Quand l'histoire se répète

Plan nord


Zone de turbulence en vue. La rentrée d'automne est commencée. On fourbit ses armes du côté des indépendantistes de toutes tendances. On va casser de la vaisselle c'est certain. Ce qui fera «mourir de rire» le premier ministre Jean Charest, après la mauvaise blague qu'un petit comique a lancée sur le site du Devoir cette semaine. C'est comme un vent de folie royal puisque tout est en train de redevenir royal dans ce beau grand Canada. J'ai l'impression qu'au lieu de se calmer, la situation va sans doute empirer.
Si les Québécois avaient de la mémoire, nous ne serions pas toujours en train de faire les mêmes batailles comme peuple. Nous arriverions à régler certains dossiers de temps en temps afin qu'ils cessent de venir nous hanter par la suite. Moi, c'est l'annonce du voyage de Jean Charest en Chine et au Japon pour y vendre le Plan Nord qui m'a fait penser que j'avais dans mes archives personnelles un petit document, qui date de la deuxième moitié des années 50, et qui allait peut-être me permettre de mieux comprendre pourquoi nous n'avançons pas. Ce document, c'est un pamphlet d'une soixantaine de pages portant la photo de Maurice Duplessis sur la page couverture et une phrase qu'il avait l'habitude de répéter: «Je donne à ma province.»
Sur ce pamphlet, le «à» de la phrase est biffé par un X en rouge. Ce qui donne «Je donne ma province», une affirmation qui est bien plus vraie que celle de la première version. Vous pouvez déjà imaginer de quoi ça parle. Il s'agit d'une publicité du Parti libéral provincial, comme on l'appelait à l'époque, alors sous la direction de Georges-Émile Lapalme et qui attaque farouchement la politique de Duplessis, laquelle consiste à donner nos ressources naturelles pour moins que rien.
Lapalme écrit ceci:

«M. Duplessis, vous avez commis un double crime contre votre province et vos compatriotes: d'abord en vous contentant d'une redevance ridicule pour une matière première extrêmement riche qui constitue le sang, la vie même de notre économie; ensuite en n'insistant pas pour que s'établisse ici une industrie sidérurgique susceptible de corriger la pénurie mondiale d'acier et de créer pour nos ouvriers des emplois rémunérés par de hauts salaires... entre le Nouveau-Québec et le Labrador, la différence des prix pour le minerai de fer est de 0,01 $ à 0,45 $. N'est-ce pas scandaleux?»

Le même document nous apprend ensuite que, pendant que le Québec de Maurice Duplessis vend son minerai un cent la tonne, le Venezuela exige 0,70 $ la tonne. Nous sommes en 1956. Les libéraux s'engagent, dans ce qui est leur programme électoral, à exiger des redevances qui vont enfin profiter aux citoyens du Québec s'ils sont élus à l'élection qui se prépare.
Une citation de Me René Chaloult publiée dans le même pamphlet dit ceci: «Ce qui arrive, hélas! trop souvent, c'est que nous cédons aux étrangers pour une bouchée de pain des richesses fabuleuses en retour de vulgaires souscriptions à la caisse électorale. Aux Québécois les trous de mines... aux étrangers, les gros bénéfices.» On dirait que plus ça change, plus c'est pareil.
Ce petit document que j'ai gardé précieusement pendant toutes ces années m'a permis de comprendre à qui Jean Charest me faisait penser. Celui que Lawrence Cannon a décrit comme «le meilleur politicien de sa génération» me rappelle étrangement Maurice Duplessis. On pourrait penser qu'il en a fait son modèle. Pire encore, le Parti libéral provincial d'aujourd'hui se confond facilement avec l'Union nationale des années 50. Et le Plan Nord, pas plus que l'exploitation des gaz de schiste, n'a démontré qu'il pouvait servir les intérêts québécois.
Jean Charest planifie la vente de nos ressources pour une bouchée de pain, encore une fois, en pensant sans doute qu'on ne s'en apercevra pas. Pire, qu'on ne réagira pas. Ce qu'il envisage n'a pas plus de sens maintenant que sous Duplessis. Nous ne pouvons pas nous faire manger la laine sur le dos encore une fois.
Je garderai mon pamphlet disponible, car il s'agit du programme du Parti libéral provincial de 1956, mais il pourrait être très utile aux libéraux d'aujourd'hui. L'opposition pourrait resservir au PLQ sa propre médecine destinée à ce moment-là à Duplessis. Tout y était: l'ironie comme le cynisme, les caricatures et quelques bonnes idées que les libéraux n'ont jamais réalisées après avoir pris le pouvoir. Ça fait sourire tellement ils n'ont pas changé.
L'automne sera chaud. Avec une opposition désorganisée, un François Legault qui agit comme un danseur du 281 en se découvrant morceau par morceau, une ADQ qui vit sur le vieux gagné et un Parti libéral devenu l'Union nationale, il y a plus de place pour l'apport citoyen que jamais. Il nous appartient de remettre de l'ordre dans la maison.


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