Vous vous souvenez du livre Les chrétienneries ? Dans ce best-seller de l’an 2000, le journaliste Pascal Beausoleil rassemblait les pires déclarations de l’ancien premier ministre Jean Chrétien.
Dimanche soir, à TLMEP, Jean Chrétien a sorti tellement d’énormités qu’on aurait pu remplir un nouveau volume de citations hallucinantes.
Le problème, c’est que Guy A. Lepage l’a laissé parler sans le contester. Je me demande si Lepage aurait été aussi complaisant avec un autre invité qui aurait dit autant d’énormités.
UNE PASSE SUR LA PALETTE
Habituellement, comme animateur, quand tu poses une question à ton invité sur un sujet X et qu’il répond à côté de la plaque, tu le ramènes à l’ordre.
Mais dimanche, quand Lepage a demandé à Jean Chrétien (qui a été ministre des Affaires indiennes) s’il était au courant de la situation dans les pensionnats autochtones, monsieur Chrétien a répondu en parlant... de sa propre expérience dans les pensionnats.
« Les pensionnats, c’était connu. J’ai été pensionnaire, moi, de l’âge de 6 ans jusqu’à l’âge de 21 ans. Alors j’en ai mangé des fèves au lard et du gruau. C’est sûr que c’est dur la vie de pensionnaire, extrêmement difficile [...] C’était dur, mais mes parents insistaient pour qu’on alle [sic] à l’université et il fallait le faire. »
Mais c’est quoi le rapport ? Comment se fait-il que Lepage ne soit pas intervenu pour couper court au long monologue de Chrétien sur la difficulté de vivre dans un dortoir avec 200 autres enfants ?
Ce n’est pas tout. Voici comment Lepage a formulé sa question : « On a appris récemment que toute l’histoire de fosses communes, d’agressions sexuelles, d’assassinats, d’abus, ça se passait dans les années 70. J’imagine évidemment que vous le saviez pas, mais comment vous avez réagi ? »
En journalisme, ça s’appelle une question biaisée. Pourquoi Lepage tient-il pour acquis que Chrétien « évidemment » n’était pas au courant ?
Heureusement que l’humoriste Anaïs Favron était là, car c’est elle qui a relancé Chrétien et fait la job de bras que Lepage aurait dû faire.
« Mais vous avez jamais entendu parler d’histoires dans les pensionnats autochtones ? Y avait même pas de rumeurs du tout, du tout ? », a-t-elle demandé.
« Non, d’ailleurs, moi, je n’ai jamais eu un problème. Je devais être pas joli, petit garçon, j’imagine. Mais j’ai jamais entendu parler de ça les huit ans où j’ai été au collège. » Mais on ne lui parlait pas de son expérience à lui dans les collèges ! On lui parlait des pensionnats autochtones !
Il me semble qu’à ce moment-là, Lepage aurait dû se fâcher un peu, et rappeler à Chrétien que c’était un peu indécent de minimiser les viols d’Autochtones.
Mais qu’a répondu Guy A. Lepage ? « Ben tant mieux pour vous, en fait. » Puis il a changé de carton... et est passé à une autre question.
« Tant mieux pour vous » ? Coudonc, Lepage dormait au gaz ? Il lui a lancé des passes sur la palette ? Pourquoi autant de complaisance ?
ON PEUT RÊVER
Récemment, Stéphan Bureau s’est fait blâmer pour son entrevue avec le professeur Didier Raoult, pour avoir laissé passer des affirmations que l’ombudsman jugeait problématiques sans les contester.
Si seulement il y avait à Radio-Canada quelqu’un pour faire le début du commencement de l’amorce d’une esquisse de reproche à Guy A. Lepage pour sa mollesse face à Chrétien...