Il est insuffisant de réduire les difficultés de la souveraineté, comme on l’entend si souvent, au fait qu’on n’en aurait pas assez parlé depuis 1995.
C’est tout l’Occident qui est touché par la montée de l’individualisme et la culpabilisation du nationalisme.
Il est plus utile d’essayer de voir ce qui pourrait être fait dans l’immédiat.
Muet ?
J’ai lu attentivement la plateforme électorale du PQ. Honnêtement, c’est un très bon document.
J’ai pourtant ressenti un malaise à la fin de ma lecture. Lequel ?
Jean-François Lisée a bien fait – je l’ai souvent écrit – d’écarter un référendum dans un premier mandat.
S’il avait pris cet engagement irréaliste, il aurait été contraint de renier sa promesse ou de conduire ses troupes à la défaite finale.
Ce renoncement comportait cependant un risque.
Repousser le référendum, c’est admettre que la souveraineté est impossible à court terme.
Forcément, du moment où l’on admet son incapacité à réaliser vite la souveraineté, il devient beaucoup plus tentant pour des nationalistes d’appuyer la CAQ, mieux placée que le PQ pour chasser le PLQ du pouvoir.
Or, c’est exactement ce qui se passe.
Ce risque, M. Lisée n’avait guère le choix de le courir, mais il aurait pu être réduit.
Comment ?
Si on veut la souveraineté, c’est parce qu’on croit que le régime politique canadien nuit aux intérêts du peuple québécois.
Pourtant, quand on lit la plateforme du PQ, on n’y trouve presque rien qui soulève la question centrale des rapports Québec-Canada.
Hormis de bonnes propositions sur la langue et l’immigration, c’est une plateforme qui aurait pu être celle de l’aile québécoise du NPD.
C’est un programme de stricte gouvernance provinciale à gauche.
Écarter le référendum impliquait-il obligatoirement de se désintéresser à ce point de la critique du régime canadien ?
Retarder la souveraineté impliquait-il un tel déficit de contenu sur ce qui est la raison d’être fondamentale du combat souverainiste et de l’existence du PQ ?
Cibles
Il ne s’agissait pas de devenir des partisans du fédéralisme renouvelé.
Mais il aurait fallu des propositions qui, sans contredire la souveraineté, auraient tenté de secouer le sommeil collectif autour de l’enjeu fondamental du régime politique canadien.
Ottawa aurait pu être interpellé sur un tas de questions au cœur du problème : reconnaissance des Québécois comme nation, rédaction d’une constitution du Québec, encadrement du pouvoir fédéral de dépenser dans les compétences provinciales, pleins pouvoirs en immigration, plus de pouvoirs en langue et culture, droit de regard sur la nomination des juges et des sénateurs fédéraux, et d’autres revendications historiques du Québec.
Si on ne dit presque rien là-dessus, est-il si étonnant de voir tant de nationalistes sauter du côté caquiste de la clôture ?