner» dans le manche, on peut en arriver à écoeurer tout le monde.
    NT

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2010

    Lorsque je vois la presque unanimité des commentateurs de Vigile sur l’urgence de renverser le Parti libéral, les remontrances des clercs péquistes aux commentateurs « mange-PQ », et la démagogie des pseudos stratèges péquistes qui nous disent en substance : « Vous n’avez rien compris de la stratégie péquiste qui dépasse votre intelligence ; j’ai le goût de vomir !
    Le PQ est l’instrument le plus efficace pour bloquer la montée indépendantiste au Québec. Le PQ fait des indépendantistes qui lui font confiance, les simples militants d’une organisation politique au service de ses députés « provincialistes ».
    Il n’y a pas d’échange, pas de dialogue possible avec eux, ils sont devenus dans les faits des ennemis de l’indépendance du Québec. Je réalise maintenant que tout doit venir hors du PQ.
    Bon courage à Nestor Turcotte et à Gilles Verrier !
    Vive l’indépendance du Québec, sans aucune association avec le Canada ennemi !
    Michel Rolland

  • Jacques Bergeron Répondre

    24 octobre 2010

    Cher philosophe de Matane. Toujours aussi pris dans les arcanes de l'envie. Comment croire en vos propos lorsque vous dites, sans rire, sans aucun doute,que les députés du Bloc Québécois reçoivent leurs appointements du gouvernement d'Ottawa. Comment pouvez-vous tenir de tels propos alors que vous savez comme nous tous,que les députés fédéralistes, ennemis du Québec et de son peuple, n'en faisaient pas autant, tout en oeuvrant contre les intérêts de notre nation?Faudrait-il,selon votre propos, priver les fédéralistes oeuvrant à l'Assemblée nationale,à l'encontre des intérêts de notre pays occupé par ces indignes représentants d'Ottawa, priver ces gens de leurs appointements et d'une retraite, sans oublier les autres avantages sociaux dont ils et elles bénéficient, tout en oeuvrant contre les intérêts de notre nation assiégée, alors qu'ils viennent encore une fois de tromper notre nation avec la loi #115 qui confère des droits aux riches et leur permet de participer à notre disparition, nous petit peuple (pour faire plaisir aux démagogues, député-e-s et ministres du gouvernement Charest) de langue française ne comptant que pour 2% de la population de l'Amérique du nord. Contrairement à vous , je dis merci aux députés du Bloc Québécois siégeant en territoire ennemi afin de défendre les intérêts du Québec. Comme je vous le disais il y a quelques années, je préfèrerais des sièges vides plutôt que d'élire des députés fédéralistes pour nous représenter à la chambre (des communs) des communes.

  • Claude G. Thompson Répondre

    23 octobre 2010

    @ monsieur Pomerleau.
    Parfaitement et clairement exprimé monsieur Pomerleau.
    Voilà pourquoi j'ai compris que nous devions nous rallier au PQ, le seul parti politique qui a compris comment les choses devaient se faire.
    Madame Marois met en œuvre les fondements d’un nouveau paradigme que nous aurions tort de ne pas prendre le temps d’étudier sérieusement et qui prend ses sources dans les concepts de la géopolitique .
    La vieille garde s’affole, c’est normal.
    Claude G. Thompson

  • Archives de Vigile Répondre

    23 octobre 2010

    En dépit de tout ce que vous écrivez, le PQ n'a aucun mal à donner la trouille aux «Canadians» du Québec et du ROC, ce qui est tout de même incroyable... incroyable la fermeture d'esprit des vainqueurs des plaines d'Abraham qui n'auraient vraisemblablement de repos que lorsque les francophones du Québec seront devenus les semblables des francophones du Manitoba. Sans espoir de vivre politiquement pour eux-mêmes. Sans espoir d'indépendance après avoir été pourtant, eux-aussi, une nette majorité sur leur territoire.
    Monsieur Turcotte, nous sommes un peuple qui n'a aucune expérience de ce qu'est le véritable pouvoir politique, en êtes-vous conscient ? En prenant le pouvoir en 1976, René Lévesque n'a pas vraiment su faire autre chose que de diriger une province canadienne. C'était son réflexe naturel. Je ne lui reproche rien, c'était la limite de sa réalité, conforme aux attentes de l'organisation qu'il avait crée. Peut-on dire que de diriger un pays ne faisait pas partie de sa culture politique ? Sans doute. Je donne cet exemple pour illustrer la difficulté des nôtres à s'élever au niveau conceptuel de la création d'un État neuf et d'en faire partager le désir.
    Par vos critiques du PQ vous mettez toutefois en évidence la difficulté de l'indépendance et la nécessaire lutte de libération nationale dont le PQ refuse de reconnaître l'existence, entretenant en dépit de toutes les réalités un nirvana politique qui ne cesse de nourrir les ambitions personnelles d'une classe de nationalistes mous et sans vision. Il est clair que la lutte du Québec pour son indépendance dépasse largement la formalité d'un référendum ou de tout autre acte politique simplement formel ou simplement superficiel. Il faudra pas mal plus d'engagement, ce que le PQ, un peu léger, se complaît à ignorer de défaite en défaite.
    GV

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    23 octobre 2010

    "Il pousse le ridicule de dire qu’il posera des gestes de souveraineté, tout en restant dans le Canada. Quelqu’un peut-il m’expliquer ce que cela veut dire ?"
    ...
    Voici les deux constats géopolitiques incontournables qui mènent au Plan Marois:
    Un- référendum gagnant sur l'indépendance ou la souveraineté ne mène pas automatiquement à un changement de statut. Ce qui y mène c'est un rapport de force favorable,entre l'État du Québec et l'État canadien, au moment de passé à l'acte.
    Donc il faut bâtir ce rapport de force
    Deux- Madame Marois a compris que le déterminant de la politique, c'est l'État, celui du Québec. C'est donc à partir de cet État qu'elle va agir pour bâtir les rapports de forces: D'ou son Plan.
    Deux constats géopolitiques qui explique que nous sommes dans un changement de paradigme. Un difficile changement de paradigme , surtout pour ceux qui pense que la politique est un phénomène rationnel alors que c'est un phénomène relationnelle:
    La politique est affaire d'intérêt, de rapport de force et d'effectivité (Statut). Le reste c'est de la littérature.
    JCPomerleau