Que vaut ma citoyenneté canadienne ?

G-8, G-20 - juin 2010 - manifestations et dérives policières


Bernard Charier - J’ai quelque part un document du consulat général de France qui précise que, en qualité de ressortissant français, je suis placé sous la protection consulaire de la France.
Arrivé au pays au tout début des années soixante, binational depuis plus d’une trentaine d’années, je voyage depuis longtemps avec un passeport canadien. La plus grande partie de ma vie s’est passée dans mon pays d’adoption. Tous mes intérêts matériels et la plus grande partie de mes avoirs affectifs se trouvent maintenant ici. Je vote régulièrement aux élections municipales, provinciales et fédérales; jamais aux élections françaises.
J’ai, de ce côté de l’Atlantique, enfants et petits-enfants, pour lesquels je me suis assuré qu’ils possédaient le statut de binationaux, ce qui peut être pratique pour les études et le travail. Les conjoints sont «pure laine».
J’ai adopté au cours de ces années la philosophie générale des domaines politique et judiciaire du pays, même s’ils sont loin d’être parfaits. Cependant, je me désole du délabrement de ces institutions fédérales, particulièrement depuis septembre 2001: les lois d’exception qui bafouent l’habeas corpus, cette pierre angulaire et séculaire du droit britannique; l’introduction de ce qu’on appelait, sous l’Ancien Régime de la France, les «lettres de cachet», qui permettaient d’embastiller, sans fournir de raisons, les individus selon le bon plaisir du potentat; le tripatouillage des traditions gouvernementales par les gouvernements récents; l’obésité et l’omnipotence du bureau du premier ministre; l’utilisation abusive des procédures; la tendance soutenue de la centralisation par Ottawa depuis l’ère Trudeau, etc. Comme elles sont loin, les années de gouvernement du gentleman Lester B. Pearson!
La proverbiale paille qui a rompu le dos du chameau, en ce qui me concerne à tout le moins, est l’affaire Omar Khadr. Non que je partage les idéaux et agissements de sa famille, loin de là. Mais qu’il s’agisse du côté américain, qui n’a pas pu ou pas voulu le présenter devant un tribunal en huit ans de réclusion du prisonnier, ou du côté du gouvernement canadien, qui n’a pas apporté l’aide requise à un citoyen — né au Canada — incarcéré à l’étranger et qui refuse obstinément de considérer le fait qu’un mineur embrigadé par sa famille constitue un enfant-soldat, faisant du coup un bras d’honneur à la Cour suprême, je suis renversé. Dans les deux pays, il y a manquement au principe de la présomption d’innocence.
Je m’inquiète de la valeur de la citoyenneté canadienne et surtout de la citoyenneté acquise. Y aurait-il plusieurs degrés de valeur de la citoyenneté? Un pour George Smith et un pour Mohamed Neguib? Et, pourquoi pas, un pour le binational Bernard Charier?
C’est pourquoi, citoyen quasi modèle, mais adepte de la libre pensée et de la libre opinion, peu favorable à la double allégeance politique, craignant que ce qui est arrivé à Maher Arar ou à Abousfian Abdelrazik puisse arriver à n’importe qui, je recherche activement dans mes papiers, celui qui me promet la protection consulaire de la France.
***
Bernard Charier - Montréal


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->